dimanche 31 janvier 2016

Casino




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Nicholas Pileggi et Martin Scorsese
Tiré du livre de Nicholas Pileggi. 
Interprétation : Robert De Niro, Joe Pesci, Sharon Stone, James Woods...
Genre : Ouragan Scorsesien 

Synopsis :

La vie et la place de Sam Ace Rothstein dans le Tangiers, un des plus grands Casino de Las Vegas dans les années 70. 

Comme très déçu du peu de succès du Temps de l'innocence, Martin Scorsese s'est alors replongé dans son genre de prédilection pour y déployer sa rage et son énergie. Après Les Affranchis, il retrouve alors Nicholas Pileggi pour une nouvelle adaptation de l'un de ses livres et une plongée dans l'univers de la mafia. Cette fois l'action se passe à Las Vegas dans l'univers du Casino avec De Niro et Joe Pesci en tête d'affiche et une narration proche de la tragédie grecque. 

Au niveau de la mise en scène, le cinéaste jette toutes ses armes, son virtuose et son énergie dans trois heures de cinéma époustouflante dans tous les sens du terme. Casino est le sommet de la carrière du cinéaste, celui où son style illustre de manière forte et mémorable une intrigue Shakespearienne d'une redoutable efficacité. Un peu au même titre que son ami Brian De Palma avec L'impasse sorti à la même période mais dans un ton différent. Scorsese ici allie fresque à l'ancienne et moderne par des séquences d'anthologies qui ne seront jamais égalées, sauf par lui même. 

Comme dans son précédent film, une voix off et un point de vue documentaire nous accroche et nous tire le bras dans les bas fonds de Las Vegas. Tout est speedé, va à l'essentiel pour marquer, choquer et se concentre essentiellement sur le trio de personnages principaux. Scorsese ne fait pas de pitié et signe peut-être son film le plus proche du cinéma de Samuel Fuller qu'il aime tant. Chaque plan est magnétique, chaque séquence est parfaite et le film est un morceau de bravoure absolu, un chef d'oeuvre du début à la fin. Sans hésitation je le qualifie comme un des plus grands films de tous les temps. Contrairement aux Affranchis, le spectateur n'a pas le droit de respirer, il est embrigadé, emporté tel une feuille morte dans la tempête dans une narration dont on connaît la fin mais dont on suit avec passion et violence les péripéties et la dégringolade.

Casino est un film époustouflant de maîtrise. Scénario et montage sont au diapason et quant à la mise en scène de Scorsese, on passe de la fresque classique, que raffole Oliver Stone, au détail qui fait toute la différence. Ces détails sont parfaitement placés et filmés et nous plonge dans l'univers de ces années là tout en nous rappelant que nous sommes chez Scorsese par sa sincérité et son engagement. Scorsese envoie donc la musique, l'humour, la noirceur mais aussi de manière plus subtile avec un travail formidable sur l'image et l'éclairage. Il déploie ce qu'il avait fait dans Le Temps de l'innocence avec beaucoup de jeu de lumières qui permet au spectateur de cerner le non dit, le discours, son ironie et les rapports de forces qui s'inversent. Tous les sens du cinéma sont utilisés et palpables dans Casino ce qui fait un tour de force remarquable, autrement dit un grand film. Le plus grand des années 90. 

Robert De Niro est dans un de ses rôles les plus retenus et paranoïaques de sa carrière, Sharon plus Stone que jamais et Joe Pesci dans son rôle le plus impressionnant pour notre plus grand plaisir. On ne respire paradoxalement que dans une scène qui est celle du désert, mais aussi grâce à la musique du Mépris, Alors qu'il s'agit d'une ultime confrontation entre les deux acteurs, cette scène est le seul calme dans la tempête qui annonce la suite des événements. Pas de musique, un monologue et une tension à la Raging Bull le cinéaste renverse les codes et dépressure à la fois spectateur pour un final qui n'épargne personne. Oui personne car c'est aussi dans ce film que le cinéaste est le plus politique, le plus en colère contre la société mais aussi le plus violent. Il le dit lui même qu'après la scène dans les champs de maïs, il avait atteint son sommet de violence dans sa filmographie et qu'il n'avait plus rien à prouver. Par la suite d'ailleurs, il s'étalera beaucoup plus sur les psychologies des personnages que sur des fait. Sauf pour Le Loup de Wall Street qui est une redite plus ou moins réussie de Casino dans les années 2010 dans le monde de la bourse avec du sexe à la place de la violence et De Niro loyal et charismatique remplacé par DiCaprio opportuniste et lâche.

Casino est le genre de film qui marque, que l'on revoit souvent parce que c'est du grand cinéma, du grand Scorsese et aussi parce que c'est un film intemporel. C'est du Scorsese du début à la fin, pas d'effet de mode, pas d’esbroufe, pas de temps morts, pas de coups de mou et encore moins de clichés exploités. Ce film est impressionnant et exemplaire en tout point. Casino n'est pas une redite des Affranchis, c'est un approfondissement, une fusion entre ce dernier et Le temps de l'innocence qui se termine comme un film marquant et incontournable dans le septième art. A l'heure actuelle c'est la huitième et dernière collaboration entre Scorsese et De Niro. En espérant qu'il y en est une neuvième du même acabit ou tout  au moins pour offrir un dernier bon rôle à Robert De Niro. 

Note : 10 / 10

La dévédethèque parfaite

Les Affranchis de Martin Scorsese, Citizen Kane d'Orson Welles, L'impasse de Brian De Palma, Il était une fois en Amérique de Sergio Léone et Le Parrain de Francis Ford Coppola. 

lundi 25 janvier 2016

The Danish Girl



Réalisation : Tom Hooper
Scénario : Lucinda Coxon 
Tiré de l'oeuvre de David Ebershoff
Interprétation : Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Ben Whishaw, Matthias Schoenaerts, Amber Heard...
Genre : Plat

Synopsis

L'histoire d'amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue pour avoir été la première personne opérée pour une ré attribution sexuelle dans les années 1930. 

Le sujet est vraiment passionnant et historiquement il y a de quoi nous intéresser et nous apprendre autre chose que les clichés connus. Il est dommage que le scénario ne nous offre pas plus qu'une histoire d'amour plate. Le classicisme de Hooper est de retour, sa mise en scène est lisse à l'image du scénario qui gomme toutes les tensions, les interrogations et les questions psychologiques les plus intéressantes du sujet.

Le film ne raconte pas grand chose hormis une histoire d'amour dont on ne voit que des brèches superficielles, à l'image de la psychologie du personnage d'Einar. Tout arrive de manière rapide, tout manque d'approfondissement malgré une certaine élégance à l'anglaise et une sobriété bienvenue. Seulement le film s'étire et ne propose rien de transcendant. Il permet de rendre Eddie Redmayne une nouvel fois en compétition aux Oscars avec un jeu entre tristesse et joie sans charisme et sans véritable émotion. A ses côtés, un solide casting. Alicia Vikander a du caractère et reste la révélation du film, bien plus convaincante que Redmayne. Ben Whishaw et Matthias Schoenaerts donnent le charisme qu'il faut a leurs petits seconds rôles. 

Sans être mauvais, le film ne propose finalement rien. Il lui faut une heure pour traiter ce qu'il doit se traiter en un quart d'heure maximum et surtout déçoit par le manque de personnalité total. Le scénario et la mise en scène se contente de raconter l'histoire sans ses tourments, ses moments noirs. Comme si à cette époque c'était si simple de se dire qu'il serait mieux en femme. Et s'il est en femme il faut absolument qu'il soit attiré par des hommes. Il manque terriblement de nuance, d'intelligence pour donner de la beauté et de la force à ce film une nouvelle fois très académique. 

A noter une partition de Desplat une nouvelle fois assez transparente, comme si tout ce que touche le cinéaste doit devenir calibré pour les oscars. Les acteurs une nouvelle fois portent le film de l'avant mais le film n'a pas vraiment de direction ni d’intérêt. On perd quand même deux heures de notre temps à suivre une histoire qui peut se lire sur wikipédia avec un sujet toujours bien plus intéressant que ce que l'on voit à l'écran. Tout les événements arrivent comme un cheveu sur la soupe toutes les demie heure et ne sont que platement traités. Cinématographiquement c'est plat, pour le sujet c'est superficiel bref si vous êtes fan des histoires d'amour à Oscars ou les acteurs pourquoi pas. 

Note : 4 / 10

dimanche 24 janvier 2016

Creed



Réalisation : Ryan Coogler
Scénario : Aaron Covington et Ryan Coogler
Durée : 2 h 
Interprétation : Michael B Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thomson, Phylicia Rashad...
Genre : Spin Off 

Synopsis

Adonis Johnson est le fils d'Apollo Creed et souhaite que Rocky Balboa soit son entraîneur. 

Pour faire simple, ce Spin Off est (une nouvelle fois) une reprise du premier épisode de la saga (le meilleur) à l'époque actuelle et avec plus de bons sentiments. Malgré ses quelques défauts, on ressent bien la présence de son créateur sur la production. On retrouve ce qui faisait le charme de la saga, sincérité, sobriété et un personnage de Rocky émouvant à souhait. Stallone à lui seul donne toute la force et l'intensité du film. 

Avec une nouvelle histoire sans grandes surprises mais loin de la surenchère habituelle, on retrouve une passation de gants, de valeurs et d'amitiés entre génération à la fois sincère et émouvante. Le savoir faire honnête sur le scénario est relevé à l'écran non pas par la mise en scène mais par l'interprétation parfaite des comédiens. Sylvester Stallone en tête. Dans la forme, c'est un épisode de Rocky plutôt fidèle et efficace à la saga. Dans le fond, c'est entre le premier Rocky et l'ultime Rocky Balboa. On pouvait redouter l'épisode de trop mais en réalité pas vraiment car tout est honnête du début à la fin. Cela se ressent tout même un peu quand on file un cancer à ce pauvre Rocky. Bien sûr c'est un peu trop mais quand il dit qu'il n'a plus rien à faire sur Terre seul sans sa femme, c'est certainement un des plus grands moments d'émotions de la saga. 

Le film est un solide divertissement qui plaira autant à ceux qui ne connaissent pas la saga qu'aux fans. Creed n'est pas un plat réchauffé même s'il en a un peu le goût parfois par une exploitation de la psychologie plus appuyée que d'habitude. Creed est une prolongation globalement réussie de Rocky Balboa. Si on regrette parfois la mise en scène de Stallone, celle de Ryan Coogler ne dérange pas pour autant. Elle n'est pas clichée sans être pour autant transcendante. Elle respecte la saga et le cahier des charges de Stallone qui est attaché plus que jamais à son personnage. Tout en réussissant brillamment les scènes de combats et d'entraînements, le cinéaste signe un opus qui relance de nouvelles pistes pour la suite avec un couple plutôt sympathique. 

Ce Spin Off est donc une bonne surprise, surtout sauvé de l'insipidité des blockbusters actuels par l'âme bienveillante de Sylvester Stallone à la production. Sans un scénario aussi bon que le premier et la musique de Bill Conti, Creed reste un divertissement tout à fait honnête et digne d'un bon épisode de la saga. Bien loin de la belle daube que nous a pondu JJ Abrams il y a pas longtemps. Sur ce point là : Rocky met K.O Star Wars sans problème. 

Note : 7 / 10


Legend




Réalisation et scénario : Brian Helgeland
Durée : 2 h 
Interprétation : Tom Hardy, Emily Browning, Paul Anderson, Christopher Eccleston...
Genre : Tom Hardy Show 

Synopsis

L'histoire des jumeaux Kray dans les années 60 à Londres. Reggie et Ronnie sont deux célèbres gangsters qui terrorisent le pays. Quand l'un des deux tombe amoureux avec des intentions de se ranger, les deux frères et l'empire va s'effriter. 

Sur le papier ça laisse songeur. Un scénariste de L.A Confidential et de Mystic River avec un sujet en or comme celui ci est très aguicheur. Bizarrement, c'est dans le scénario que le film déçoit. Le fil conducteur fantôme et les moments de guimauve ankylose un film qui aurait pu être bien plus intéressant s'il se posait sur la psychologie ou une intrigue plus policière. Heureusement pour nous, Tom Hardy est brillant. 

La mise en scène est une copie terme et sans niaque de Martin Scorsese, James Gray et David Cronenberg mais elle ne reste jamais spectaculaire ni fine, si l'on enlève quelques plans séquences plus tape à l'oeil qu'autre chose. Sans que ce soit désagréable à suivre, Legend est un film trop appuyé, trop impersonnel pour être intéressant. Tous les personnages restent superficiels, Tom Hardy dans son double jeu est saisissant et drôle mais n'arrive jamais à porter le tout vers l'avant car le scénario reste figé comme celui d'un téléfilm. On suit platement et de manière classique et redondante, une histoire de deux frères différents avec un Tom Hardy en grande forme. 

Comme pas mal de monde, j'ai découvert l'acteur dans Bronson avant qu'il n'explose médiatiquement. Il y tenait également de la réussite du film par son jeu assez dingue, où il faisait même un One Man Show. Cependant derrière il y avait un cinéaste qui réalisait et traitait de manière originale et forte un sujet encore plus casse gueule que celui de Legend. Ici, il y a des ressemblances mais dans les thèmes que raffolent James Gray ou David Cronenberg. Folie, jeux de miroir, trouble, schizophrénie, tensions psychologique ou même les rapports à la famille, tout est hélas sans prise de risque comme si l'on avait amputé, et parfois même gommé, toutes pistes de réflexions et d’ambiguïtés possibles. A la fin même, tout passe du coq à l'âne en terme de psychologie des deux frères ce qui montre le problème du scénario. Un peu comme Quand vient la Nuit de Roskam ou dernièrement Stricly Criminal de Cooper, il y avait tout pour faire de grands films de Mafia mais le scénario et le cinéaste derrière la caméra copie et au mieux ne dépasse jamais leurs modèles malgré des acteurs sensationnels. 

Cependant le film n'est pas une torture pour autant. Les reconstitutions, les dialogues, les musiques (trop abondantes parfois), l'accent et l'humour anglais ainsi que les rictus des deux Tom Hardy rendent un film convenable, à condition d'aimer Tom Hardy. C'est une maigre consolation mais elle est tout de même bonne et agréable à prendre. Legend est un peu Bronson sans cinéaste ni originalité derrière mais avec cette fois vraiment deux Tom Hardy au sommet de sa forme en tête d'affiche. Mieux vaut revoir le meilleur film de Rejn que ce film au final assez vain et sans réelle originalité.  Pour le sujet, mieux vaut revoir du James Gray et qu'un autre cinéaste se penche sur les frères Kray. 

Note : 4 / 10

mardi 19 janvier 2016

Joy



Réalisation et scénario : David O Russell 
Durée : 2 h 00
Interprétation : Jennifer Lawrence, Robert De Niro, Bradley Cooper, Isabella Rossellini...
Genre : Du balai

Synopsis

Le parcours d'une inventeuse déterminée à réussir malgré sa famille dysfonctionnelle pour construire un empire. 

David O'Russell est un cinéaste qui a du savoir faire mais qui montre toutes ses limites dans ce film consternant de bêtises. Avec une introduction d'une demie heure aussi laborieuse qu'insupportable, le film possède un scénario d'une fadeur et d'une platitude affligeante. Tout n'est là que pour offrir un rôle à la Erin Brockovich à Jennifer Lawrence. On est très loin du film de Steven Soderbergh et l'actrice bien loin de la performance de Julia Roberts. 

Dans Joy tout est appuyé et laborieux. Le cinéaste veut faire du Martin Scorsese, du Woody Allen, du Tim Burton et même Orson Welles et se donne tous les moyens possibles et inimaginables pour arriver à les imiter. Non seulement c'est insupportable dans la forme mais c'est surtout que cela ne sert strictement à rien. A part voir des acteurs en roue libre et des erreurs de scénario abominables qui fusent de partout cette introduction est inutile. Tout part dans tous les sens et les styles juste pour nous présenter une Jennifer Lawrence esclave de sa famille. C'est lamentable. 

Pour la suite, c'est l'american way of life pour ménagère. Un pas en avant un pas en arrière avec des enjeux sans surprises et d'une stupidité absolue. Tout est truffé de clichés, contrairement à la réflexion ludique ou intelligente sur la réussite que l'on s'attend à voir au minimum. Une femme au foyer avec un peu de réussite et en montrant une seule fois les crocs devient une immense femme d'affaires. Pire même, bonne samaritaine. Franchement autant dans la forme la tempête du début s'est calmé et Bradley Cooper amène un peu d'harmonie à tout ça, le fond est vraiment digne d'un téléfilm M6 de l'après midi. Digne du feuilleton que l'on se tape un peu trop à mon goût dans ce film qui n'a vraiment rien d'intelligent et de nouveau. On est très loin de Fighter, même le calibré Happiness Therapy est un chef d'oeuvre à côté de ça. 

Je ne vais pas m'étaler sur les acteurs si ce n'est que De Niro est égal à lui même depuis ces dernières années et Isabella Rossellini en fait des tonnes. Les autres acteurs jouent sans convictions et Jennifer Lawrence a cette fois montrée ses limites et ne sauve pas le film du naufrage. Son rôle ne l'aide pas c'est vrai, mais il faut avouer que ses grosses joues et ses petits yeux plein de larmes en gros plan ne font pas d'elle une grande actrice. A même pas trente ans, l'actrice se retrouve aussi bankable que Meryl Streep dans des films à son effigie vides calibrés pour les oscars. Joy n'est ni féministe, ni beau, ni drôle, ni intéressant., tout est vide et sournois. C'est juste un téléfilm prétentieux qui se maquille en grand film sérieux. 

Note : 2,5 / 10. 

lundi 18 janvier 2016

Le Garçon et la Bête ( The Boy and the Beast )



Réalisation et scénario : Mamoru Hosoda
Durée : 1 h 55
Avec les voix de : Koji Yakusho, Aoi Miyazaki, Shota Somenati... 
Genre : Skaker savoureux de Mulan et Star Wars 

Synopsis

Shibuya, le monde des Humains, et Jutengai, le monde des bêtes... C'est l'Histoire d'un garçon solitaire et d'une bête seule qui vivent chacun dans deux mondes séparés. Un beau jour le garçon se perd dans le monde des bêtes et devient le disciple de la bête Kumatetsu qui lui donne le nom de Kyuta. Cette rencontre fortuite est le début d'une aventure qui dépasse l'imaginaire. 

Avec ce film Mamoru Hosoda confirme vraiment la reprise du flambeau de l'animation japonaise après les ultimes grands films des vétérans Hayao Miyazaki et Isao Takahata. Reprenant au fond les mêmes thèmes de son précédent film Les enfants Loups, il se repenche sur la forme de ses deux premiers films Summer Wars et La traversée du temps. Si certaines pistes, thèmes sentent parfois un peu le déjà vu et freine la force de la narration, Le Garçon et la Bête est un patchwork très saisissant et parfois virtuose de ses précédents films. Une grande réussite. 

Les enfants Loups était un beau film avec des thèmes superbes sur l'éducation, le rapport entre l'Homme et la nature et les choix que l'on doit prendre dans une vie. Le Garcon et la Bête se repose exactement sur ces questions là, ces thématiques qui poussent toujours à la réflexion. Cependant l'intrigue se rapproche beaucoup plus dans l'action de Summer Wars et le parcours psychologique, sentimental et initiatique de La traversée du Temps. Moins fluide que d'habitude, le scénario développe tout de même de manière fine et drôle tout ce que l'on attend d'un très grand film. On retrouve l'humour et l'émotion au service d'une mise en scène toujours inspirée. Le tout est mené avec un vrai travail de cinéaste qui ne manque jamais son tir. 

Quand on repense au film, c'est une sorte de mélange de Star Wars et de Mulan. Les thèmes y sont tous habilement abordés, et même s'ils ne sont pas tous amenés de manière fluide, ils ne manquent pas d'être puissants pour nous toucher. Notamment une superbe bande son et des séquences qui se démarquent clairement des autres. Sans jamais faire pour autant de la copie, le cinéaste garde toujours son goût pour le détail de l'animation et des personnages ambigus et au caractères bien trempés. Si le film n'atteint pas la puissance d'un chef d'oeuvre, il reste un excellent film d'animation universel et bien fait. 

Bien loin des films animés de Miyazaki et de Disney, Hosoda s'impose comme un cinéaste majeur du cinéma avec des thèmes bien à lui. Si Le Garçon et la Bête est un mélange de ses trois précédents films, il reste savoureux et intéressants sur tous les points et les thèmes qu'il aborde. Il suffit que pour ses prochains films il ne se répète pas et sache rebondir ou développer à fond un de ses thèmes. Le Garçon et la Bête est un beau moment de cinéma qu'il ne faut pas rater, il brille autant dans le divertissement que dans sa profondeur, des valeurs universelles qui poussent à la réflexion. Ce qui n'est pas le cas de tous les films. Hautement recommandable donc. 

Note : 9 / 10

jeudi 14 janvier 2016

Janis




Réalisation et scénario : Amy Berg
Durée : 1 h 45
Genre : Fluvial
Avec la voix off de Cat Power

Synopsis

La vie de Janis Joplin, icône du rock morte à l'âge de 27 ans. 

C'est sans attente particulière que je suis allé voir ce documentaire sur cette icône incontournable. J'ai été agréablement surpris par le personnage de Janis ainsi que par la justesse de l'écriture d'Amy Berg pour nous la présenter. Si le style du doc est plus blues que rock, Janis est un film cohérent bien documenté, accessible pour tous et suffisamment approfondis. 

Ecrit de manière totalement linéaire et au rythme d'une chanson de Blues, ce documentaire est une plongée dans la psychologie complètement contradictoire de la chanteuse. Contradictoire c'est le mot. D'un côté c'était une éternelle adolescente traumatisée, dépressive en recherche d'amour et d'admiration auprès de son entourage. De l'autre une fille d'une maturité et d'un recul assez incroyable qui lui a permise de devenir la première grande icône féminine dans la musique. Sans parti pris, le film la montre en tout humilité comme une femme aussi fragile et avec peu de confiance en elle que féministe et déterminée à réussir.  

Amy Berg signe une success story classique sur la forme mais avec un fond très honnête et au plus proche de la personnalité de la chanteuse. Avec des témoignages et des intervenants tous intéressants, le spectateur cerne au mieux le personnage de l'icone. Sans jamais faire de la fiction comme l'a fait Tom DiCillo dans celui sur Jim Morrison ( When You're Strange ), l'approche est un peu semblable car la cinéaste s'accroche aux origines, aux détails, aux textes et aux témoignages pour construire l'ensemble de son film. Toute la différence avec beaucoup de documentaires sur le sujet qui se contente de seulement aligner les faits et les coupures de journaux. 

Au résultat le travail est par moment touchant, souvent passionnant, Janis Joplin a le documentaire qu'elle mérite. 

Note : 8 / 10

lundi 11 janvier 2016

Carol




Réalisation : Todd Haynes
Scénario : Phyllis Nagy 
Tiré du roman de Patricia Highsmith
Durée : 1 h 55
Interprétation : Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler, Sarah Paulson...
Genre : Classique à l'ancienne

Synopsis

Dans le New York des années 50, Thérèse est vendeuse dans un grand magasin de jouets de Manhattan. Elle fait la rencontre d'une cliente distinguée, Carol, en instance de divorce. De l'étincelle de la première rencontre succède un sentiment plus profond, les deux femmes vont se retrouver prises au piège entre les conventions et leur attirance mutuelle. 

Pour ceux qui ont aimé Loin du Paradis, le nouveau film de Todd Haynes vous plaira sans aucun doute. On retrouve cet hommage au cinéma Douglas Sirk mais cette fois dans une démarche plus sobre, moins flamboyante et démonstrative. Impossible de ne pas faire la comparaison entre les deux films car ils sont très similaires par ses thèmes et son époque. Cependant ils sont aussi différents que complémentaires et aussi beau l'un que l'autre. 

Si Carol raconte moins de péripéties que Loin du Paradis, la précision et la minutie du cinéaste y sont encore plus poussés à l'extrême. Ce qui rend un film proche de la perfection absolue. C'est donc toujours un peu du Douglas Sirk avec du George Cukor mais cette fois avec la lenteur hypnotique de Jim Jarmusch en plus. D'ailleurs le monteur est celui du magnifique Only Lovers Left Alive. Cinématographiquement c'est donc classique mais absolument pas académique et convenu, bien entendu. Chaque plan exprime une émotion, un message et d'une beauté aussi glaciale que chaleureuse. Le film garde du début à la fin cet entre deux par un cinéaste au sommet de son art. Il dirige deux actrices extraordinaires qui sont ici sans hésitations dans leurs meilleurs rôles à l'heure actuelle, peut-être même de leur carrière. Tout en retenue et d'une expression magistrale, Rooney Mara et Cate Blanchett sont sublimes et portent aussi à la réussite du film. 

Si la forme cinématographique entre Carol et Loin du Paradis sont quasiment similaires, les intentions des personnages sont quant à elles différentes. Dans Loin du Paradis les personnages allaient contre la société ce qui menait vers le mélodrame. Dans Carol les deux protagonistes se plient à cette même société et le mélodrame prend une tournure beaucoup plus suggestive. Cela même si la fin de Carol laisse entrevoir une belle histoire d'amour entre les personnages, contrairement à celle de Julianne Moore dans Loin du Paradis. La musique de Carter Burwell (splendide encore une fois) est plus épurée que celle de Bernstein à l'image de la mise en scène de Todd Haynes. Tout est d'une maîtrise totale pour nous raconter de manière splendide une histoire qui ne l'est pas vraiment. Todd Haynes, toujours avec sa superbe sensibilité, donne plusieurs lectures à ses thèmes une nouvelle fois. Il ne prend pas par la main le spectateur, comme on peut voir dans la plupart des films. Et comme la plupart de des films de Todd Haynes, il ne plaira pas à tout le monde non plus. Si on entre pas dans le film, il peut paraître ennuyeux et vain, mièvre. Si on entre , on assiste tout simplement à un des plus grands films de ces dernières années, du cinéma même.

Le scénario laisse des sous entendu et joue avec le non dit, la frustration. Je n'ai pas encore lu le roman original considéré dès sa sortie comme un chef d'oeuvre. Cependant on retrouve parfois quelque petites touches de l'auteur du Talentueux Mr Ripley ou de L'inconnu du Nord Express. On retrouve du trouble dans le personnage de Carol ou une piste thriller qui s'engage au milieu du film mais qui s'oriente toujours sur le côté psychologique. Cette piste policière est vite désamorcée, d'ailleurs le revolver est vide, surtout parce que Todd Haynes n'est pas dans son domaine. Il reste sur une mise en scène sensible et suggestive, qui suit ses personnages de très près du début à la fin. Le film gagne du début à la fin de la tension et de la beauté qui font monter l'émotion. 

Une nouvelle fois le cinéaste filme une histoire comme une magnifique étendue de glace où il laisse entrevoir les fissures de dessous au spectateur. Carol est une splendeur, un chef d'oeuvre ni plus ni moins.

Note : 10 / 10 

vendredi 8 janvier 2016

Les Huit Salopards ( The Hateful Eight )



Réalisation et scénario : Quentin Tarantino
Durée : 2 h 45
Interprétation : Kurt Russell, Samuel L.Jackson, Jennifer Jason Leigh, Walton Goggins, Michael Madsen, Tim Roth, Demian Bichir, Bruce Dern, Channing Tatum... 
Genre : Agatha Christie version Tarantino

Synopsis

Quelques années après la Guerre de Sécession, deux diligences et deux chasseurs de primes se retrouvent dans une auberge à cause du blizzard. Ils vont devoir cohabiter ensemble le temps que la météo soit plus clémente mais la discussion les font se dévoiler. Ils se connaissent tous plus ou moins et ce ne sont pas tous des anges. Bien au contraire.

Sur une trame collée à un bouquin d'Agatha Christie et en hommage à The Thing de John Carpenter, Quentin Tarantino signe un huis clos superbement écrit et réalisé avec des personnages et des acteurs qui en font des caisses pour notre plus grand plaisir. Plus en retenu dans sa mise en scène et avec l’appui de fameux dialogues, le cinéaste signe un de ses meilleurs films. Les huit salopards est presque à la hauteur de ses deux films plus réussis pour moi : Reservoir Dogs et Jackie Brown

Quentin Tarantino a toujours été sur les pas de Sam Peckinpah avec son style dialogué qui se conclut à un moment ou à un autre par des explosions de violences et des fusillades mémorables. Seulement il ne faut pas chercher de l'intelligence et encore moins de politique dans les films de Quentin Tarantino car, quand ce n'est pas de la série Z, c'est de la série B (brillante) avant tout. Quand il essaie de faire un film plus intelligent, ça donne ses deux précédents films : de la soupe insipide et prétentieuse où l'on ne voit que son côté racoleur, prétentieux, bref un patchwork sans but et sans âme. Ici, rien à voir avec tout ça. Le cinéaste remet tout à plat et revient avec beaucoup moins d'ambition dans ce qu'il sait faire de mieux : écrire des dialogues au crescendo monstrueux. On retrouve donc le Tarantino de ses trois premiers films qui développe ses personnages, ses dialogues au service du suspense et la narration. On ne ressent plus du tout l'effet patchwork référencé de Kill Bill et de ses films suivants, plaisants ou non. Il refait du cinéma, du grand Tarantino avec une superbe photographie et une merveilleuse utilisation de la musique d'un Ennio Morricone, une nouvelle fois en grande forme. 

Son cinéma ici est beaucoup plus épuré et même anti spectaculaire au possible. C'est un peu le feuilleton, la série télé western Josh Randall version Tarantino où l'on retrouve bien sûr ses excès de violence et son grand guignolesque (trop appuyé parfois). Il se ballade tranquillement dans son script comme il le faisait dans Jackie Brown ou des éclairs d'audaces dans sa narration viennent donner un tout autre point de vue, une fraîcheur époustouflante au spectacle que l'on vient de voir. Bien sûr tout se termine dans un bain de sang comme attendu mais le plus intéressant reste comment. C'est un peu comme si le cinéaste avait étiré sur trois heures la séquence d'ouverture d'Inglourious Basterds en cluedo. Le titre pompé du film d'Aldrich n'a rien à voir avec une référence dans le film. Tant mieux car il l'avait déjà complètement pompé Les douze salopards pour Inglorious Basterds. Dans ce film il est plus proche de Dix petits nègres mais avec qu'un seul nègre dans l'histoire interprété par son acteur fétiche Samuel L Jackson une nouvelle fois au top. 

Bizarrement Tarantino n'entre jamais dans la caricature, le ridicule et en tire quelque chose de crédible et de tendu comme dans Reservoir Dogs. Les personnages sont excentriques, stupides, violents et ont tous un tour dans leur sac que l'on découvre avec lenteur et certain plaisir. Ils sont tous bien travaillés et ne sortent jamais du contexte ni de leur rang. Jennifer Jason Leigh fait un retour sur l'écran flamboyant en commençant dans le rôle de putching ball pour finir en Calamity Jane, Samuel L Jackson en Hercule Poirot qu'il faut pas chatouiller, Kurt Russell en brute épaisse reprenant un rôle à la Michael Madsen, Michael Madsen lui a le rôle du couillon pas si couillon, Tim Roth le rôle de Christoph Waltz avec une touche de John Cleese tordante, Walton Goggins en Billy The Kid stupide mais pas complètement ou encore un Channing Tatum qui a la French Touch pour le moins irrésistible. Bref une belle panoplie de rôles savoureux où Tarantino sait utiliser ses acteurs en creusant au plus profond du potentiel des personnages. Il sont tous sur le devant de la scène comme dans les plus grands huis clos et ses meilleurs films, même si on peut penser que certains ne sont pas exploités à fond, ils ne seraient pas du tout utile à la narration. Le scénario est parfait comme tel je trouve, même si l'intro possède un peu de flottement. Mais comme chez Peckinpah, on pardonne vite car c'est souvent les longueurs sont savoureuses. 

Sans le grand guignolesque de Django qui est un peu trop appuyé à mon goût, Les huit salopards serait un véritable bijou de Tarantino. Effectivement l'effet too much de la violence casse une petite partie du suspense magnifique établit pendant plus de deux heures. Dommage aussi que la narration par chapitre déjà vue ne soit finalement pas si utile que ça, trois chapitres auraient largement suffit. Bien sûr le spectacle est réservé aux fans du cinéaste, il ne signe pas un film Disney, il fait du cinéma qui tâche mais très cohérent. Ce que j'ai beaucoup apprécié par rapport à beaucoup de ses derniers films, c'est qu'on a un cinéaste qui n'utilise pas ses références pour illustrer ni raconter une histoire. Tarantino ne part pas dans tous les sens et signe du grand cinéma, qui plaise ou non. Il ne se contente pas d'assembler des bribes de caricatures de son style avec de la musique, des tirades de dialogues et des fusillades de partout qui ne tiennent pas debout. Il utilise enfin le génie de Richard Richardson, le directeur de la photo de Scorsese, avec un éclairage exceptionnel, et le talent d'Ennio Morricone sur un montage sublime. Il brave le simple clin d'oeil à Leone en ne le plagiant pas comme dans Kill Bill, étant donné que la partition de Morricone est originale. Tarantino a compris le coup de gueule du compositeur en disant qu'il faisait n'importe quoi. Il se rattrape merveilleusement. Tarantino pour la suite signe ses dialogues avec une structure qui sont purement sensationnel, peut-être son plus grand tour de force avec Jackie Brown

Plus sobre mais beaucoup plus tenu et intéressant que ses précédents films, Les huit salopards a le défaut d'être un poil long et gourmand dans ses explosions de violence, mais il n'en est pas moins le retour du Tarantino qui façonne, innove entre hommage, base narrative classique et solide plombé par son pur style. Ce film est un concentré de ce que j'attend d'un grand cinéaste et il l'a fait enfin après deux films très médiocres. J'en suis ravis même si je pense que beaucoup considérera ce Tarantino comme mineur. Comme d'habitude tout dépend de ce qu'on aime dans son cinéma. Pour moi c'est le pied presque total. 

Note : 9 / 10

PS : C'EST UN FILM QU IL FAUT VRAIMENT ALLER VOIR AU CINEMA ET NON SUR UN PETIT ECRAN !


jeudi 7 janvier 2016

My Skinny Sister ( Min Lilla Syster )



Réalisation et scénario : Sanna Lenken
Durée : 1 h 35
Interprétation : Rebecka Josephson, Amy Deasismont, Annika Hallin, Henrik Norlen...
Genre : Sensible

Synopsis

Stella 12 ans, rondelette et pas très sportive, voudrait ressembler à sa grande soeur Katja que tout le monde admire. Mais celle ci cache un secret que Stella va découvrir et qui va compromettre leur complicité. 

Ce premier film est assez bluffant par sa sensibilité très fleur de peau qu'il dégage. A travers le point de vue d'une jeune fille qui grandit, le sujet grave de l'anorexie est traité entre documentaire et drame familial avec un recul essentiel. Si le film manque d'impact pour en faire une grande oeuvre par son approche classique et linéaire, elle ne manque pas de nous toucher. 

Tout repose sur le personnage de Stella, victime d'un âge et d'une place ingrate autant dans sa famille que dans son entourage. La cinéaste capte de manière très juste ce début d'adolescence où l'on est perdu et l'on cherche ses repères, ses modèles. L'anorexie n'est pas directement traitée, elle reste est en toile de fond pendant une bonne partie du film, un peu comme un orage qui arrive. Quand la pluie tombe, c'est la douche froide pour Stella qui s'aperçoit comme nous à quel point sa soeur est touchée et impitoyable. 

Avec beaucoup de naturel et de justesse, les deux actrices principales sont formidables. Elles permettent au film de fonctionner, de donner toute la chair du scénario. Sur le papier c'est simple, à l'écran tout est bien plus difficile. Beaucoup de jeu de regards sont présents pour nous faire ressentir les différentes tensions et les psychologies qui s'installent chez les différents personnages. La réalisatrice dirige formidablement ses acteurs et rend avec justesse une famille d'apparence classique qui s'unit autant qu'elle s'autodétruit face à la maladie. Le film gagne en point de vue documentaire et non en force émotionnelle, il flirte sans cesse entre le traumatisme de jeunesse et les moments les plus joyeux pour terminer sur une note de gaité. Après la pluie le beau temps comme dit le proverbe, mais il y a toujours des perturbations à venir nous souligne bien la cinéaste. 

Sanna Lenken n'est pas larmoyante et n'entre jamais dans le too much. Elle garde sa justesse du début à la fin avec une belle photographie et une bande son efficace (quoiqu'un peu trop surlignée par moment). My Skinny Sister est convaincant sur bien des points, il lui manque peut-être l'ambition d'être plus grand, plus puissant et de traiter de manière plus frontale les différents thèmes psychologiques et de l'anorexie. Cependant le film nous offre un beau moment de cinéma qui ne manque pas de surprises et de sensibilités sans aucune prétention. Une réussite prometteuse, surtout pour un premier film. 

Note : 7 / 10

mercredi 6 janvier 2016

Un moment d'égarement



Réalisation : Jean-François Richet
Scénario : Lisa Azuelos et Jean-François Richet
Durée : 1 h 40
Interprétation : Vincent Cassel, François Cluzet, Lola Le Lann, Alice Isaaz...
Genre : Égarement au soleil

Synopsis

Deux amis d'enfance et leur deux filles se retrouvent en Corse. Quand l'une des filles est attirée par l'ami de son père, un tension puis un secret se créé entre eux.

Je n'ai pas vu le film original de Claude Berri donc je ne pourrais pas comparer avec. Sur le papier c'est plutôt solide mais au final seul Cassel tente péniblement de tirer le film vers le haut dans un rôle à contre emploi qui ne lui va pas si mal. Ses efforts seront vains, le film est d'une nullité totale. 

Comment dire ? J'ai bien aimé les deux Mesrine du cinéaste mais ici force est de constater que quand il ne faut pas copier les standards américains, il n'est finalement pas bon du tout. Tout laisse à désirer tant le film ressemble à une mauvaise pièce de théatre filmé au rabais par le service public. A commencer surtout par le point noir du film : la direction d'acteur. Bon je sais c'est pas son fort, car même dans son dernier film, Gérard Lanvin et son accent corse ce n'était juste pas possible. 

La Corse ne lui réussit décidément vraiment pas car ici tout somme faux sauf Cassel. Cluzet en fait des kilos caisses et il est souvent incroyablement mauvais, Alice Isaaz n'est pas mauvaise mais a un personnage mal écrit qui passe de la petite ado à l'adulte mature en un rien de temps. Mais bon quand même la palme revient à Lola Le Lann qui n'a aucun talent d'actrice. Elle ne joue pas, elle récite et minaude. Puis son rôle n'est pas franc. Il n'est ni dans le jeu, ni dans la figuration, l'image du démon de midi. Comme si Richet avait modifié le scénario en cours de tournage en disant : "Finalement tu joues trop mal, tu vas juste faire la pute !" Non franchement c'est la débandade, elle est insupportable et le cinéaste ne tente même pas de sauver les meubles en la faisant taire et en utilisant surtout sa plastique comme avait fait Vadim avec Brigitte Bardot dans Et Dieu Créa la femme

Une vraie catastrophe surtout que le scénario n'est pas très bon à la base. Déja les dialogues sont d'une fadeur totale, les personnages sont des clichés qui restent au point mort. Si le montage est tout de même assez tenu pour ne pas ennuyer le public, il n'y a pas grand chose à sauver là dedans sauf les paysages de la Corse. Mais je pense qu'il vaut mieux y aller que de supporter cette erreur de casting total du début à la fin. La bande annonce se suffisait à elle même. Sans avoir vu le film de Berri, je pense qu'il est bien meilleur que celui là. Ce ne sera pas très compliqué de faire pire. Sans Cassel, Richet n'a rien pour lui. 

Note : 2 / 10

mardi 5 janvier 2016

Le Temps de l'Innocence ( The Age Of Innocence )




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Jay Cocks et Martin Scorsese
tiré du livre d'Edith Wharton
Interprétation : Daniel Day Lewis, Michelle Pfeiffer, Wimona Ryder, Géraldine Chaplin, Jonathan Pryce...
Genre : Drame Scorsesien 

Synopsis :

A travers le portrait de Newland Archer partagé entre deux femmes et deux mondes, une étude minutieuse de la haute société new yorkaise des années 1870 avec ses intrigues, ses secrets, ses scandales, ses rites désuets et subtilement répressifs. 

Souvent oublié, Le Temps de l'Innocence est sans doute le film le plus beau mais peut-être aussi le plus cruel de Martin Scorsese. Beaucoup le considère comme un film mineur, certainement pour son genre, alors qu'il est un de ses plus grands et un de ses plus réussis. Autant dans le fond que dans la forme, Scorsese est aussi virtuose que dans Casino dans son autopsie de la société bourgeoise New Yorkaise. Anti académique et cynique à souhait, d'une violence et d'une cruauté totale, Scorsese utilise le livre d'Edith Wharton pour dresser un film d'amour impossible à cause d'une haute société aussi impitoyable que désuète. Tout le monde en prend pour son grade dans ce chef-d'oeuvre d'une grande beauté formelle, dans la lignée des Affranchis et de Casino.

Tout commence par un sublime générique de Saul Bass avec des roses de toutes les couleurs qui s'ouvrent en fondus enchaînés sur une merveilleuse musique d'Elmer Bernstein. Scorsese dépoussière et magnifie le genre en y ajoutant une dimension moderne nostalgique et épique. Le cinéaste nous plonge directement dans un monde haut en couleur mais dans la profondeur complètement guindé et poussiéreux. Le scénario et la mise en scène jouent à chasser les différents regards et points de vue, même de voix off non sans humour et cruauté. Comme dans les grands Scorsese des années 90, la mise en scène est d'une force documentaire et cinématographique tout ce qui a de plus impressionnante. 

Beaucoup trouveront le film plus ennuyeux que la plupart des autres films du cinéastes qui ont un rythme plus endiablé dans la narration. C'est assez normal car il y a peu d'intrigue si ce n'est une histoire d'amour impossible qui s’étend sur plusieurs années. Seulement le scénario et la mise en scène privilégient plus le fond que de nous raconter plein de péripéties comme l'on peut voir dans l'adaptation des Liaisons dangereuses de Stephen Frears. Cette peinture est à la fois académique et très scorsesienne, elle est magnifique et d'une violence à crescendo qui ne pardonne personne. La mise en scène est fascinante du début à la fin. Tout est d'une méticulosité absolument sublime où chaque plan trouve sa beauté et sa force comme dans les grands chefs d'oeuvre italiens. Seulement on est quand même chez Scorsese, loin des tableaux académiques de Visconti. Quand le cinéaste fait de l'émotion, tout est en retenue et passion mais aussi d'une suggestion audacieuse. On entre jamais dans la niaiserie même si, comme Kubrick dans Spartacus, il flirte avec dans quelques moments plus cucul mais obligatoire pour faire respirer les personnages. Le film joue sans cesse sur le côté frustrant, proche du personnage interprété par l'excellent Daniel Day Lewis. La direction des acteurs est sublime comme d'habitude. Le message de Scorsese lui est clair, il faut être vieille, mourante et surtout très riche pour dire son opinion dans cette société à travers le personnage irrésistible de Miriam Margolyes. Son personnage est le double de Marty dans le film, comme on peut voir assez souvent dans ses fresques. 

Ce film c'est un peu comme si on enlevait les armes des gangsters et que l'on mettait les ragots et les castes à la place. Tout aussi cruel, on peut dire que c'est une version plus féminine, sensible, vicieuse, politique et historique que les gangsters des Affranchis. Le film est du même acabit que les grands Scorsese des années 90 même s'il n'a pas la même approche avec une histoire d'amour impossible aux apparences classiques. Comme souvent chez le cinéaste, le fil conducteur est trompeur. Ici on est en plein dedans et son travail gagne de la force à chaque visionnage, comme les plus grands films du septième art. Il serait injuste de dire que Le temps de l'innocence n'est pas dans la veine du cinéma Scorsesien. Bien au contraire car il dévoile tout en subtilité et cruauté, cette société agonisante continue de faire des victimes exactement comme il dépeint la société et ses personnages depuis le début de sa carrière. Non sans humour, le cinéaste n'a jamais été aussi gracieux et aboutit visuellement dans sa mise en scène. Beaucoup catégorise Scorsese comme un réalisateur qui fait des films d'hommes pour les hommes. C'est juste que la plupart ne connaissent pas tous ses films. Il a offert des grands rôles féminins a beaucoup d'actrices dont certaines ne s'en remettront pas. Wimona Ryder et Michelle Pfeiffer, à cette époque à l'apogée de leur carrière, sont sublimes et dans une très grande finesse de jeu. 

Scorsese a perdu son père durant le tournage du film et a été émotionnellement très frappé. Il lui dédia le film. Le temps de l'innocence fut un échec qui vexa beaucoup le cinéaste. Comme énervé, Scorsese se lâchera complètement pour son prochain film Casino qui reprend Les Affranchis en ajoutant la dose de fresque et de cynisme que l'on retrouve dans Le temps de l'innocence. Comme A tombeau ouvert, Le Temps de l'innocence est bien trop sous estimé et d'ailleurs un de ses films que préfère Martin Scorsese, celui dont il est le plus fier. Il a de quoi car ce chef d'oeuvre mérite qu'on s'y attarde dessus. Pour ma part, il fait partie de ses plus grands films et accompagne Taxi Driver, New York New York Raging Bull, La Valse des Pantins, Les Affranchis, Casino et A tombeau ouvert comme les fleurons de la filmographie du cinéaste. 

Le cinéma de Scorsese me touche, quand ce n'est pas avec ses thèmes directement, c'est avec sa mise en scène. Je prend toujours une leçon magistrale de cinéma à chaque visionnage d'un de ses films. L'avoir revu au cinéma il y a peu m'a conforté dans mon avis que non seulement c'est un grand Scorsese mais qu'il est peut-être un des plus grands films du genre. On découvre à chaque fois comment une simple scène de baiser de mains dans une calèche peut être un sommet de romantisme et d'érotisme à la fois. On ne peut pas reprocher au cinéaste de changer de registre encore moins quand il brille dedans tout en gardant ses thèmes, sa force et son virtuose. Je ne suis pas objectif quand je parle de Scorsese car j'aime tous ses films. Cependant si vous aimez le cinéma celui ci pour moi est incontournable tout simplement car c'est un chef d'oeuvre. 

Note : 10 / 10

Pour une dévédéthèque idéale, à ranger avec

Barry Lyndon de Stanley Kubrick, Mort à Venise de Luchino Visconti, Les liaisons dangereuses de Stephen Frears et Casino de Martin Scorsese.