mercredi 4 mars 2015

Inherent Vice




Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson
Durée : 2 h 30
Interprétation : Joaquin Phoenix, Josh Brolin, Owen Wilson, Reese Whiterspoon, Benicio Del Toro...
Genre : The very long Goodbye with Bugs Bunny

Synopsis

C'est la toute fin des années soixante et la paranoïa règne en maître. Doc Sportello est un privé qui ne peut pas se passer de fumer en longueurs de journée. Son ex petite amie vient lui dire qu'elle est tombée amoureuse d'un riche promoteur immobilier millardaire. Elle craint que sa femme et son amant se conspirent pour le faire interner. Rien est si simple. 


Tout dépendra de vos goûts pour apprécier le dernier film de Paul Thomas Anderson. Il pourra être très bon pour certain comme absolument vain et soporifique pour d'autre. Pour ma part j'ai assez aimé parce que j'apprécie particulièrement le genre noir ainsi que le film atmosphérique qui ne raconte pas grand chose. Je n'ai pas lu le livre de Thomas Pynchon mais le cinéaste insuffle dans le genre noir une sorte de trip de drogué à double vitesse, mettant toutes les ficelles du genre au ralenti. Comme dans les précédents films du cinéaste, la drôlerie et le sérieux s’emboîtent avec une maîtrise quasi parfaite. Ici l'enquête est aussi foireuse que l'ambiance est fumeuse, on en voit, ni palpe jamais l'intérêt, ni le pourquoi du comment, ni le dernier mot. Honnêtement on s'en moque totalement, c'est l'ambiance l'humour et le décalage qui priment. Le spectateur suit donc un genre de trip de plus de deux heures lui aussi. Ce film ressemble à une parodie du genre avec l'intrigue principale écrite, réalisée et interprétée au premier degré. Étonnant mais cela fonctionne. D'ailleurs tout ce qu'il y autour de l'intrigue sont des pointes d'humours particulièrement absurdes très drôles. Le montage est fait de manière assez habile pour emballer l'ensemble à être envoûtant. Le film est une parenthèse, une pause clope cinéma mais qui manque sérieusement de coupes, d'élagages pour en faire un très bon film. Une demie heure en moins aurait été bénéfique au niveau de l'histoire et un quart d'heure pour l'ambiance installée.

Au début le cinéma de Paul Thomas Anderson était surtout proche de celui de Robert Altman et de Martin Scorsese. Facile est de constater que le cinéaste a changé de fusil d'épaule et sa manière de mettre en scène depuis son épique There Will Be Blood. Le rythme du cinéaste est devenu beaucoup plus lent, autant dans sa mise en scène que dans sa narration. Tout est quasiment composé de plans fixes (parfois séquences bien entendu) tous maîtrisés à la perfection qu'il n'a plus besoin de démontrer. Cela crée une atmosphère et une tension particulière faisant vraiment la force du film. Son précédent film The Master est formellement identique, c'était un film à thèses et à oscars au vide sidéral et à la prétention absolue de faire un chef d'oeuvre. Inherent Vice est largement meilleur, on ne ressent pas la signature du cinéaste de faire un chef d'oeuvre à chaque plan. On a droit a du cinéma, ou du moins a un produit cinématographique regardable. Le cinéaste suit à nouveau un Joaquin Phoenix pour le moins drôle avec des mimiques et un esprit assez limités. Contrairement a depuis bien longtemps chez Paul Thomas Anderson, les acteurs ne portent pas le film et ne sont pas trop en avant par rapport à la mise en scène. Les seconds rôles de Josh Brolin à Owen Wilson en passant par l'excellent Benicio Del Toro complètent aux petits oignons un casting parfait.

Accompagné d'une belle bande son composée de deux morceaux déjà composés de Neil Young et une composition en totale symbiose sur la mise en scène accompagnant l'apesanteur du trip. On est loin du virtuose des meilleurs films du genre et du cinéaste mais l'originalité, le ton des années seventies sont bien là, c'est bien plaisant. Sans être un ovni Inherent Vice est loin d'être un film formaté et prévisible. C'est tordu et atypique, bien loin de ce que le cinéaste nous avait offert jusqu'à maintenant. Une œuvre différente et mineure du cinéaste mais qui reste toute de même de bonne facture. On regrette un peu son côté trop autiste et intello par moment. Alors que les Coen avec The Big Lebowski avait royalement dépoussiéré le genre avec leur cynisme, leur humour entre drogue et loufoquerie, Paul Thomas Anderson reste ici trop sérieux, bien trop sérieux par rapport au fond du film. C'est bien dommage mais cela n'empêche pas quand même pas à Inherent Vice d'être un drôle de film quand même. C'est un film exclusivement réservé aux fans du cinéaste et du genre noir qui est ici quand même bien revisité. Je ne conseille pas ce film aux non initiés car deux heures trente peuvent être très longues quand on entre pas dedans. Pour ma part, c'est un film dispensable dans la filmographie du cinéaste mais tout de même plaisant. Il est mieux que son premier film de mise en scène Hard Eight, sa comédie technique mais vaine Punch Drunk Love et surtout son fiasco absolu The Master. Au moins dans Inherent Vice la technique et les références se serrent plus souvent la main pour notre plaisir. Le cinéaste confirmerait-il une remontée dans son prochain film ? Affaire à suivre.


Note : 6 / 10

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