dimanche 18 mars 2018

Moi, Tonya (I,Tonya)



Avec la sortie récente (et les Oscars), on aurait tendance à ne retenir de Moi Tonya que l'atout majeur de sa promotion, sa vitrine : Margot Robbie. C'est agréablement pas le cas quand on visionne le film car on tient là avant tout un très bon produit où la jeune actrice se retrouve entourée avant tout d'une excellente équipe. Le scénario ne cherche pas en priorité la performance de l'actrice. Ce dernier revisite le biopic avec une fraîcheur qui fait du bien, oscillant constamment et ouvertement entre le cinéma des frères Coen et celui de Martin Scorsese. Egalement productrice, Margot Robbie trouve ici incontestablement son premier grand et vrai rôle au cinéma. Son rôle de Tonya Harding, patineuse et sportive controversée (avant O.J Simpsons) confirme le talent de l'actrice et celui à en devenir. Je lui espère et prédit une belle carrière pour la suite. 

Comme d'habitude dans ces cas là, on parle moins du réalisateur. Graig Gillespie a pourtant offert il y a bientôt dix ans un des meilleurs rôles à Ryan Gosling dans Une fiancée pas comme les autres. Un brillant remake de Monique de Valérie Guignabodet, avec Albert Dupontel, car il reprenait l'idée de base, très originale, avec beaucoup de sobriété et de subtilité. L'écriture est à la fois drôle, tendre et amère, offrant une profondeur étonnante à un sujet pour le moins délicat et exigeant. Ici on retrouve à nouveau un script avec un sujet pour le moins casse gueule. S'inspirant d'interviews (très contradictoires), des archives et une bonne partie de fiction, le scénario joue du début à la fin avec le vrai du faux et avec beaucoup d'humour. Avec la mise en scène, tous les deux glissent royalement dans les sillons de la fresque scorsesienne et du cinéma des frères Coen. Un peu comme l'avait fait Paul Thomas Anderson et son Boogie Nights, Craig Gillepsie s'inspire ouvertement et sincèrement de ces influences pour par moments nous offrir des parenthèses émotionnelles bien authentiques et inspirées. 

Malheureusement ces moments là ne sont pas assez nombreux pour faire de Moi Tonya un très grand film. Ces passages auraient pu donner une personnalité, une authenticité et une grandeur au film, mais aussi au cinéaste. Finalement, c'est ce petit peu qu'il manque à Moi Tonya pour être vraiment unique. Cependant ce film reste quand même très hautement recommandable. C'est une belle exception, une surprise même venant de la part du scénariste Steven Rogers qui était alors jusqu'ici responsable de scripts assez patauds. Si à mon goût, le scénario n'appuie pas assez sur le personnage principal et ses difficultés à s'imposer dans sa discipline sportive et aux yeux du public, le scénariste reste assez pêchu et inspiré du début à la fin pour nous emballer. Le fait qu'il s'appuie paradoxalement trop sur l'entourage de Tonya empêche de donner une plus grande profondeur et émotion au personnage et au film. Malgré cela dans ce superbe mélange se dégage un portrait poignant et émouvant d'une femme passionnée et déterminée victime de son entourage et de son image. Cela fonctionne tout de même très bien et puis l'écriture contourne le conventionnel et le pathos de manière très habile. Ce qui est évidemment très plaisant. 

Ce qui est très plaisant également est la non prétention du cinéaste. Graig Gillespie a beau s'inspirer formellement du cinéma de Scorsese dans sa forme, cela reste au service de son scénario (lui aussi inspiré du réalisateur de Casino). J'ai eu l'impression de regarder un Flashdance écrit par les Frères Coen qu'aurait réalisé Martin Scorsese : un poil trop polit mais ça groove comme un titre de T-Rex. Pour notre plus grand plaisir on est loin d'être dans des films plus anecdotiques comme ceux de David O'Russell, qui lui en revanche se regarde filmer et se prend pour Scorsese. Je parlais de Boogie Nights, et là aussi on a droit à un montage magistral. Les deux heures passent en un éclair. Moi Tonya est très rythmé et aidé par un scénario très bien équilibré. Tout est porté par de bons seconds rôles et des supers acteurs. Allison Janney n'a pas volé son Oscar de meilleur second rôle féminin, elle possède un personnage pour le moins impressionnant. 

Si le film manque d'un cinéaste à la personnalité plus affirmée pour marquer les annales comme Boogie Nights, Moi Tonya reste à l'image de This is not a love story d'Alfonso Gomez Rejon, un très bon film, original, frais et sincère qui s'impose comme un grand film populaire de qualité. Ce qui est assez remarquable pour être souligné. 

Réalisation : Craig Gillespie 
Scénario : Steven Rogers
Interprétation : Margot Robbie, Allison Jeanney, Sebastian Stan, Bobby Cannavale... 

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