mardi 26 juin 2018

Il était une fois... le Cinéma des années 60.

Avant de commencer, je tiens à m'excuser pour les nombreux grands films de cette décennie que je ne vais pas citer. Il m'est impossible de tout passer en revue ni même tout traiter. Même un roman n'y suffirait pas. 

Dans mes différentes conversations, que ce soit avec mes amis passionnés de cinéma ou avec moi-même, je me suis souvent posé la question toute bête : pourquoi j'aime tant le cinéma des années soixante ? Bien sûr je passe pour un vieux con, d'autant plus que je n'ai même pas connu cette décennie. Mais ça m'a donné envie d'en parler et de vous partager mon intérêt pour cette décennie si particulière. 


1960, on est en pleine "Nouvelle Vague" en France suite à l’événement mondial A bout de Souffle de Jean-Luc Godard. Cet air révolutionnaire était le fruit d'un ras le bol du public et des artistes (cinéastes) devant un cinéma formaté et qui se faisait pulvériser à plat de couture par l'arrivée de la télévision dans les foyers. Entre la confrontation des blocs capitaliste et communiste en pleine Guerre Froide, ses Guerres périphériques, les Trente Glorieuses ou encore toutes les revendications recherchées sur les libertés et les égalités qui mèneront à Mai 68 : le cinéma devait absolument changer d'approche et d'angle d'attaque. C'est d'ailleurs une des rares choses où la France a devancé les américains. Tout du moins dans le temps. Cet élan de liberté se ressent de manière radicale en France. Comme un arbre qui pousse, plusieurs branches se forment : celle dont le courant libertaire est le maître mot comme Jean-Luc Godard (Pierrot le Fou 1965). Celle avec un support et une approche un peu plus traditionnelle comme François Truffaut (Fahrenheit 451, 1966) ou encore Claude Chabrol (Que la bête meure, 1969). Et celle qui n'adhère pas à cette philosophie comme Jean-Pierre Melville (Le Samouraï, 1967). La cinéma populaire française est quant à lui en pleine réussite avec Gérard Oury (La grande Vadrouille, 1966) ou même le film d'aventures avec Philippe De Broca (L'homme de Rio, 1964). 

Huit et demi de Frederico Fellini (1963)

Les années 60, c'est aussi le plein âge d'Or du cinéma Italien. Ce dernier en répercussion à la Nouvelle Vague venue de France nous offre des copies brillantes et voluptueuses par des cinéastes comme Léone, Fellini, Pasolini, Antonioni, Visconti, Bertolucci et bien d'autres. Ces cinéastes offrent un nouvel élan intimiste et/ou de provocation inédit jusqu'alors. On peut remarquer un nouveau souffle dans toute l'Europe et le monde entier. Cela se répand chez les cinéastes mais aussi bien entendu les spectateurs. On remarquera  Michael Powell, Joseph Losey ou Stanley Kubrick en Angleterre, Werner Herzog ou Wim Wenders en Allemagne, Milos Forman en Tchécoslovaquie ou encore Roman Polanski en Pologne. Mais aussi, et c'est là où je veux en venir, cette effervescence s'est produite aux Etats Unis, à Hollywood. Cependant tout est venu de manière beaucoup moins radicale, plus soft et progressive. Une transition qui s'est faite plus ou moins dans la douceur, presque une décennie avant "La Nouvelle Vague Hollywoodienne", résumée un peu trop rapidement par le cinéma de Coppola, Spielberg, Scorsese, Cimino, De Palma et bien d'autres dès 1970.

J'aime le cinéma hollywoodien des années 60 car je délecte souvent la maîtrise absolue de plusieurs cinéastes qui ont auparavant réalisés plusieurs films de commandes (ou à la télévision) et qui ont cette fois l'occasion de s'exprimer. Souvent ils ont un regard personnel, fort et mature. Ces derniers utilisent à la perfection le langage de l'image, du son et de la direction des acteurs. Ces films sont toujours aujourd'hui souvent d'une redoutable efficacité. Souvent les producteurs accordaient aux cinéastes un regard plus personnel, bien plus moderne qu'auparavant le tout sur des supports et des histoires très solides. Ce mélange de cinéma classique et des thèmes tabous, universels, de la société sont souvent (hélas) toujours d'actualités, et fonctionne toujours à merveille. Souvent le résultat reste incisif, percutant, universel. La plupart de ces films sont rarement marqués par le temps car les fondements sont solides et la structure narrative très travaillée. Les contraintes (financières ou de censures) donnaient parfois déjà place à l'imagination et à de l'audace. Les scripts, les acteurs commençaient eux aussi à se muter lentement vers la Nouvelle Vague Hollywoodienne du début des années 70. Les cinéastes utilisaient souvent avec parcimonie leur petite touche sur une structure scénaristique dans la pure tradition des films hollywoodiens. 

Cette solidité était également due par la présence d'une génération de scénaristes et de dialoguistes qui maîtrisaient des structures dramatiques et narratives solides et universelles. La maîtrise des dialogues, souvent très bien pesés, justes et percutants comme il le faut, sont au profit de la force du film, des acteurs et du script. Le réalisateur, un peu plus chef d'orchestre que dans les décennies précédentes, ajoute la patte d'auteur, le grain de sel juste nécessaire pour ne saboter ni la narration, ni la force émotionnelle du film. C'est ainsi que dans pas mal de films des années 60 (du moins ceux que le temps nous a laissé aujourd'hui) on retrouve ce ciment narratif magistral des grands films hollywoodiens (ceux de Wilder ou Joseph L.Mankiewick) avec des thèmes beaucoup plus pessimistes, d'actualités, tabous, controversés et universels, subtilement traités ou de manière plus suggérée. 

Cette manière de parler de sujets tabous et les revendications sera plus radicale et subversive à la fin de la décennie avec des films tel qu'Easy Rider de Dennis Hopper en 1969. Comme le début de la Nouvelle Vague en France, elle commença avec des films fauchés dès la fin des années 60. Des cinéastes comme Bob Rafelson, Hal Ashby ou encore Peter Bogdanovich commençaient à offrir des films à l'approche beaucoup plus européenne et radicale. Il ne faut pas négliger les productions de Roger Corman, maître de la série B à Z, qui a donné à des cinéastes les chances de pouvoir s'exprimer et se voir accorder des films importants par les studios par la suite. 

De manière plus grandiose, il y a surtout l'étincelle Arthur Penn. Avec La poursuite impitoyable ou encore Bonnie and Clyde le cinéaste réalise des grands films qui parlent des Etats Unis et ont ouvert les yeux au grand public sur la violence mais aussi le potentiel que peut avoir le cinéma commercial à parler directement de l'actualité au public avec des émotion. Comment le cinéma peut-être être le reflet, le porte parole du peuple de toute une génération. Arthur Penn est un cinéaste assez incroyable. Comme Sidney Lumet, Sergio Leone, Stanley Kubrick, ou même Alfred Hitchock, sa filmographie est dense, novatrice et pleine de chef d'oeuvre qui ont marqués les décennies, et bien évidemment plus que jamais les sixties. Arthur Penn réalise son premier film en 1958 Le Gaucher avec Paul Newman, dépoussiérant le western et le mythe de Billy The Kid avec Paul Newman dans le rôle titre. En 1970 il signe Little Big Man, peut-être l'un des plus grands films sur les Etats-Unis avec la trilogie Il était une fois de Sergio Leone. Arthur Penn tombera avec le Nouvel Hollywood, qu'il a indéniablement influencé et même ouvert au public dans les salles américaines avec son Bonnie and Clyde, devenu un immense film culte aux Etats-Unis. 


Si j'aime autant le cinéma des années 60, c'est exactement à l'image de la musique qui se produisait à cette époque là. C'est à dire un véritable vivier d'expérimentation où l'on retrouve des oeuvres, parfois inégalée en terme d'audace, de maîtrise, de pureté et d'intemporalité. Le cinéma était un rendez vous particulier, un moyen d'expression, le prisme d'une société qui commençait vraiment à se questionner et chercher des réponses sur un mode et un monde de plus en plus insaisissable. Cette mutation générale du cinéma offre un entre deux que j'adore car tout est oscille entre la suggestion et l'explicite. Le racisme, l'homosexualité, la guerre, la crise identitaire, l'anti rêve  américains sont des thèmes qui sont pour la première fois traités les années 60. Tous sont plus ou moins hélas intemporels et ne manquent pas sous toutes ses formes de donner enfin un premier coup de pied dans la fourmilière. 




Neuf années passent entre la révolution du film de Jean-Luc Godard ( A bout de Souffle, 1960) et le coup de pied de Dennis Hopper (Easy Rider, 1969) suivit de l'arrivée des cinéastes cinéphiles et étudiants (sortant des premières écoles de cinéma) comme Francis Ford Coppola (Les gens de la pluie,1969). Durant ces neuf années, beaucoup de cinéastes ont donc assurés plus ou moins brillamment cette transition. Ils ont été oubliés car la plupart des critiques, historiens du cinéma les ont étiquetés comme "bons faiseurs" de studios. Ce qui est évidemment bien plus ambigu que ça. J'adore redécouvrir ces cinéastes : souvent ce sont eux qui ont inspirés, donnés la voix aux jeunes cinéastes avec des films remarquables. 

Robert Aldrich, John Frankenheimer, Robert Mulligan, Samuel Fuller, Robert Wise, Richard Brooks, ou encore Richard Fleischer (et bien d'autres) ont indéniablement préparés ce terrain au Nouvel Hollywood. Et il serait dommage de ne pas leur rendre hommage en ne redécouvrant pas leurs films aujourd'hui. 




Avec cette fameuse transition un deuxième mot résumerait bien les années 60 : l'audace. Oui le cinéma des années 60 était audacieux. Et il l'est toujours.  Du western musical porté par les notes mythiques d'Ennio Morricone, le sens de la mise en scène de Sergio Leone au cinéma silencieux et tout aussi intemporel de Jean Pierre Melville, de l'influence visuelle et thématique de Kurosawa, à la performance du plan séquence de Soy Cuba Mikhail Kalatozov, 1964) et même jusqu'au phénomène Audrey Hepburn (Diamant sur Canapé de Blake Edwards, 1962) : on retrouve une mutation, une transformation des styles et des genres sous toutes ses formes, et souvent pour le meilleur. Car souvent dans les films qu'il nous reste actuellement, on perçoit une recherche d'innover de film en film à l'image de la démarche de Stanley Kubrick tout au long de sa carrière. Quand ce n'est pas toujours le cas, il y a tout de même la recherche de réunir le meilleur de ce que l'on peu produire actuellement (My Fair Lady, 1964 ou encore les films de David Lean).




La série B commençait aussi à changer de fusil d'épaule, cela bien avant De Palma et Carpenter dans les années 70/80.  D'abord avec Sergio Leone qui exploite le western avec le film de vengeance classique avec son incontournable trilogie du dollars. Tout est devenu iconique tel Clint Eastwood en Homme sans nom mais avec un poncho, lui, connu tout le monde. De même pour Samuel Fuller, qui utilise le film noir fauché pour faire un réquisitoire efficace et magistral. Il ne faut pas oublier Roman Polanski et l'horreur psychologique avec d'abord son Repulsion réalisé en 1965 à Londres suivit du carton Rosemary's Baby en 1967 à Hollywood. Des cinéastes plus anciens comme Robert Wise avec La maison du diable, William Wyler avec L'obsédé ou encore Otto Preminger avec Bunny Lake a disparu proposent également des films dans ce fameux entre deux à redécouvrir absolument. 




Cette transition se remarque aussi par le cinéma commercial dans cette décennie. Un passage de relais entre deux cinéastes majeurs du grand public : Alfred Hitchcock et Steven Spielberg. Steven Spielberg n'arrivera qu'en 1971, dans les pas d'Hitchcock par la télévision et son Duel. En 1960 sort Psychose, peut-être le chef d'oeuvre le plus audacieux du "maître du suspense". Du moins en terme de narration. Il marquera incontestablement toute la décennie avec son approche, sa noirceur psychologique et sa rupture narrative. Le public voulait de nouveau aller au cinéma pour revivre quelque chose qu'il n'avait jamais vu auparavant. Hitchcock ne retrouvera pas autant de succès mais ce cinéma là, il faut avouer était un doublon parfait avec celui plus intellectuel proposé par la Nouvelle Vague en Europe, pas toujours accessible au grand public. Aux Etats-Unis, les studios se cassaient les dents avec le western, la comédie musicale, les grandes productions "old school" comme le péplum Cléopatre (1963) de Joseph.L Mankiewicz. Tout s'est lentement métamorphosé. 

Cela parce que la transformation s'est préparée également lentement à la fin des années 50. Pour rester sur le péplum Spartacus (1960) de Stanley Kubrick, écrit par le black-listé Dalton Trumbo, politisait et rendait de manière universelle un genre mainte fois exploité dans les grandes productions. Mais aussi (et je vais y revenir plus loin) pour la première fois la comédie musicale apportait du grave et de la noirceur avec West Side Story (1960) de Robert Wise et Jérome Robbins. C'est aussi dans la fin des années 60 que la Science Fiction prend son envol, soit en même temps que les Hommes à la conquête de l'Espace. Impossible de passer à côté de La planète des singes (1968) de Franklin J.Schaffner et bien entendu de l'hypnotique 2001 L'odyssée de l'Espace (1968) toujours du grand Stanley Kubrick. 




Les années 60 au cinéma c'était le début des nombreuses adaptations à l'écran de romans (souvent brillants) à succès. La plupart des films cités auparavant entrent dans cette catégorie. A l'époque c'était un faire valoir certain pour les producteurs afin d'assurer au moins le remboursement du film. C'est encore l'époque où les grands producteurs tenaient une grande importance et responsabilité sur la qualité finale des films. A l'image de Kirk Douglas, ces derniers cherchaient surtout de très bons réalisateurs capable de terminer dans les temps le tournage mais aussi d'insuffler à la fois des thèmes, de la personnalité dans des histoires qui marquent l'époque et le public contemporain. 

Que ce soit L'armée des Ombres de Jean Pierre Melville ou On achève bien les Chevaux de Sidney Pollack, deux films sortis en 1969, nous avons droit à des chefs d'oeuvre historiques, des purs produits cinématographiques forts et fascinants, qui ont transcendés le matériel de base. A noter aussi que le fait divers a eu aussi son heure de gloire inspirant   Arthur Penn (Bonnie and Clyde,1967) mais aussi le trop oublié Richard Brooks (De Sang Froid, 1967). 




La métamorphose se joue également dans l'approche de la mise en scène. Par exemple, le western L'homme qui tua Liberty Valance (1963) du vétéran John Ford n'aura rien à voir bien entendu avec la forme stylisée des westerns de Sergio Leone mais aussi sera bien loin de l'explosif et brute Sam Peckinpah, dans La Horde Sauvage (1969). Si on fouille un peu dans le genre, on peut trouver des films atypiques (parfois reniés et massacrés par les studios, ou pas) et on y trouve des drôles d'essais, parfois improbables ou virtuoses car bien loin des structures classiques. Je pense a des films comme Le Vent de la plaine de John Huston (1960), L'homme sauvage de Robert Mulligan (1969) ou encore Les chasseurs de Scalps de Sidney Pollack (1968). 




Le cinéma commercial était également sur cette tendance du renouvellement à l'image du  phénomène et des choix de carrière d'Audrey Hepburn. L'actrice illustre parfaitement cette décennie. De son succès des (brillantes) comédies romantiques et/ou musicales des années 50 (chez Billy Wilder, Stanley Donen ou King Vidor) l'actrice explose complètement dans les années 60. D'abord avec Blake Edwards en 1961 dans Diamant sur Canapé, adapté d'une nouvelle de Truman Capote, qui a enchaîné ensuite par Charade de Stanley Donen (1963) et  My Fair Lady de George Cukor (1964). Trois grands films iconiques des années 60. Les choix de l'actrice sont également audacieux : elle se frotte au thème du racisme dans Le vent de la Plaine (John Huston, 1960), joue également dans La Rumeur de William Wyler (1961), une perle de film qui parle de l'homosexualité féminine mais aussi d'un thème universel : le titre du film. Elle flirte également dans Voyage à deux de Stanley Donen (1967) avec l'esprit nouvelle vague plus européenne. Même elle va interpréter une aveugle dans un film à suspense : Seule dans la nuit de Terence Young (1967) avant de faire une pause de dix ans. Elle aura repris le flambeau de Marilyn Monroe, sa rivale blonde, iconique des années 50 avec elle. Cette dernière est disparue en 1962 après un chef d'oeuvre (et son meilleur rôle) dans le film de John Huston : Les désaxés (1960). 




Chacun à ses raisons d'aimer les années 60, ou pas. On peut aussi y trouver de mauvais films bien entendu, tout comme aujourd'hui, mais on les a juste oubliés et/ou jamais revisionnés. S'il y a un autre rapprochement à faire avec aujourd'hui, c'est que l'on se retrouve un peu la situation de la fin des années 50 où les grandes productions au cinéma commençaient à se casser la figure avec une lassitude du public de voir toujours les mêmes choses, codes et genres au cinéma. Mais également avec l'arrivée de la télévision et l'explosion des séries TV. Ce n'est pas du tout le même contexte, alors on ne pas prédire l'avenir du cinéma de cette façon, mais il y a des points communs évidents. La différence vient de la notion d'exclusivité au cinéma. Il y a beaucoup plus de films, de productions aujourd'hui et les films ne sont plus le même événement à leur sortie de nos jours. Les grandes productions ne restent que quelques semaines à l'affiche, et comme une photo Instagram, les entrées sont instantanéées puis après vite oubliées. Les années 60 le cinéma était un lieu différent, et des films de presque trois heures, remplissaient les salles et faisait des millions d'entrées et pouvaient être diffusés sur une année. Numérique quand tu nous tiens. Et je peux vous dire, aller voir un Sergio Leone ou un Stanley Kubrick au cinéma (même un film comme Ben-Hur) et bien ce n'est pas un Marvel. 



Aujourd'hui on retrouve un peu cette démarche des années 60 chez les cinéastes. L'an dernier la comédie musicale a été reprise avec une structure à l'ancienne avec des thèmes modernes avec LaLaLand de Damien Chazelle (2017) ou même le genre de série B Fantastique avec cette année même La Forme de l'eau de Guillermo Del Toro (2018). On retrouve des vétérans comme James Mangold signer un western aopocalyptique dans le genre usé du super héros avec un Hugh Jackman Torturé (Logan, 2017) Et on parle toujours et encore des mêmes thèmes, on revisite et de manière différente, avec ces avalanches de d'effets spéciaux partout. Il n'y a qu'a voir la dernière trilogie de la planète des singes de plus en plus dans la démarche Sixties. Le premier opus est un divertissement très honnête comme l'on pouvait voir avec John Sturges, le deuxième plus shakespearien et le troisième parle de l'actualité du monde d'aujourd'hui (et même un peu politique). D'où la touche très plaisante de cette saga avec Andy Serkis qui exploite notre génération des effets spéciaux à merveille avec un amour certain pour le matériel original. On peut aussi rapprocher le producteur Jason Blum à Roger Corman dans les années 60/70, laissant des jeunes cinéastes s'exprimer dans un genre codifié (It Follows, The VVitch ou encore Hérédité). Là aussi seul le temps nous diras qui on retient ou pas dans le cinéma actuel et si on s'approche d'une "nouvelle vague" vers 2020. 

Je vais terminer quand même sur des bonnes notes (musicales), et donc sur deux très grands films iconiques des années 60 et du cinéma : 





WEST SIDE STORY de Robert Wise et Jérôme Robbins (1961) 


et 



IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST de Sergio Leone (1969). 


Le premier est réalisé au début de la décennie aux Etats Unis et l'autre à la toute fin en Europe. Deux genres (la comédie musicale et le western) qui ont été extrêmement exploités auparavant et qui ont été complètement revisités. Ces deux films représentent parfaitement le cinéma des années 60 mais aussi son évolution. On retrouve des scripts et des dialogues exceptionnels avec une intrigue simple le tout transcendés par une mise en scène qui alterne parfaitement entre la puissance de l'image, la musique, la direction artistique, l'art du montage et le virtuose de l'écriture.  





Les deux films sont des opéras cinématographiques qui parlent des Etats-Unis, de l'Amérique mais pour la première fois manière sombre, violente et dans des thèmes universels et intemporels. West Side Story parle du racisme, de l'immigration à New York mais aussi dresse un visage mélancolique sur le rêve américain. Tout est parfaitement orchestré sur une revisite de Roméo et Juliette de William Shakespeare. C'est le début de la métamorphose du genre et du cinéma des années 60. Il reprend un support ancien, l'actualise avec un savoir faire précis et intemporel. Prendre Robert Wise, un réalisateur brillant et un chorégraphe, rend le combo parfait. Car le maître mot de West Side Story est sûrement l'équilibre. Ce film est une merveille du genre car il y a une parfaite alchimie entre la mise en scène, les séquences musicales, le textes et la place de la musique. On est en plein film de studio, avec un travail purement traditionnel mais on est capable enfin de parler de problèmes, des thèmes tabous et grave, et loin des bluettes hollywoodiennes. 



Quand arrive le film de Léone tout est poussé encore plus loin. Le cinéaste tourne tout à l'extérieur, étire encore plus le lyrisme, laisse la musique et la gueule des acteurs, le cadrage parler et faire des frissons aux spectateurs. Léone va jusqu'à prendre Henri Fonda, acteur mythique de la Justice du cinéma américain (12 hommes en colère, Les Raisins de la Colère) en lui collant l'étiquette d'un des pires salauds de l'Histoire du cinéma. Sergio Léone explose tout. Son message est lui aussi d'une totale noirceur, démontrant que le "Pays de la Liberté"  s'est construit dans la violence, le sang, la lâcheté, la malhonnêteté et l'injustice. A l'image de Claudia Cardinale et de son personnage, le rêve américain est une aussi belle que triste illusion. 

Il était une fois dans l'Ouest clôture magistralement le cinéma des années 60 avec 2001 l'Odyssée de l'Espace, l'autre chef d'oeuvre hypnotique et philosophique (inégalé) de Stanley Kubrick. Les deux cinéastes parlent de l'Homme et de sa place, sa construction, son évolution dans la société, un univers singulier ou qu'il souhaite explorer et s'approprier. Ces deux films sont complémentaires : Kubrick regarde droit devant lui la route et parle du Futur. Léone quand à lui regarde dans le rétroviseur et constate le passé. 

Aujourd'hui encore ces deux films sont des pièces maîtresses du Septième art qui se bonifient d'année en année, de diffusion en rediffusions. On a du mal à penser qu'elles ont plus de 50 ans tant c'est pur, inégalé tel des chef d'oeuvre de Chaplin. 






Pour en revenir à ces deux films, tous les deux sont portés par des compositions de Léonard Bernstein et Ennio Morricone devenues mythiques de manière évidente. La direction artistique est d'une telle intensité et d'une maîtrise si exceptionnelle que les musiques font resurgir sans problème toutes nos émotions. Tels deux purs ballets cinématographiques c'est vertigineux, à la fois physique et viscéral.  Malgré toutes les similitudes, les différences, les influences de l'un envers l'autre, il y en a une filiation qui saute aux yeux : leur introduction. 


Toutes les deux se déroulent sous une chaleur de plomb, située en l'une en plein milieu d'une ville l'autre du désert mais on y voit tout du spectacle que nous allons voir durant les deux heures et demis qui vont suivre. Cette atmosphère on y plonge dès les premières notes de musiques dedans, et le premier plan, le premier son. Que ce soit poisseux ou clinquant, orchestré d'un claquement de doigts, par une goutte d'eau sur un chapeau ou d'une éolienne rouillée, le temps, le rythme émotions sont étirés sur une séquence de presque 10 minutes de pur spectacle auditif visuel et immersif. Toutes les deux plantent le décors, l'histoire avec de simples regards, des gestes, des bruits, de la musique et une maestria absolue dans la mise en scène de l'image, du mouvement. 

Autant la musique de West Side Story présente toute l'Histoire par sa musique sur le fond de couleurs (à la manière d'un opéra classique), autant le film de Sergio Léone nous raconte tout son film par l'image et la tension de son introduction. Il arrive à raconter l'enjeu (la gare, le terrain vague), l'intrigue (la confrontation), l'inconnu qui débarque et annonce même le duel final avec un Harmonica. 





Je vous laisse méditer en (re)voyant ces deux films et en discuter dans les commentaires : j'y répondrai comme toujours avec plaisir. Vous pouvez les comparer, me dire si vous trouvez que tout est un peu tiré par le cheveux. 


Bien entendu on ne peut résumer une décennie entière comme les années 60 rien qu'avec deux films mais je trouve que ce sont deux œuvres maîtresses qui se recoupent dans l'approche, le fond, la forme mais aussi symbolise bien tout ce que je vous ai rabâché jusqu'à maintenant : la transition et l'audace vers un cinéma beaucoup plus moderne entre le vieil Hollywood et le nouveau. Soit le cinéma critiqué par la Nouvelle Vague et celui bien plus universel que détenait Charlie Chaplin, Alfred Hitchcock auparavant. 

Comparer ces deux monuments revient à comparer dans les années 70 de l'horreur et la paranoïa à l'écran entre Les dents de la Mer de Steven Spielberg (1975) et Alien de Ridley Scott (1979). On est dans des purs chefs d'oeuvre emblématiques qui parlent de leur époque avec un sens de la mise en scène et une exploitation des thèmes inédites et intemporelles. Ces films fonctionneront tant que l'être Humain sera vivant et justifient le terme de Septième Art. 

Les années 60 c'est tout cela et bien plus encore. J'avoue que j'adore particulièrement le cinéma des années 60 et 70 parce que justement j'y trouve beaucoup de film unique et qui ne ressemblent à aucun autre. C'est une mine d'or pour les cinéphiles. C'est souvent dans ces classiques là où je trouve mon plaisir, la singularité des thèmes qui me touchent et l'approche du cinéma que j'aime et dont j'aimerait un jour réaliser. 






Quelques films incontournables des années 60 que je n'ai pas cité ou illustré en image  :

De sang Froid de Richard Brooks
La colline des Hommes perdus de Sidney Lumet
Qu'est il arrivé à Baby Jane de Robert Aldrich. 
Huit et demi de Frederico Fellini
Le Lauréat de Mike Nichols Blow up de Michelangelo Antonioni
Le Voyeur de Michael Powell
Mary Poppins de Robert Stevenson
Plein Soleil de René Clément
Butch Cassidy et Le Kid de George Roy Hill
Un crime dans la tête de John Frankenheimer. 
La cible de Peter Bogdanovich
L'arnaqueur de Robert Rossen
Belle de jour de Luis Bunuel
Le Trou de Jacques Becker
Le deuxième souffle de Jean Pierre Melville
La Jettée de Chris Marker 
Le Guépard de Luchino Visconti
Docteur Folamour de Stanley Kubrick
Point Limite de Sidney Lumet
Lawrence d'Arabie de David Lean
Docteur Jivago de David Lean
Les Oiseaux d'Alfred Hitchcock
La vérité d'Henri Georges Clouzot
Macadam Cowboy de John Schlesinger
Du silence et des ombres de Robert Mulligan
La Grande Evasion de John Sturges
Les douze salopards de Robert Aldrich
Playtime de Jacques Tati 
L'étrangleur de Boston de Richard Fleischer 
Le procés d'Orson Welles
Une certaine rencontre de Robert Mulligan

Et bien d'autres ... 






Ceux dans les années 50 qui ont amorcés le cinéma des années 60 : 

Le Monde, La chair, le diable de Ranald McDougall (1959)
La nuit du Chasseur de Charles Laughton (1955)
Fenêtre sur Cours d'Alfred Hitchcock (1954)
Les 400 coups de François Truffaut (1959) 
Los Olvidados de Luis Bunuel (1950)
Les Sentiers de la Gloire de Stanley Kubrick (1957) 
Certains l'aiment Chaud de Billy Wilder (1959)
Le salaire de la Peur d'Henri George Clouzot (1953) 
12 hommes en Colère de Sidney Lumet (1957)
Boulevard du crépuscule de Billy Wilder (1950) 
Je veux vivre de Robert Wise (1958)
Vera Cruz de Robert Aldrich (1954) 
En quatrième Vitesse de Robert Aldrich (1955) 
La prisonnière du Désert de John Ford (1956)


Et bien d'autres... 


New York New York de Martin Scorsese (1977)


Ceux qui se sont sortis dans les années 70 mais très proche du cinéma des années 60 : 

La dernière séance de Peter Bogdanovich (1971) 
La nuit américaine de François Truffaut (1973) 
Le cercle rouge de Jean Pierre Melville (1971)
Le limier de Joseph L.Mankiewicz (1972) 
Peau d'âne de Jacques Demy (1970) 
Le Parrain de Francis Ford Coppola (1972) 
Le dernier Tango à Paris de Bernardo Bertolucci (1972)
L'arnaque de George Roy Hill (1972)
Frenzy d'Alfred Hitchcock (1972) 
Soleil Vert de Richard Fleischer (1973)
Et bien d'autres... 

En espérant que cela vous ait plu, je vous dis à très vite pour un nouvel article IL ETAIT UNE FOIS...



jeudi 21 juin 2018

Une Certaine Rencontre ( Love With The Proper Stranger)


L'occasion était merveilleuse de découvrir en salle ce grand film du trop oublié Robert Mulligan. Réalisé juste après son film le plus reconnu et récompensé Du silence et des ombres, on retrouve à nouveau une maîtrise absolue du cinéma très classique et de l'émotion, inspiré du cinéma européen. Malgré son casting de luxe, Steve McQueen et Natalie Wood, ce film est introuvable en support (tout du moins en France) et cette ressortie en fait un événement incontournable pour tout cinéphile qui se respecte, tant l'écriture, la maîtrise de la mise en scène, la direction d'acteur du cinéaste et le jeu des acteurs sont magistraux. 

L'histoire, aussi simple que casse gueule, est le contre pied total de l'histoire d'amour hollywoodienne conventionnelle. Les deux personnages principaux (interprétés par deux grandes stars de l'époque) ont fait une erreur de coucher ensemble après une soirée arrosée et se retrouvent plus concrètement pour financer l'avortement. C'est alors qu'ils apprennent à se connaître, se dévoiler et montrer dans quel quotidien ils vivent. A la fois très drôle et sensible, Robert Mulligan signe une oeuvre poignante et juste qui met en avant les moeurs des américains des années 60 mais aussi de la femme qui veut enfin se libérer à son époque et trouver son indépendance. Difficile, surtout dans une famille italienne, de sortir de tout cela et de parler sentiment. Tout le long l'ensemble est un régal d'équilibre, une véritable démonstration de visionner un film de la Nouvelle Vague française, souvent même le meilleur du cinéma de François Truffaut, mais avec la grande maîtrise hollywoodienne de la narration et des dialogues du cinéma classique hollywoodien. Un merveilleux équilibre donne du corps à une histoire d'amour complexe. Le tout est à l'image de Natalie Wood, beaucoup de charme et de grave à la fois, et le film est unique car il ne rentre dans aucune case car il contourne tous les pièges du film romantique et de la comédie sentimentale traditionnelle (dont la fin : brillante). 

Si la forme est moins clinquant, mythique que des films comme Vacances Romaines ou Diamant sur Canapé, Une Certaine Rencontre est tout aussi comparable et serait plus proche d'une version européenne d'une pièce de Tennessee  Williams. Steve McQueen est dans un rôle qui aurait collé parfaitement à Paul Newman à l'époque de La Chatte sur un Toit brûlant. L'acteur y est magnifique, peut-être un de ses plus grands rôles de composition. Face à lui, Natalie Wood est quant à elle sublime. L'actrice est lumineuse et transcende un personnage féminin remarquablement bien écrit : ce qui fait la différence avec biens des films. Je souligne aussi l'incroyable présence des seconds rôles, des dialogues qui confirment que le scénario est plus que brillant. Mulligan quant à lui se permet de faire des pauses avec les acteurs rendant le non dit, présentant des personnages d'une intensité incroyable. 

Il faut redécouvrir ce film là (messieurs les éditeurs si jamais vous lisez ces mots, sortez le absolument en bluray dvd). Il faut aussi redécouvrir la filmographie de Robert Mulligan, cinéaste qui a signé des films d'une justesse comme il est rare de voir et sachant changer de registre (L'homme sauvage, L'autre) avec brio. Il me manque Un été 42 à voir mais je me réserve ce plaisir pour bientôt. Si jamais un cinéma programme une séance de ce film proche de chez vous, allez y  vraiment car c'est une leçon de cinéma en tout point de justesse et de finesse. 

N'ayez pas peur du noir et blanc, du démodé, il n'en est rien car ce film est d'une incroyable modernité. On ne s'ennuie pas une seconde et où redécouvre de plan en plan, de dialogue en dialogue, de silence en silence peut-être ce que le cinéma américain faisait de mieux dans les années 60. Un très grand film. 

Réalisation : Robert Mulligan
Scénario : Arnold Schulman
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1 h 45
Avec : Natalie Wood, Steve McQueen, Tom Bosley... 

dimanche 17 juin 2018

Hérédité ( Hereditary )



Après The Vvitch et It Follows, Hereditary confirme qu'une nouvelle génération de jeunes cinéastes particulièrement prometteurs est bien en train d'émerger. Le film de genre est donc le moyen de les faire exprimer et montrer leur talent. Comme The Vvitch il s'agit ici d'un premier film d'une très grande maîtrise, avec beaucoup d'intelligence, d'idées et qui ne se contente pas de faire de l'hommage formel, chose qu'on peut reprocher à It Follows.

Une fois n'est pas coutume, pour la promo, le film est étiqueté comme un enième film d'horreur pour ados. Hérédité ne trouvera donc pas son public d'abord parce qu'il ne rentre pas dans des cases. Et quand je repense au film, c'est à la fois sa grande force mais hélas aussi sa faiblesse. J'ai eu l'impression de regarder un très bon film avec un cinéaste qui a autant de goût et d'amour pour le genre fantastique que de talent mais avec des retournements de situations qui m'ont pour le moins surpris, déroutés au point de me sortir complètement de l'histoire. A l'image de Mother d'Aronofsky l'an dernier, Hereditary est un film inclassable, une expérience mouvementée qui perturbe, dérange pour le meilleur et pour le pire le spectateur. Moins radical que le délire du réalisateur de Black Swan, ce premier film prend tout de même des libertés assez folles et inattendues qui donnent un vent de fraîcheur aux productions que l'on voit partout. Si vous vous attendiez à voir un film d'horreur avec des "jumps care" de partout ou les films comme Conjuring (que j'appelle "train fantôme") et bien Heridetary n'est pas pour vous. 

J'ai eu la sensation de découvrir un scénario avec les mélanges des genres que l'on trouve dans le cinéma coréen, ou chez Sam Raimi, réalisé avec le sérieux et parfois l'ampleur de William Friedkin. L'ensemble est un shaker déroutant avec autant de trouvailles géniales que d'énormités grossières, de clichés qui viennent enrayer la cohésion, l'unité du produit final. Du coup l'ensemble est assez hybride entre la grande réussite et le plantage. On ne peut pas reprocher au cinéaste de tenter des choses, de prendre un point de vue original, pertinent mais sans vouloir trop spoiler, je pense que le scénario manque de virtuose, de simplicité pour faire gagner de la force à l'ensemble des pistes narratives. 

Heureusement c'est formidablement bien interprété, chose qui n'est pas aisé et le cas dont les films d'horreurs. On a pas besoin de présenter Tonie Collette, comme toujours impeccable, mais la direction d'acteur est à l'image de la photographie : excellente. Même si je suis partagé, allez tout de même le voir, surtout si vous aimez le cinéma de Roman Polanski et de William Friedkin, des classiques du genre comme Les innocents de Jack Clayton ou The wicker man de Robin Hardy et des films beaucoup plus dramatiques comme The Ice Storm d'Ang Lee ou le récent Back Home de Joachim Trier (avec le même Gabriel Byrne). Herédité n'est pas le nouvel exorciste vendu par la presse (pour moi c'est The Strangers de Na Hong-Jin de loin devant) mais reste une curiosité qui ne laisse pas indifférent. Une expérience à la fois plaisante et déplaisante, qui mêle l'audace et le déjà vu, le virtuose et la frustration. Cependant le voyage vaut quand même le coup d'oeil car c'est un film unique, et c'est une déja grande qualité. 

Réalisation et scénario : Ari Aster
Durée : 2 h 
Avec : Tonie Collette, Alex Wolff, Gabriel Byrne, Milly Shapiro, Ann Down...

mercredi 6 juin 2018

Perfect Blue




Alors que rien ne m'attire particulièrement dans les salles obscures en ce moment, je continue à mon rythme de rattraper mon retard sur les nombreux films que je n'ai pas vu. Ces derniers jours ce fut le tour de Perfect Blue de Satoshi Kon, un film d'animation japonais de 1997 (sorti en France en 1999). Le film est ressorti dans quelques salles pour ses 20 ans le mois dernier. Une claque dans le genre du pur thriller psychologique. Cinématographiquement impressionnant. 

Les fins connaisseurs du cinéma d'animation japonais (que je ne suis pas) vous raconteront sans aucun doute bien mieux les secrets de tournage et la biographie du réalisateur que moi. Je vais vous parler du film en lui même, sans en dévoiler l'intrigue car ce serait dommage pour ceux qui ne l'ont pas encore vu de connaître la fin.

A l'image de Ghost in the Shell pour la Science-Fiction ou encore Le Tombeau des Lucioles pour le drame émotionnel, on peut dire que Perfect Blue est également une pierre angulaire dans le thriller psychologique. L'animation (ici pour adulte) dépasse la simple limite du dessin classique pour offrir au spectateur des sensations, du trouble, du vertige ou encore un malaise enivrant que l'image live ne peut pas, ou plus difficilement, obtenir. Comme Quentin Tarantino le fera quelques années plus tard dans le premier Kill Bill, l'animation permet de réaliser visuellement l'impossible, de contourner la bienséance, la censure et la moralité. Satoshi Kon joue sur le trouble du rêve associé à celui du cauchemar, de la réalité avec l'illusion jusqu'au dédoublement de personnalité sur un personnage féminin : Mima. Cette dernière est la représentation du Japon, une société à la vitrine souriante et joyeuse et aux coulisses à la pression énorme et complètement étouffée, dirigée par la hiérarchie supérieure et des affaires. 

Cela peut paraître parfois un peu grosses ficelles mais il faut avouer que comme souvent c'est le genre veut cela, comme il en est le cas dans des films incontournables comme Les Frissons de l'angoisse de Dario Argento ou Pulsions de Brian De Palma. Si vous passez ce cap, vous y trouverez un film somptueusement maîtrisé, intelligent et narré. On plonge dans les abîmes psychologiques et du thriller dérangeant comme a pu le faire Powell en son temps avec Le Voyeur ou Amenabar avec TesisPerfect Blue fait l'effet d'un magistral Paul Verhoeven aux Etats-Unis mais sur le Japon : un coup de pied hallucinant dans une fourmilière où l'image et la pression deviennent de plus en plus insoutenable. Le réalisateur gagne en force lorsqu'il distille ses nombreuses trouvailles visuelles (et musicales) dans une intrigue non pas en tiroirs mais plutôt en miroirs. Le film atteint le sommet de son originalité quand il fait passer par le mal être explosif et dramatique de son personnage principal une bouffée d'air, une libération au spectateur japonais de cette époque complexe et oppressante. Cette introspection, troublante et captivante, est pleine de suspense et de sens. Jusqu'à la fin le cinéaste nous transporte dans un tourbillon de fractures émotionnelles, sociales et de sensations pour offrir un spectacle unique, contournant tous les pièges tendus par le genre. Il signe avec Perfect Blue une oeuvre authentique qui m'a clairement fait penser à Black Swan de Darren Aronofsky, la patte de David Cronenberg en moins et la pincée de sel à la Paul Verhoeven, donc, en plus. 

Perfect Blue possède une mise en abyme, un voyeurisme parfois qui met mal à l'aise. Le contraste avec la musique pop entêtante, l'image du téléfilm et les ressorts plus psychologiques et subversifs fait effet sur le spectateur de manière pour le moins virtuose. Sur un format court (1h20) le film est un modèle d'efficacité. Sur un postulat qui pouvait être rapidement un navet comme on peut en voir des masses dans le genre, le réalisateur réussit à signer avec Perfect Blue un film universel, fort et sans concession qui a inspiré et inspirera nombreux cinéastes par la suite. Visuellement j'ai pu lire que Darren Aronofsky s'en est inspiré pour des scènes de Requiem For A Dream mais pour ce qui est du fond et de la forme je dirai qu'on est plus proche d'un concentré du cinéma de Paul Verhoeven et de Brian de Palma de la grand époque. Un grand film qui n'a pas volé son statut de culte à voir impérativement pour les fans du genre, du cinéma d'animation : du Septième Art. 

Réalisation : Satoshi Kon
Scénario : Sadayuki Murai
Durée : 1 h 20 
Avec les voix de : Junko Iwao, Rica Matsumoto, Shinpachi Tsuji...