mercredi 15 octobre 2014

Mommy



Réalisation et scénario : Xavier Dolan
Durée : 2 h 10
Interprétation : Antoine-Oliver Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément...
Genre : Cassavetes chez les ploucs

Synopsis :

Une veuve mono parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leur emportements et difficultés, ils tentent de joindre les bouts, notamment grâce à l'aide inattendue de l’énigmatique voisine d'en face Kyla. Tous les trois ils retrouvent une forme d'équilibre puis d'espoir.

A la sortie du premier film que je vois signé Xavier Dolan, je ressors avec un sentiment pour le moins partagé, peut-être aussi parce que je ne suis pas vraiment rentré dedans. Même si je ne peux que reconnaître une qualité d'écriture, des portraits psychologiques réussis des personnages ainsi qu'une impressionnante interprétation, pour le reste je me suis retrouvé un peu pris en otage dans un film au final où tout est excessif, où la mise en scène n'est jamais nuancée et dépourvue de toutes subtilités.

Soit on rentre dans le film directement et l'on suit ces trois personnages du début à la fin sur une première lecture guidée de A à Z par le cinéaste qui nous impose toutes les émotions que l'on doit ressentir devant son film avec force, le tout sans donner la peine ni le temps de réfléchir à son public. Soit on reste distant un peu comme mon cas, et on suit Mommy comme une agression, ponctué de situations fortes de manière complètement frontale un peu comme si on avait un couteau sous la gorge qui nous dit -pleure ici, rigole là, soit ému par ce que je raconte bordel ! Hormis ce hold-up qui m'a refroidit, je n'ai pas trouvé de style ou de regard d'un d'auteur dans ce film ce qui est un comble pour celui qu'on appelle « jeune prodige canadien ». Effectivement je dirais plutôt qu'il manque derrière tout ça un cinéaste qui densifie, tonifie son trio de personnage pour le rendre subtil ample et beaucoup moins calculé. Cela donne plus une relecture des films de John Cassavetes où l'on ne perçoit que des intentions dans le fond et sans vraiment de développement. Si les acteurs font passer bien des couleuvres, le mauvais goût fait tache assez souvent dans un film souvent fade niveau mise en scène.

Les émotions sont donc extrêmement frontales et entièrement portées par des acteurs qui en font des tonnes mais qui sont excellents et portent le film par leur justesse. Le gros problème vient de cette prise d'otage où le cinéaste nous dit vraiment les émotions que l'on doit ressentir. Purement anecdotique comme une émission populaire, elles viennent de manière forcée sur vous de manière jamais subtile, un comme des panneaux « riez, pleurez ou applaudissez ». Rien est viscéral, jamais la réflexion ni l'imaginaire n'est sollicité dans Mommy si ce n'est le dernier plan. Ce qui est plutôt navrant car même pas mal de film Hollywoodien ne sont pas si malhonnête avec son spectateur intellectuellement parlant. Pour le positif du film, car il y en a, le filon général sur la relation de la mère et de son fils tient relativement la route du début à la fin. Dolan a un donc un bon script, il sait de quoi il parle (apparemment ses précédents films sont un peu sur les mêmes thèmes) mais pour ce qui est du reste au niveau de sa mise en scène c'est vraiment fade et trop souvent de mauvais goût. Sans saveurs et de ton au point que dans la forme j'ai parfois eu l'impression de regarder un film de Cassavetes et de Ken Loach avec des moments réalisés par un Almodovar au bord du gouffre artistique, destinés pour les beaufs avec son côté purement anecdotique, pré-mâché, vulgaire, appuyés et assez guindés. Le tout avec des zestes de cinéma pour hypster dût à des intentions et de goûts musicaux fades et clairement anecdotiques. La photographie est là aussi anecdotique pour son format. Si elle est justifiable ce détail technique ne fait pas vraiment subtil car le film n'a rien autour pour l'accompagner. Quant aux couleurs on dirait souvent une pub Tropicana de deux heures, mélange clinique sans vraiment de personnalité entre du Araki et du Almodovar, sans jus d'orange dans le frigo en plus.

Dolan serait un peu une sorte de Lee Daniels (MTV oblige) du cinéma indépendant. Comme pour le réalisateur de Precious, avec un sujet fort et facilement touchant il emballe et aveugle grossièrement le public avec force à l'aide d'une interprétation soufflante et impressionnante qui rappelle l'actors studio. Mais tout le long l'impression vite de brasser de l'air avec des sentiments au final politiquement correct avec un sujet aussi grave. L'anecdote ressort en permanence, on voit toutes les ficelles de son film. Si Dolan n'entre pas dans la caricature du film d'auteur, quoique c'est parfois c'est tellement peu nuancé qu'on y flirte avec, mais la superficialité prend le dessus de manière globale. Le film peut toucher par son sujet, la grande maîtrise de ses scènes d'émotions et surtout l'interprétation explosive des acteurs. Mommy est un film grandiloquent et heureusement pas tire larme ni lacrymal, mais handicapé d'un regard franc, sensible et honnête de la part de son auteur. Si c'est bien écrit, le cinéaste est hélas plus un styliste de prêt à porter qu'un véritable auteur cinématographique. Heureusement que son anecdote fonctionne, le trio est suffisamment en avant et bluffant dans leur démonstration pour faire passer un catalogue d'effets stylistiques de ralentis, flous, mouvements de caméra démonstratifs et des choix musicaux vraiment passe partout, insipides. Le show des acteurs est à 90% de la réussite du film et meuble un scénario de quelques lignes sur les deux heures, qui aurait pu largement tenir en une et demie.

Je suis désolé pour tout ceux qui ont aimés et aimeront ce film, il y en aura car la forme du cinéma de Cassavetes n'est pas au goût du jour et paraît réactualisé ici avec du punch et virtuose, et le sujet du film en fera pleurer plus d'un mais avec du recul il est d'un auteurisme particulièrement vain et plus anecdotique que sincère, un peu comme pour 12 years a slave de Steve McQueen II. Cela bien sûr ne leur empêchera pas d'avoir des récompenses, bien au contraire car ils sont destinés presque à la base pour cela. Cependant contrairement au film oscarisé, je ne trouve pas que Mommy soit mauvais et vide dans le fond ni très prétentieux par son écriture. Seulement dans la forme on reste dans l'anecdote pure assez malhonnête pour cacher une vacuité certaine, car Mommy se repose sur ses grands acteurs mais au final pas vraiment d'ampleur cinématographique.


Note : 5 / 10

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