jeudi 9 octobre 2014

Gone Girl




Réalisation : David Fincher
Scénario : Gillian Flynn tiré de son propre roman.
Durée : 2 h 30
Interprétation : Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris...
Genre : Délicieux Shaker Fincher.

Synopsis :

A l'occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la Police et l'affolement des médias, la suspicion se porte de plus en plus vers Nick qui clame son innocence malgré des secrets de plus en plus enfouit qui éclatent au grand jour.

Un film de David Fincher est bien sûr une attente et un événement de grand cinéma dans les salles obscures qu'il n'est même plus besoin de rappeler depuis des années. Le public d'ailleurs répond pour une fois justement présent. Gone Girl n'échappe pas à la règle, le cinéaste brille une nouvelle fois dans ses talents de directeur d'acteurs, de technicien et ici de conteur d'histoire comme jamais. Si son dernier film n'atteint pas les sommets atteints avec Seven et Zodiac dans le genre, il fustige comme toujours tous les polars concurrents de ces dernières années. Généralement son dernier concurrent est son dernier film.

La dernière fois, on avait quitté le cinéaste sur son adaptation irrégulière mais glauque et prenante de Millenium. Le revoilà avec Gone Girl au sommet de sa virtuosité avec une sobriété et une simplicité au niveau de la mise en scène tel que Social Network. On ressent très visiblement ce qui a attiré le cinéaste dans cette histoire aux allures je l'avoue pas très captivante de téléfilm M6. Soit un mélange très visible de Seven pour l'enquête policière, Zodiac pour la partie des médias et de Millénium dans une troisième partie plus violente et stridente. Si on peut regretter un peu plus de nuances dans ces parties par moments (flics un peu caricaturaux et bêtes pour être ensuite oubliés) Fincher comme à son habitude installe une ambiance avec un montage rythmé, son millimétrisme Hitchockien et Kubrickien des temps modernes et sa musique au cordeau qui nous scotche une nouvelle fois dans notre fauteuil rouge. Le scénario a une histoire bien écrite et qui en a beaucoup à dire. Peut-être même un peu trop par moment au point que les pistes s'en retrouvent parfois un peu vite abrégées. Avec presque un nouveau dénouement toutes les vingts minutes, ponctués de ressorts d'une efficacité une nouvelle fois redoutable nous voilà embarqué dans du thriller très haut de gamme digne des meilleurs Hitchcock, Lumet, Kubrick ou Polanski.

Bien entendu David Fincher n'est pas uniquement un grand technicien perfectionniste. C'est un cinéaste avant toute chose qui n'a plus rien à prouver sauf celui de surprendre une nouvelle fois de film en film par ses talents de conteur. Dans Gone Girl, il dresse une séquence d'introduction absolument merveilleuse. Bien entendu elle n'est pas niaise, elle est aussi belle que vénéneuse et surtout d'une ambiguïté dense et radieuse. L'apothéose du style du cinéaste enchaîne comme une lettre à la Poste la première partie sur l'enquête qui est d'une ambiguïté absolument envoûtante et hallucinante. Le scénario est pour le coup formidablement écrit, ni trop allongé, ni trop court pour laisser les espaces au cinéaste à rendre tout de vraiment suspicieux La deuxième partie annonce un dénouement (que je ne vous révélerai pas) et se relance dans une autre intrigue toute aussi savoureuse. La scénariste auteur du livre original nous embarque dans un des scénarii dans une des directions les plus simples imaginées au début par le spectateur (en tout cas pour moi) de manière plus franche mais qui relance un suspense psychologique pour le moins fascinant. Fincher négocie le passage de genre magistralement une nouvelle fois et nous esquisse sur un rythme parfait un thriller psychologique aussi ambigu que cohérent avec l'introduction du film. Le public est une nouvelle fois brillamment manipulé, comme dans les plus grands thriller du cinéaste.

La troisième partie garde toujours la cohérence des deux premières même si elle vire plus dans la violence, la noirceur que le cinéaste avait brillamment apporté dans Millénium. Le scénario se penche ensuite sur un dénouement un peu brouillon mais pas pour le moins ambigu par un ludisme d'un cynisme flamboyant. Fincher apporte une noirceur, un portrait du mariage et des médias au vitriol absolument dérangeant. On y retrouve un peu des bribes du ton de Zodiac et de Seven. Gone Girl est tissé d'un savoir faire toujours au sommet de son réalisateur, la réussite de la transposition d'un roman en scénario par son auteur et surtout la révélation de deux magnifiques acteurs à différents degrés. Je commencerai par Ben Affleck qui a souvent été critiqué pour son jeu et qui est ici excellent et prouve qu'il à autant sa place en tant qu'acteur que réalisateur à Hollywood. Ensuite on ne peut que saluer et remarquer Rosamund Pike (vu l'an dernier dans le dernier Edgar Wright Le dernier Pub avant la fin du Monde) qui est une véritable révélation et qui fait passer beaucoup du venin, du cynisme au ton de ce délicieux polar au spectateur.

Sans être le meilleur film du cinéaste, Gone Girl est un thriller purement dans le style Fincher dans le fond comme dans la forme et avec son savoir faire dans toute sa splendeur. Soit deux heures et demie de très grand cinéma. Interprétation et mise en scène sans faille une nouvelle fois au rendez vous avec une photographie et une musique plus sobre qu'à l'habitude, Fincher s'assagie dans le style visuel comparé à son précédent film et se focalise sur son montage implacable et son excellent scénario à tiroirs. Comme pour ses meilleurs films (Seven, Zodiac, Social Network) Gone Girl est un film qui ne vieillira pas de sitôt. Ce brillant et délicieux Shaker de son cinéma est loin d'être une arnaque et nous ravit du début à la fin. Je pense notamment que Fincher aurait pu faire au film Effets secondaires un résultat similaire à Gone Girl. Le très bon film de Steven Soderbergh possède un scénario du même retors. Soderbergh n'avait hélas pas le perfectionnisme et le talent du cinéaste de Gone Girl dans le genre et du coup le déloge. Même si le film avec Jude Law et Rooney Mara vaut assurément le coup d'oeil. Une chose que l'on peut également saluer dans ce dernier Fincher, c'est qu'il possède le personnage féminin le plus fouillé et le plus intéressant de sa précédente filmographie.

A défaut de ne pas être son meilleur, car on peut penser à du cousu main avec un peu de recul pour le cinéaste, Gone Girl reste un des meilleurs films de l'année.


Note : 9 / 10

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