jeudi 26 juin 2014

Zero Theorem



Réalisation : Terry Gilliam
Scénario : Pat Rushin.
Durée : 1 h 40
Interprétation : Christoph Waltz, Mélanie Thierry, David Thewlis...
Genre : Laisse aller... c'est Christoph Waltz.

Synopsis :

Londres dans un avenir proche, les avancées technologiques ont placés le monde sous la surveillance d'une autorité invisible et toute puissante : Management. Qohen Leth, un génie de l'informatique, vit en reclus et attend un appel téléphonique qui lui apportera les réponses à toutes les questions qu'il se pose. Management le fait travailler sur un projet secret « le thèorème zéro » qui vise à décrypter le but de l'Existence ou son absence de finalité. La solitude de Qohen est interrompue par les visites émissaires de Management : Bob, son fils prodigue et surtout Bainsley, une femme mystérieuse. La force des sentiments, de l'amour et du désir viennent donc apporter une certaine réponse au sens de la vie à Qohen.

Depuis L'armée des douze singes on a perdu Terry Gilliam. Ce Zero Théorem le confirme en prouvant une nouvelle fois que le cinéaste n'a plus grand chose dans sa besace hormis faire un recyclage de son propre cinéma et de ses propres thèmes de manière insipide hélas déjà vu et même avouons le carrément has been.

Terry Gilliam plaît ou déplaît par son étrangeté, ses nombreuses références émaillés dans sa philosophie sur « Le sens de la vie » et son humour déjanté collé à la noirceur. Ici il y a toute la marque de fabrique du cinéaste allant jusqu'à l'auto caricature dans cette sorte de Brazil réactualisé en huis clos cheap et surtout en toc. Le scénario reprend le monde Orwellien, les thèmes Kafkaïens ainsi que la volonté d'incorporer la fantaisie, la noirceur, le romantisme et l'onirisme de Brazil. Seulement le personnage principal est plombé par une mélancolie et un psychisme massif qui ne fonctionne pas. Le scénario est trop brouillon dans ses différentes intentions. Ces dernières sont faussement farfelues et ne mènent à pas grand chose hormis nous dire une nouvelle fois le mal que peut faire la technologie. Le script meuble en permanence par des séquences décousues de ses différents thèmes tous dissociés les uns des autres et platement traités avec peu d'ambiguïtés, d'intelligences et hélas sans vraiment de moments de grâce.

Zero théorem est même étonnamment niais pour du Terry Gilliam. Très lisse, avec une musique particulièrement mauvaise, des effets spéciaux qui piquent les yeux assez souvent, Christoph Waltz galère pour donner un semblant d'épaisseur à son personnage. Le problème vient également de l'impression général que le cinéaste se repose uniquement sur l'acteur révélé par Tarantino tant tout est vraiment aseptisé autour de lui. Si on appréciera Tilda Swinton et Matt Damon dans des caméos courts et savoureux, Mélanie Thierry livre une prestation plutôt convaincante. Un peu comme le film, le jeu de l'actrice française sonne juste quand ce n'est pas dramatique. Cette partie dramatique est un véritable désastre tout comme les différentes scènes de fantasme sur cette île édulcorée : particulièrement indigeste.

Si bien évidemment Zero Théorem souffre de la comparaison avec Brazil (en même temps il l'a bien cherché) c'est tout de même de la manière la plus objective possible un film qui souffre du déjà vu et surtout du fait qu'il a déjà vieilli de pas mal d'années le jour même de sa sortie en salles. Si Terry Gilliam signe un film qui ne ressemble pas à un nanar contrairement à que présageait la bande annonce, il est tout de même bien frustrant que son recyclage insipide prenne le dessus sur son savoir faire. On ne parle plus de talent depuis plus de quinze ans chez le cinéaste, l'impression qu'il n'a plus rien à raconter, et encore moins innover, se ressent encore très fortement ici. Terry Gilliam fait partie de ces grands cinéastes comme De Palma ou Carpenter dont on attend un nouveau regain de créativité qu'un nouveau recyclage au goût prononcé de complaisance et de satisfaction personnelle. Décevant donc.


Note : 3,5 / 20

mardi 24 juin 2014

Super Duper Alice Cooper



Réalisation et scénario : Reginald Harkema, Scot McFadyen et Sam Dunn.
Durée : 1 h 25.
Durée des bonus : 40 min.
Interprètes : Alice Cooper, Shep Gordon, Dennis Dunnaway, Bob Ezrin...
Genre : "Welcome To His Nightmare"
Synopsis :

Documentaire sur la légende, le mythe Alice Cooper avec l'artiste lui-même qui commente des interviews et des images d'archives, ponctués par des témoignages de son entourage. Inédit dans les salles françaises, ce documentaire est directement disponible en support Dvd/BluRay.

Que les fans d'Alice Cooper soient rassurés, le voici (enfin !) le premier documentaire sur leur idole. Il est effectivement très difficile de se procurer autre chose que les albums, les vinyles ou les différents costumes d'Halloween d'Alice Cooper. Un an après la parution du livre d'Eric Tessier Le Parrain du Shock Rock, Alice Cooper possède cette fois un documentaire en son honneur qui ne sortira bien entendu pas du tout en France. Ce sera même un import anglais vendu directement à la FNAC.

Le résultat vaut assurément le coup d'œil et satisfera autant le fan que le simple curieux de l'artiste. Très bien écrit, rythmé et monté de manière aéré se concentrant constamment sur l'essentiel de ses débuts du groupe à la fin des années quatre vingt, alors en carrière solo. Illustré de manière plutôt agréable avec des images d'archives, des clips, des extraits de live prenants, les réalisateurs dressent un portrait honnête et efficace d'Alice Cooper avec la voix de l'artiste même en toile de fond donnant une authenticité ainsi qu'une notoriété totale aux propos.

Très harmonieux et fluide dans la répartition des interviews des luxueux intervenants, Super Duper Alice Cooper est un documentaire dans la forme et le fond très classique mais suffisamment bien fait pour que l'on ne s'ennuie pas une seconde. Aucune baisse de rythme n'est donc à déplorer dans ce montage sans faille et très plaisant qui traite de manière globale mais non superficielle la vie du chanteur. Alternant les anecdotes comme les moments plus intimes de sa vie privée, le point de vue reste toujours sobre et distant du début à la fin.

Les réalisateurs sont des fans de leur sujet et cela se ressent en s'appliquant à ne pas esquinter la légende sans pour autant la glorifier. Un juste milieu impeccable. Si ces passionnés ont signés auparavant d'autres documentaires sur leur passion (dont Iron Maiden : Flight 666) et qu'ils se penchent ici sur l'artiste précurseur du métal, le seul reproche non négligeable de ce documentaire serait un manque de précisions sur les différentes chansons et albums. Même si Alice Cooper s'est fait pas mal reconnaître par son image médiatique et son style authentique du spectacle, c'est assez dommage de ne pas avoir approfondit un peu plus le côté créatif musical ainsi que les différentes inspirations théâtrales. Il est également dommage d'avoir zappé les décennies après fin des années quatre vingt.

Peut-être un jour un biopic sur l'artiste sera fait (à mon avis c'est pas demain la veille) mais pour l'instant ce documentaire attendu depuis très (trop) longtemps assure largement son objectif : celui de mettre enfin dans la lumière sur le mythe de toute une génération et un style atypique. Rien que pour cela, cet excellent documentaire comblera les passionnés de la première heure ou simple amateurs et curieux de musique, c'est un must qui vaut largement l'investissement.


Note : 8 / 10

France Ha



Réalisation : Noah Baumbach
Scénario : Noah Baumbach et Greta Gerwig.
Durée : 1 h 25
Interprétation : Greta Gerwig, Mickey Sumner, Adam Driver...
Genre : Woody Allen est un Hipster

Synopsis :

Frances, jeune New-Yorkaise, rêve de devenir chorégraphe. En attendant elle s'amuse avec sa meilleure amie Sophie et s'égare de plus en plus de son avenir...

Filmé avec un beau noir et blanc, soutenu par une mise en scène bien rythmée, une écriture légère et porté par le talent indéniable de l'actrice principale, le film Frances Ha est quasiment un produit contemporain de Woody Allen de sa période seventies. Même si le film de Noah Baumbach, collaborateur au scénario de Wes Anderson, reste un moment sympathique et léger à visionner, tout ses thèmes restent vains et très vite limités. Comme si au bout d'une demie heure il n'y avait plus rien à raconter.

Baumbach traite une période de vie, une transition entre le monde des grands adolescents et le monde des adultes dans la quête d'un aboutissement professionnellement et sentimentalement. Le titre du film le montre par le nom de famille non achevé, justifié à l'image uniquement à la fin sur la boîte aux lettres de l'héroïne. Pour ce qui est du scénario c'est une bombe à retardement qui n'explosera jamais. Rien est vraiment abordé à part des exubérances des différents personnages peu subtiles mais parfois drôles. L'émotion est compromise par un ton qui du mal à passer de la comédie légère au grave dut à une plume paresseuse ne voulant jamais prendre l'initiative de rentrer dans le vif du sujet. L'impression que tout est repoussé jusqu'à la fin se fait ressentir dès la moitié du film, seulement il ne se passera rien.

Comme dirait le colocataire artiste de Frances, cette dernière est « incasable », contrairement à ce film vite catalogué dans la catégorie Hipster. On retrouve un peu tout ce que fait Woody Allen, sans patte aux dialogues et surtout les différentes idées à proposer en moins. C'est à dire beaucoup de choses en moins sauf la culture française très en vogue et raffolé des artistes, et la ville de New York en premier plan. On pense à Manhattan assez souvent par ces belles prises de vues et quelques répliques bien trouvées, le rythme et le sens de la mise en scène parfois empruntés à Wes Anderson. Ce sera tout pour les points positifs car ensuite le personnage de Frances fonce sans cesse droit dans le mur comme une gamine inconsciente dans un monde d'adulte, dans la joie et la bonne humeur un peu comme si c'était la seule attraction du scénario. Rien ne se dégage à part une gentille peinture psychologique qui aurait très bien pu tenir sur un court métrage d'une demie heure.

Au final pas très intéressant, Frances Ha est un film distrayant mais bien loin de ses intentions de départ voulues et/ou attendues. Bien loin également du style du réalisateur de Radio Days mais cependant bien moins nombriliste que le film d'auteur pur. Frances Ha est un film plutôt destinés aux bobos plus ou moins assidus qui raffolent du cinéma d'Annie Hall. Les plus curieux apprécieront tout de même un ton divertissant, une belle photographie ainsi qu'une interprétation réussie tout en se disant que c'est pas leur came en attendant gentiment la fin. On ne s'ennuie pas, c'est toujours ça vous me direz.


Note : 5 /10

dimanche 22 juin 2014

The Homesman



Réalisation : Tommy Lee Jones
Scénario : Tommy Lee Jones, Kieran Fitzgerald et Wesley Oliver
d'après le roman homonyme de Glendon Swarthout.
Durée : 2 h
Interprétation : Hilary Swank, Tommy Lee Jones, David Dencik...
Genre : Anti western d'une séance.

Synopsis :

En 1854, trois femmes ayant perdu la raison sont confiées à Mary Bee Cuddy, une pionnière forte et indépendante originaire du Nebraska.
Sur sa route vers l'Iowa, où ces trois femmes pourront trouver refuge, elle croise le chemin de George Briggs, un rustre vagabond qu'elle sauve d'une mort imminente. Ils décident de s'associer afin de faire face ensemble aux différents dangers et la rudesse du climat qui sévissent dans les vastes étendues de la Frontière durant la durée de l'escorte.

Après Trois enterrements, Tommy Lee Jones se relance dans le western, un genre qui sort de plus en plus de la mode depuis ces dernières années. Si le film donne une bonne impression générale par son originalité et son excellente distribution, il possède quelques longueurs et des défauts qui l'empêchent d'être un bon film.

Une nouvelle fois le film de Tommy Lee Jones possède une très belle photographie ainsi qu'une bande son très réussie qui nous plonge rapidement dans l'atmosphère d'un western propre. A l'image du style du scénario, le ton reste à la fois dans l'émotionnel psychologique, dans l'aventure de l'Ouest le tout parsemé d'humour assez original, notamment avec le personnage de George Briggs incarné par le cinéaste lui-même à la perfection. Tout est sobre et réalisé de manière très professionnelle et de manière intimiste. Les personnages sont assez touchants surtout par la crédibilité du jeu des acteurs, tous excellents.

The Homesman est un film assez classique dans sa trame principale mais surprenant dans ses différentes intentions de traiter la folie des Hommes dans l'Ouest américain au dix-neuvième siècle. Il aborde d'une manière à la fois simpliste et originale la folie à travers différents personnages, tous particulièrement victime de la solitude. Le script utilise des femmes devenues complètement folles dans le sens propre du terme pour mieux élargir la palette psychologique des portraits pour mieux faire ressortir la psychologie des personnages. C'est assez réussi au final même si c'est loin d'être irréprochable au niveau de l'écriture.

Effectivement, le scénario est souvent confus dans les descriptions psychologiques, les antécédents de ces trois femmes devenues folles. Le spectateur a du mal à dissocier non seulement de quelle femme il s'agit mais surtout là où le scénario veut en venir. On remarquera donc un grand manque de clairvoyance dans la narration en plus de cisaillement dans les séquences, l'impression pour le spectateur d'être de temps à autre sur une fausse piste ou sur le banc de touche à la fin. Problème d'adaptation sans doute sur les intentions originales entre le livre et le scénario. Inutile de dire que des choses ne peuvent être portées à l'écran, mais que Tommy Lee Jones les a quand même illustrées. Notamment la psychologie du personnage de Briggs, complètement aléatoire en fonction de la tournure des événements. Ce qui rend pas mal d'incohérences même si le résultat passe plutôt bien par la sobriété et sa performance d'acteur. Le personnage de Bee Cuddy est également assez surprenant par sa tournure dramatique qui contredit sa force mentale et morale sans cesse appuyée depuis le début.

Difficile donc de saisir toutes les différentes pistes, j'ai été pris par l'impression générale qu'il fallait avoir lu le livre pour saisir les messages du scénario, la folie ainsi que ces différentes réactions des personnages. Je regrette donc ce côté trop brouillon dans la façon d'exposer les thèmes, les portraits du scénario ce qui rend le résultat un peu bancal. Un point de vue plus clair, une écriture plus lucide et simple auraient été les bienvenus.

Même si cela reste un film bien fait, honnête et intéressant, The Homesman paraît souvent biaisé de ses intentions de départ et reste avant tout un film d'interprétation dont je prendrai pas vraiment plaisir à revoir une seconde fois. Un peu frustrant quand même.


Note : 5,5/10

vendredi 20 juin 2014

Jersey Boys




Réalisation : Clint Eastwood
Scénario : Rick Elice et Marshall Brickman.
Durée : 2 h 10
Interprétation : John Lloyd Young, Vincent Piazza, Christopher Walken...
Genre : Film de Clint Eastwood

Synopsis :

Histoire des Four Seasons, le groupe de musique des années cinquante.

Passés ses premières réalisations, les films réalisés par Clint Eastwood ont toujours été du cinéma grandiose particulièrement par l'émotion de ses différentes histoires. Il est toujours un des seuls cinéastes qui a le secret et le talent de faire ressortir, ressentir au public avec tant de force toutes ces émotions avec un classicisme à la Elia Kazan ou encore Douglas Sirk. Depuis Mystic River les films du cinéaste ne fonctionnent quasiment que sur cet indéniable grand savoir faire. Ce sera une nouvelle fois la qualité mais aussi le défaut de son dernier film Jersey Boys qui pourtant commençait bien.

Jersey Boys est plaisant dans sa première heure. Effectivement le film d'Eastwood ressemble à un Scorsese en plus sobre et classique, un peu similaire au ton agréable que De Niro avait obtenu avec Il était une fois le Bronx. Eastwood s'avère original et léger, un peu comme le chaînon manquant entre le cinéaste de La Valse des pantins et les films Disney. Très soigné, drôle et même surprenant pour du Eastwood : on regarde un film avec le procédé de la Nouvelle Vague où les personnages s'adressent directement au spectateurs. Ce procédé ressemble encore à du Scorsese (car après J Edgar ce serait le deuxième scénario qu'aurait pu prendre en main le cinéaste de Casino) et surtout récemment revenu à la mode avec la série House of Cards de David Fincher.

Une fois cette première heure passée, le scénario et le cinéaste s'embourbent dans un biopic beaucoup plus classique et terne. Le déjà vu et le manque d'originalité gomment hélas toutes les qualités du début pour en donner un produit plus mastoc et guindé. Notamment avec des histoires de magouilles platement écrites et filmées et absolument pas passionnantes. Toute la mise en scène a beau être léchée au millimètre, le tout devient rapidement insipide. A la fin, comme rattrapé par l'envie de signer son film avec son savoir faire mélodramatique, Eastwood finit dans de l'émotion "à la Eastwood" que je ne vous révélerai quand même pas. Seulement cette dernière arrive maladroitement et comme un cheveu sur la soupe et alourdit inutilement ce film qui ne décollera hélas plus. La déception s'installe, confortant une nouvelle fois ma pensée que le dernier bon film du cinéaste reste L'échange dans le genre et  Mystic River pour son côté novateur.

Pour ce qui est du groupe des Four Seasons, on ne suit que la musique de temps à autres sur de belles séquences musicales qui raviront les nostalgiques de ces années. Le reste n'est qu'un biopic assez irrégulier, particulièrement sur son final étonnamment brouillon au niveau de sa narration. Toute la fin est rallongée un maximum, c'est même interminable. Le cinéaste prolonge son plaisir sur le générique de fin avec une séquence musicale légère et classe, ce qu'aurait pu être le film. Bien frustrant pour nous public. Le cinéaste se faisait également plaisir en se mettant même à la télévision dans un de ses premiers rôles à l'écran, tout le long également en ré-offrant enfin un rôle important au génial Christopher Walken, évidemment le meilleur de tous. L'interprétation générale est un peu comme le cinéma du cinéaste, limite caricaturale mais reste toujours juste, maîtrisée et vraiment sans improvisations.


Techniquement irréprochable, Jersey Boys n'est pas le pire film de Clint Eastwood mais comme J Edgar un film aussi propre, lisse que mineur dans sa fructueuse filmographie. Voici le fruit même de l'académisme du cinéaste qui peut autant être aussi fascinant et virtuose qu'ennuyeux et vain. Ici vous avez les deux facettes du cinéma East"holly"woodien, la bonne est sur la face A de ce Vinyle toujours très bien produit. Sur ce point là, Clint est dans le thème, mais pas passionnant. Le cinéaste l'avait été auparavant avec des types de musiques qu'il affectionne plus que le rock, la Country et le Jazz avec Honkytonk man et Bird dont je profite de l'occasion pour vous les recommander. 


Note : 5/10

samedi 14 juin 2014

Dressé pour tuer ( White Dog )






Réalisation : Samuel Fuller
Scénario : Samuel Fuller et Curtis Hanson 
d'après Chien blanc de Romain Gary.
Durée : 1 h 25
Interprétation : Kristy McNichol, Paul Winfield, Bob Minor, Burl Ives...
Genre : Magistral plaidoyer.

Synopsis :

Sur les collines d'Hollywood, Julie, une jeune actrice, renverse avec sa voiture un berger allemand blanc perdu. En attendant que les propriétaires récupérent leur chien, elle se prend d'affection pour ce dernier qui, un soir, la sauve d'un violeur. Cependant il s'avère que ce chien est un « white dog», un animal dressé pour tuer les hommes de couleur noire.

Film inédit en dvd et blu ray dans notre zone, la ressortie en salles fin mai de Dressé pour tuer a poussé ma curiosité à aller le voir au cinéma. Bien sûr si uniquement les petites salles parrainées par le CNC le proposent, il est tout de même extrêmement plaisant de découvrir des films de cette qualité. Adaptation du roman de Romain Gary Chien Blanc, le film de Samuel Fuller est un formidable plaidoyer contre le racisme, un portrait réaliste et pessimiste sur la race humaine traité avec une intelligence remarquable. Un film très fort qui mérite d'être réhabilité d'urgence.

Mis à part quelques détails vestimentaires très eighties, ce film est concentré du meilleur du cinéma des années soixante dix autant dans la forme que dans le fond. Dressé pour tuer possède un sujet très délicat qui peut vite tomber dans le ridicule, le too much ainsi que le pathos très lourdingue. Ce ne sera jamais le cas car le formidable scénario ne tombe jamais dans la niaiserie et défend intelligemment jusqu'à la fin ses objectifs ainsi que son plaidoyer. Si l'intrigue paraît simpliste aux premiers abords, Samuel Fuller et Curtis Hanson (le futur réalisateur de L.A Confidential) arrivent à établir un formidable crescendo entre thriller horrifique de série B de grand luxe vers la conquête, l'espoir d'une reconversion du mal en bien pour le moins bouleversante.

Dressé pour tuer est un brillant mélange des genres qui mêle de manière magistrale le drame, l'expressionnisme en lorgnant avec du fantastique. Samuel Fuller s'en tire avec les honneurs. On retrouve du suspense horrifique, du drame émotionnel, un soupçon de comédie (sur le cinéma particulièrement) et surtout une critique extrêmement virulente sur les vices de la race humaine. Le film dénonce la haine raciale (racisme) ainsi que l'Être humain et son utilisation matérielle des animaux. Une peinture juste et féroce plombée par un réalisme scotchant. Le scénario nous porte tour à tour à croire, penser et espérer tout le long à réparer le mal de l'homme sous les traits de ce merveilleux chien blanc, parfaitement charismatique. Le cinéaste s'applique à filmer les animaux et les hommes de la même manière et en dégage des portraits fouillés et très émouvants. A l'aide également une nouvelle fois d'une merveilleuse bande originale de l'incontournable Ennio Morricone, l'émotion bouillonne encore plus. Le public est immergé devant ce bijou terriblement triste, saisit à la gorge par ce suspense horrifique et émotionnel qui grandit sans cesse jusqu'au bouquet final, tragique.

Fuller nous donne l'espoir à l'aide du très juste Paul Winfield dans le rôle du dresseur auquel le public s'identifie sans mal. Tous les personnages sont formidables, intenses y compris ce fameux Chien blanc, touchant. Le cinéaste est très tranchant et sec avec la transformation de ce chien blanc en animal dangereux et lorgne proche du meilleur de Spielberg et de Cronenberg. Par la suite, les scènes étirées au ralenties situées particulièrement lors des fabuleuses scènes du dressage rajoutent de l'émotion au suspense permanent. On est plongé dans du De Palma ou du Léone. Le cinéaste signe un résultat atypique, d'une émotion et d'un suspense absolument magnifique au point de rendre un film complètement épique. Samuel Fuller réussit à démontrer ses différents messages et propos avec une mise en scène entre fureur et une sensibilité émotionnelle époustouflante, sans oublier de particulièrement nuancer l'ensemble. La tristesse, la peur ainsi que la haine envers la cruauté de la race humaine en général s'installent de manière viscérale chez le spectateur. Ce dernier est rarement habitué à voir autant de thèmes soulevés et transporté dans un ballet cinématographique intense. Si White Dog a des allures de Série B c'est aussi parce que la commande originale des Studios pour ce film était un remake des Dents de la Mer de Spielberg mais avec des chiens. Mais ne vous y trompez pas il est rare de voir une œuvre de cette envergure, un peu à l'image du livre de Romain Gary.

Dressé pour tuer fut proposé à Tony Scott et Roman Polanski avant que ce soit finalement le cinéaste Samuel Fuller. Avant même sa sortie en salles, le film fut attaqué par des associations et gouvernements de lutte pour les droits civiques malgré son message anti raciste. Un boycott a rendu ce chef d'œuvre complètement transparent et inconnu du grand public. Une bien triste histoire également pour ce fabuleux White dog  qui est pourtant bien plus pertinent, intelligent, original et surtout beaucoup plus réussit que beaucoup de films qui ont abordés ces thèmes. Un tourbillon cinématographique dense, passionnant et rare un peu à l'image du roman de Romain Gary. L'auteur lui dans son livre va plus loin dans sa démonstration avec la démarche du dresseur qui va jusqu'à inverser l'utilisation du chien sur les hommes de couleur blanche. Si le livre de Romain Gary est un peu foutraque dans sa forme, son fond et ses envolées de styles et philosophiques sont absolument sublimes. Chien Blanc est un pensum réfléchi sur le racisme formidable. Je recommande autant la lecture du livre que la vision du film. Tous les deux différents mais superbes et passionnant dans le sujet. 

Dressé pour tuer est un formidable coup de maître pour le moins atypique à voir, à redécouvrir, absolument à la seule condition de ne pas être déprimé de la race humaine.

Note : 10/10

La dévédéthèque parfaite dans le même genre :

Taxi driver de Martin Scorsese, Il était une fois la Révolution de Sergio Léone, Les dents de la mer de Steven Spielberg, La mouche de David Cronenberg et Obsession de Brian De Palma.  

mercredi 11 juin 2014

Joe




Réalisation : David Gordon Green
Scénario : Gary Hawkins
Durée : 2 h.
Interprétation : Nicolas Cage, Tye Sheridan, Gary Poulter...
Genre : Clichés violents

Synopsis :

Dans une petite ville du Texas, l'ex-taulard Joe Ransom essaie d'oublier le passé avec une vie de monsieur Tout le monde le jour en tenant une entreprise de bois. En s'immolant dans l'alcool la nuit. Gary, un jeune homme de quinze ans à la vie familiale complexe va être embauché par Joe pour subsister aux besoins de sa famille. Cherchant la rédemption, Joe va prendre Gary sous son aile.

D'un côté plaisant de revoir Nicolas Cage dans un rôle plus intéressant que ce à quoi il nous a habitué ces dernières années et le retour de Tye Sheridan, avec certes des boutons d'ados partout, après l'excellent Mud. D'un autre assez décevant avec un film souvent mal écrit et surtout dépourvu subtilité, je suis sorti de la séance de Joe très partagé.

Tout le monde vantait avec ce film le retour du grand Nicolas Cage ce qui faisait une certaine forme de promotion pour ce film assez ridicule. Nicolas Cage est un excellent acteur qui n'a rien à prouver avant même sa consécration pour Leaving Las Vegas. Ici l'acteur est dans un rôle qui aime encore bien la bouteille, moins que dans le film de Mike Figgis mais quand même pas mal, et interprète Joe, un ex taulard alcoolique en quête de rédemption. Son personnage est bien plus antipathique que sympathique contrairement a ce que veut nous prétendre le film. Psychologie et scénario ne possèdent absolument aucunes nuances. Ce qui est rare a un tel point que je pense que c'est vraiment un parti pris. Pas de subtilité donc, ce sera le bien d'un côté, le mal de l'autre et bien distant l'un de l'autre. Le problème dans tout cela est que le film est un peu bâtard lui aussi en ne trouvant pas vraiment d'harmonie.

Niveau cliché et violence c'est l'apothéose, voilà sûrement ce qui rend ce film si particulier. Les personnages sont tous prisonniers de leur démons, condamnés par un alcoolisme évident. Seulement David Gordon Green n'est pas John Huston. Cela se voit car le cinéaste n'accentue que le mal, ne développe rien si ce n'est que la violence superficielle des alcooliques. Le spectateur suit ses personnages tous horribles et antipathiques qui n'ont pas vraiment de profondeur. Même le jeune et gentil bouc émissaire Gary (Tye Sheridan joue quand même juste) n'a aucune raison de croire encore à son père, ce dernier n'est présenté par le scénario uniquement comme un ignoble alcoolique (effrayant Gary Poulter). La relation entre Gary et Joe ou même le vrai père est complètement zappée, aux oubliettes. En revanche la haine que le public exerce sur ses personnages est vraiment réussie. Pour cela il faut avouer que ce film possède la force et l'originalité d'avoir des personnages abominables et parfaitement détestables comme on voit assez rarement.

Le scénariste du premier film de Jeff Nichols Shotgun Stories n'a pas su tirer avec Joe un vrai film sur les campagnes profondes sans alourdir les clichés. Si le scénario n'a également pas grand chose à raconter, il n'y va pas de main morte. Joe, si on reste dans l'esprit du script, n'est qu'une histoire de violence et de vengeance entre péquenots alcooliques filmés avec sérieux. Seulement on dirait que ce film est un exercice de style : celui d'appuyer un maximum les clichés pour faire en ressortir uniquement le côté réaliste et violent au point de ne pas avoir honte et assumer. Pour en faire un film tellement noir stupidement qu'il en est attractif. Le grand manque de subtilité est parfois tellement poussé que le personnage de Joe (Nicolas Cage toujours très pro sans fond vert) se limite à vouloir juste se payer une prostituée dans la foulée d'un conflit intense pour « se détendre ». Le tout accentué de violence gratuite au niveau de la mise en scène, Joe est tellement sombre et pessimiste si on enlève la lamentable et niaise conclusion qu'il attise bien la curiosité.

La grande question reste de savoir si tout cela est vraiment fait exprès. De tels clichés, si mal assemblés et filmés si sérieusement a tout d'un film raté. Cependant d'un autre côté, le cinéaste prend sa caméra (épaule pour changer) et suit de manière peu conventionnelle au scénario, le désespoir, la violence de ces hommes avec quelques moments pour le moins forts et inattendus. La séquence du père de Gary suivant un clochard pour une bouteille de vin est une parenthèse imperceptible dans la narration qui dérange de manière particulièrement efficace.

Tout est si poussé à l'extrême qu'à défaut de détester ou d'adorer, j'en repars avec un avis plus mitigé qu'autre chose sur les intentions du cinéaste. L'impression que le cinéaste a voulu détruire complètement ses personnages car ce n'est pas possible d'avoir un tel vide total à raconter sans en avoir conscience. Gordon Green se serait uniquement appliqué sur un portrait très pessimiste et réaliste plus choc en toc qu'intelligent. A vous de voir, mais Joe n'est pas vraiment un bon film, ou en tout cas un film dispensable. 

Note : 4,5 /10


dimanche 8 juin 2014

La Valse des Pantins (The King of Comedy)



A la fin du tournage de Taxi driver, Robert De Niro découvre ce scénario de Paul Zimmermann qu'il s'empresse de proposer à Martin Scorsese. Le cinéaste ne se sent pas impliqué par ce personnage et le met de côté. C'est donc après deux autres collaborations fructueuses en récompenses (New York New York et Raging Bull) que De Niro insiste une nouvelle fois. Devenus entre temps très amis et stars l'un comme l'autre, Scorsese est touché cette fois par le scénario de La valse des Pantins et accepte de le réaliser. Ce fut un nouvel échec commercial à sa sortie (le plus grand du cinéaste) et certainement le plus injustement oublié à l'heure actuelle dans sa vaste et riche filmographie. Cette cinquième collaboration entre Scorsese et De Niro est largement à la hauteur des meilleures, sans doute la plus cynique, grinçante et visionnaire qu'il serait dommage de passer à côté.

Si on peut distinguer une saga Coennienne de l'homme seul chez les frères Coen (Barton Fink, The Barber , A serious man et Inside Lewynn Davis) on peut également en trouver une chez Martin Scorsese avec Taxi driver, La valse des pantins, La dernière tentation du Christ et A tombeau ouvert. Cette saga aux thèmes Scorsesiens est axée sur la folie, les pulsions et les hallucinations de leur personnage principal. Si les Coen sont les spécialistes des losers, celui de Scorsese avec Rupert Pupkin doit sûrement être dans leur panthéon. Ce comique, persuadé de son immense talent, est en recherche de reconnaissance éternelle auprès de ses idoles qu'il essait sans cesse de côtoyer au plus prêt pour s'imposer. Il renoue contact également avec son amour de collège (Diahnne Abbot, la femme de De Niro à l'époque). Rupert tente de la re séduire en affirmant qu'il est célèbre (la scène de l'autographe au restaurant est hallucinante). En etant célèbre Pupkin veut également prouver à son ancien proviseur que c'est un génie et qu'il avait eu tort de l'avoir viré. Pour cela, il est prêt à tout pour avoir son moment de gloire pour être révélé au public. Selon lui il lui suffit d'être vu pour être lancé. Ce personnage atypique de Rupert Pupkin est vraiment passionnant. Tout ce qui a de plus pathétique aux premiers abords et pour le moins effrayant par son culot, sa folie dévastatrice ensuite, Rupert Pupkin est un peu le Travis Bickle de Taxi Driver en plouc opportuniste. Ce dernier souhaite devenir célèbre par n'importe quels moyens. Son délire l'alienne tellement qu'il en est la victime un peu bouffonne au départ pour être ensuite une victime (ou pas) qui passe froidement à l'acte.

Le scénario est signé par le journaliste Paul D Zimmermann. Ce sera son seul script et excursion dans le septième art. Toute l'écriture est d'une incroyable efficacité et avec un sens de la dramaturgie redoutable. La narration hypnotise particulièrement le spectateur en plaçant la folie du personnage principal collée à la réalité. Quand Pupkin s'enferme dans son univers (sa chambre au sous sol) il fait une conversation avec lui même sur un canapé autour de panneaux découpés des ses deux idoles ainsi qu'un grand panneau en guise de public qui l'applaudit. C'est tellement pathétique qu'on prend pitié et de la sympathie pour ce grave cas psychotique. Victime de sa folie dans une réalité on ne peut plus froide et inhumaine, dans un premier temps du moins, le plus vivant, le plus chaleureux et aimable c'est bien lui. La folie s'avère ensuite bien plus dérangeante et grinçante. Le délire se fond lentement dans la narration et rend encore plus mince la frontière encore entre la réalité et le délire du personnage. Stratégie imparable car c'est Pupkin qui devient le prédateur glacial. La satyre sur le show business, les chemins de comédies empruntés sont incroyablement cisaillés et virtuoses. Le scénario repousse les limites en permanence de manière clinique quand Pupkin s'invite de manière incongrue chez son idole Jerry Langford pour finir par séquestrer ce dernier par vexation de s'être fait mettre à la porte. Il va même en profiter pour passer à sa place à la télévision. Folie ou geste intentionné ? C'est à vous de voir car l'ambiguïté est bien présente et savoureuse. La première lecture est une attaque virulente des fans hystériques sur le monde des célébrités, la seconde bien plus dérangeante sur le système du show business, du rêve américain ou même politique. De nos jours on rit bien jaune à l'époque de la télé-réalité. Cette dernière en pleine mode du « m'a tu vu » que nous avons droit ces dernières années se résument entièrement dans la dernière phrase de Pupkin : « Je préfère être roi ne serait-ce qu'une heure que plouc toute ma vie ».

La Valse des pantins oscille en permanence entre le grave, la noirceur, la satyre, le drame, le cynisme sur une trame de comédie un peu policière. Dans le fond il est particulièrement très moderne, atypique et possède un personnage principal extrêmement riche en analyse psychologique. A la fois féroce et drôle, la mise en scène alterne magistralement les scènes de folies oniriques du personnage principal jusqu'à semer le doute. On retrouve un peu le même final de Taxi Driver mais poussé encore plus loin dans la critique et l'abstraction. La question mère sur le cinéma demeure au premier plan : réalité ou fiction ? Rupert Pupkin a t-il à la fin son succès ? Dans les deux cas, la violence, la critique du milieu et du spectateur sont bien présentes, rien est épargné. Le scénario dégage un pamphlet tout ce qui a de plus étourdissant en particulier par des dialogues excellents. Rarement un scénario aussi simple aux premiers abords ne dégage autant de si riches et passionnants thèmes. L'ennui et la facilité ne sont jamais présents dans cette mécanique parfaitement huilée jusqu'à la fin. Le film a aussi la grande particularité d'être en très grande partie improvisé au niveau de l'interprétation. Scorsese est souvent adepte de l'improvisation au niveau de sa direction d'acteur, La valse des pantins est son meilleur exemple. C'est aussi sans doute ce qui rend cette comédie si atypique et qui se démarque de toutes ces comédies millimétrées. 

Scorsese tire le meilleur du scénario par une simplicité magistrale. Pour une des rares fois dans sa filmographie il filme cliniquement et sobrement son film. Avec des plans simples et efficaces, on suit avant tout les personnages et le scénario. Quand l'image est au service du film, c'est uniquement pour déplier la folie de Pupkin. C'est brillamment réussi. Les looks vestimentaires des années quatre vingt ont beau être complètement démodés, le ton honnête et chirurgical du cinéaste fonctionnent avec des acteurs qui jouent à fond. Un peu comme Phantom of the Paradise chez Brian de Palma, on a du mal à imaginer qu'on regarde un film du cinéaste. C'est esthétiquement kitsch mais le message universel et l'aspect visionnaire sont si grandiose que ça passe et demeure même indémodable. A notre grande surprise, c'est également un exercice de style brillant et un tour de force incroyable qui en fait un film atypique, culte et à part dans la filmographie du cinéaste. Scorsese est au moins aussi brillant que du grand Billy Wilder. Le cinéaste a même eu l'idée pour le moins irrésistible de glisser la mère de Pupkin en train de reprendre à plusieurs reprises dans le hors champs Pupkin lui demandant de faire moins de bruit. Cela accentue sa folie (référence à Psychose d'Hitchcock avec la mère poule) et étoffe encore la psychologie de Pupkin. Cette comédie est hors norme car l'humour est très noir, impalpable et imprévisible. La mécanique ample des plans, le jeu des acteurs insatiables ainsi que la richesse du scénario et de la psychologie ne permet en aucun cas de donner un fil blanc narratif.  Inutile de souligner que l'interprétation est impeccable comme toujours. Si Jerry Lewis est impressionnant de sobriété, Sandra Bernhard livre une prestation de fanatique, nymphomane et hystérique pour le moins inoubliable. S'il y a bien un grand coup de chapeau bas à donner c'est bien à Robert De Niro qui est ici dans un de ses plus grands rôles dans la peau de son personnage le plus atypique de sa carrière. Le plan séquence où il signe son one man show final, l'acteur avoue avoir été complètement nu et dépossédé de ses moyens, seul face au public dans la peau d'un humoriste. Une des plus grandes expériences de sa vie d'acteur répète t'il. Sa performance confirme la période où il était est ici au sommet de son art dans des films grandioses, le sommet de sa collaboration avec Scorsese après l'impressionnant Raging Bull.

La Valse des Pantins est pour ma part un des cinq meilleurs films du cinéaste, le plus remarquable pour son côté visionnaire. Si l'équipe ne pensait pas que le film le serait à l'époque, le temps le bonifie indéniablement. Aujourd'hui on n'oserait plus produire un film comme celui là car il ne possède aucun des codes des films produits avec une histoire d'amour, un rythme calculé et grand public de la comédie, une fin fermée, heureuse etc... C'est donc un des derniers films atypiques et typés des années soixante dix réalisés dans les années quatre vingt. Si la forme du film est assez classique, le fond est indéniablement grinçant. Sorti vingt ans avant la télé-réalité, cette comédie noire est une satyre éloquente, pessimiste, visionnaire sur le show business, le rêve américain et des médias qu'il est indispensable de redécouvrir. Peut-être un des meilleurs films du cinéaste de Casino où Robert De Niro compose un numéro d'anthologie inoubliable en Rupert Pupkin. Personnellement je l'apprécie de rediffusion en rediffusion et je ne m'en lasse jamais, bien au contraire. 

Profitez sa récente ressortie en bluray pour vous le procurer, c'est un coup de maître à conserver.

Note : 10/10

La dévédéthèque parfaite dans le même thème :


Network (Sidney Lumet), Quiz Show (Robert Redford) Des hommes d'influences (Barry Levinson) The Truman Show (PeterWeir) ou La mort en direct (Bertrand Tavernier).

samedi 7 juin 2014

Mea Culpa



Réalisation : Fred Cavayé
Scénario : Guillaume Lemans et Fred Cavayé.
Durée : 1 h 30
Distribution : Vincent Lindon, Gilles Lellouche, Nadine Labaki...
Genre : Nanar rythmé

Synopsis :

Flics à Toulon, Simon et Franck fêtent une fin de mission. Sur le chemin du retour ils percutent une voiture. Bilan : deux victimes dont un enfant. Franck est indemne, Simon qui était au volant alcoolisé sort grièvement blessé. Il va tout perdre et en particulier sa vie de famille. Six ans plus tard, divorcé de sa femme Alice, Simon est convoyeur de fond et voit peu son fils Théo. Franck toujours flic veille sur la famille. Théo devient malgré lui témoin d'un règlement de compte mafieux. Très vite il fait l'objet de menaces, le duo Simon et Franck va se reformer et l'occasion de revenir sur les ombres du passé qu'ils ont en commun.

Fred Cavayé filme bien l'action et l'avait prouvé dans son précédent film A bout portant. Si cette fois cela ressemble plus a du Paul Greengrass qu'a un téléfilm esthétiquement, c'est à nouveau un fiasco total. Le mélange des affiches de ses précédents films est également là pour rassembler Lindon et Lellouche pour le meilleur. Seulement c'est bien le pire qui est réunit pour le reste.

Cavayé reprend l'intrigue d'A bout portant avec de la psychologie encore plus lourdingue et plus pompeuse dessus. Oui c'est possible ! La poursuite dans le métro est remplacée par une en TGV, les grosses ficelles dégoulinent de partout et comme coutume chez le cinéaste la finesse est aux abonnés absents. Le scénario est pour le moins qu'on puisse dire cousu de fil de coton qui empile sans aucune honte les clichés les uns sur les autres. L'interprétation est lamentable chez tous les seconds rôles, le chef de la Police reste tout de même la cerise sur le gâteau tant son interprétation est horripilante. Tout est truffés d'incohérences, d'invraisemblances réalisés sans nouvelles inventivités, ni trouvailles, ni audace, ni intelligence et encore moins d'habileté. Tout est justifié pour filmer de l'action fadasse et vaine. Assommé tout le long par une musique lacrymale qui surligne lourdement toute l'émotion, on en ressort complètement abruti devant ce savoir faire de montage qui copie le cinéma d'action américain sans saveur. Sans la musique, ce film serait une parodie du policier français excellente.

Le seul mérite de cette daube reste sa durée relativement courte et rythmé mais bien assez longue à supporter. Si Cavayé veut filmer de l'action, par pitié qu'il fasse écrire ses scripts. C'est une véritable catastrophe. Si l'idée est d'Olivier Marchal, cette histoire de flic et de culpabilité est digne d'une mauvaise série Z tant tout est prit au sérieux. Une vraie purge. Alors que le cinéaste obtenait un suspense plutôt intéressant à la fin de Pour Elle (que Ben Affleck a entre temps totalement et logiquement désuet avec Argo) tout espoir s'est envolé chez Cavayé. C'est uniquement un technicien d'action.

Avec Mea Culpa, les amateurs d'A bout portant (soit un épisode de Julie Lescaut violent filmé à l'hollywoodienne) retrouveront un peu le même film, en moins bien. Eh oui c'est possible, tout est réalisable pour Fred Cavayé ! Le cinéma français est bien désolant quand il fait des franchouillardises, mais quand il se veut américain c'est peut-être même pire. Cette daube monumentale est une preuve de poids. Pitié messieurs les producteurs, plus besoin d'alourdir le dossier. C'est suffisant et exaspérant.



Note : 1/10

Her



Réalisation et scénario : Spike Jonze.
Durée : 2 h.
Distribution : Joaquin Phoenix, Amy Adams, Rooney Mara...
Genre : Vous êtes le Joaquin des hôtes cet Apple store...

Synopsis :

Los Angeles dans un futur proche. Théodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors inquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système il fait la connaissance de « Samantha », une voix féminine intelligente, intuitive et drôle. Les besoins et désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Théodore, et, peu à peu, tombent amoureux...

Autant le dire de suite, ce film est une déception. Si j'adore les deux premiers films de Spike Jonze c'est sans aucun doute parce que les scripts sont signés du tordu et génial Charlie Kaufman. Depuis le cinéaste avait pour la première fois rédigé le scénario avec Max et les Maximonstres, un trip imaginaire enfantin plutôt mignon aux grandes allures d'un immense clip. Her confirme que Spike Jonze est un peu comme Michel Gondry. En plus d'avoir tous les deux adaptés brillamment les scripts de Charlie Kaufman à l'écran ainsi que de venir du milieu du clip, ce sont deux très bons réalisateurs mais de piètres scénaristes. Her a reçu l'oscar du meilleur scénario original, nouvelle preuve que les oscars ne sont toujours pas objectifs et confirme l'aridité de la créativité de nos jours. Ce film mériterait plutôt l'oscar de la meilleure idée originale mais absolument pas celui du meilleur scénario original.

Pourtant le film commençait plutôt bien. Le scénario et la mise en scène soignée du cinéaste plonge le spectateur dans un futur proche qui touche le public frontalement. Il est en effet intéressant de voir la population (du futur vraiment ?) si dépendante à la technologie et paradoxalement perdre tout contact humain, tout sentiments les uns vers les autres et réfugier ses émotions dans la technologie. Théodore (Joaquin Phoenix) a pour travail le service d'écrire des lettres à la place des gens, un métier qui veut beaucoup de choses. Théodore est un genre de Cyrano de Bergerac dans l'ère de l'Iphone, un homme populaire, très sentimental, sensible mais bien seul comme beaucoup de gens dans cette société. Tout cela est plutôt prenant mais vite frustrant car le scénario n'ira pas plus loin.

Her ne se hisse ni dans la science-fiction et encore moins dans le film satyrique. Il est hélas dans le film sentimental tout ce qui a de plus classique. Ma plus grande frustration est de constater que le scénario n'emprunte que des chemins convenus, uniquement axés sur les sentiments du personnage, au final assez gnangnans et dénués d'originalités. On reste dans la norme du film sentimental avec un dénouement qui n'en est pas vraiment un étant donné qu'il se déroule dans la pure logique des événements. Quand la dispute (incontournable dans le genre) entre Théodore et Samantha arrive, j'espérais quelque chose de nouveau, de surprenant mais ce sera hélas pas le cas. Pendant ce temps, il est vrai que l'on a le temps de se pencher sur cette histoire d'amour. Si les thèmes abordés sur les relations, les sentiments, la complicité entre deux êtres (vivants et/ou virtuels ici) ainsi que tout ce qui peut graviter autour de la philosophie de l'amour sont nombreux, rien n'est développé et ne reste que gentiment abordé. Tout est encore plus mou après la première heure, la mayonnaise ne monte toujours pas a cause d'un lyrisme particulièrement en manque d'inspiration. Toutes les approches sont aussi sages et lisses que la mise en scène ultra stylisée du cinéaste, ce qui fait de Her un produit 100% Hipster.

Heureusement Joaquin Phoenix est un acteur formidable. Son talent permet de rendre le personnage de Théodore attachant jusqu'à la fin. Le casting qui l'entoure est propre mais aussi figé que l'intérêt de ce film. La psychologie et la direction des personnages sont guindés dans les conventions d'écritures du genre. Le cinéaste ne met jamais le doigt sur les bonnes questions hormis son idée de départ et ne déballe qu'un film sentimental au fond très mièvre. Her a mit son public et l'oscar dans la poche rien qu'avec l'ambition de son idée principale. Black Mirror, la série anglaise qui suscite beaucoup d'intérêt sur le pouvoir des écrans, possède un épisode qui ressemble un peu à cette idée mais avec un être disparu et la série n'est hélas pas pour autant reconnu. Spike Jonze déçoit donc par son impersonnalité. Cependant il reste cohérent bien sûr avec son histoire d'amour. L'histoire se termine bien, même si on la devine dès le début de la relation. Oui elle se termine bien et j'insiste, même si elle se veut triste. Elle serait bien plus réussie, plus critique et bien plus intelligente à mon goût si justement l'aventure, la relation continuait. (Spoiler) La fin est juste un retour très moralisateur à la réalité avec un dénouement paradoxalement heureux. (Fin du spoiler, si s'en était un). Le point de vue du cinéaste est une bluette, une fable toute nulle dans un sujet que des cinéastes plus engagés auraient certainement créés la polémique. Her ne risque pas de faire polémique car il a caressé tout le monde dans le sens du poil avec deux heures de balivernes frustrantes.

Dommage que toutes les promesses du début ne soient pas tenues. Spike Jonze n'est pas un aussi brillant scénariste que Charlie Kaufman mais s'avère aussi ici être un dialoguiste plutôt impersonnel et pas vraiment convaincant. Sans ses acteurs Her serait une véritable torture de deux heures dans cette longue conversation amoureuse d'Hipster pour le moins ennuyeuse. Her se range dans la catégorie du film sentimental avec une idée originale. On peut penser à l'oubliable Monique de Valérie Guignabodet avec le bon Dupontel ainsi que dans la même veine le très sympathique Une fiancée pas comme les autres de Craig Gillepsie où Ryan Gosling y est brillant. Seulement il ressemblerait au film I love You de Marco Ferreri avec Christophe Lambert. Remake ou hasard ? On s'en moque, Her est visible dans beaucoup de films sentimentaux, et souvent en plus distrayant.

Si Her se fond dans la masse des autres films du genre par sa prévisibilité, sa mièvrerie il possède un des meilleurs acteurs Hollywoodiens en tête d'affiche pour le rendre potable. Comme dirait notre Gégé national dans un de ses plus grands rôles : « C'est un peu court jeune homme ».


Note : 4 /20