Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : John Logan
d'après l'oeuvre de Brian Selznick
Durée : 2 h 05
Interprétation : Asa Butterfield,
Sacha Baron Cohen, Ben Kingsley, Chloe Grace Moretz...
Genre : Enchanteur
Synopsis :
Dans le Paris des années 30, Hugo est
un orphelin de douze ans qui vit dans une gare. Son passé est un
mystère, son destin une énigme. De son père il ne lui reste qu'un
étrange automate dont il cherche la clé, en forme de cœur, qui
pourrait le faire fonctionner. En rencontrant Isabelle, il a
peut-être retrouvé la clé, mais ce n'est que le début de
l'aventure.
Comme pour beaucoup de monde, l'annonce
que le prochain film de Martin Scorsese serait un film destinés pour
les enfants m'avait sur le coup assez déstabilisé et troublé.
Quand j'ai su qu'Hugo Cabret n'était pas une commande et destiné en
grande partie pour la petite fille du cinéaste (oui il a le luxe de
pouvoir faire ça Marty), j'étais rassuré. De toute manière même
en commande le cinéaste s'en tire toujours pour rendre un produit
intéressant et bien fait ( La couleur de l'argent, Les nerfs à
vifs ou encore Aviator). Lors des multiples visionnages d'Hugo Cabret
j'ai été transporté, hypnotisé et envoûté dans un fabuleux
voyage magique et cinématographique oscillant entre le fantastique
et l'hommage aux origines du cinéma. Le tout avec une magnifique 3D,
Hugo Cabret est un film merveilleux dans tous les sens du terme de et
sur le cinéma. Il est réalisé par le plus grand et talentueux des
cinéphiles contemporains qui signe une déclaration d'amour au
septième art sur tous les plans. Sa passion pour le cinéma a été
communicative pour ma part dans ce grand film destinés à tous les publics.
L'intrigue est celle d'un conte moderne
initiatique classique. Un genre d'Oliver Twist dans lequel se glisse un peu de merveilleux et de féerie mais gardant un peu de noirceur. Le
cinéaste conte avec amour et finesse un scénario respectueux et
minutieux, comme une horloge avec le temps, sur l'ensemble des thèmes
qu'il aborde. L'écriture et la mise en scène, toutes les deux sobres
et précises, sont complémentaires l'une de l'autre comme dans les
chefs d'œuvres. On y trouve une grande panoplie de thèmes aussi
nouveaux qu'anciens pour le cinéaste. Tout est aussi léger que
dense, aussi intense que sensible, porté par une grande beauté
visuelle. Le cinéaste greffe son style avec une tendresse et une
délicatesse qui lui est assez inédite à un scénario très bien écrit. Tout en
fluidité, intelligence, force de l'image, du montage, le cinéaste utilise la 3D avec une
grande aisance. Cette dernière n'est pas utilisée comme un
gadget, elle accompagne l'esthétique ainsi que l'action et le vocabulaire du film comme
jamais il n'a été fait jusqu'à maintenant. Mieux encore que celle pourtant
réussite de Steven Spielberg de Tintin. Quand ce sont des grands cinéastes
la technique de la 3D est tout de suite plus saisissante et celle de
Scorsese est certainement la mieux exploitée de toute. Tout le travail du cinéaste est une nouvelle fois sobre, surprenant et comme toujours au service de
l'histoire et du spectacle. Un parfait équilibre technique qui laisse
l'imaginaire et la féerie prendre quand même le dessus. Rien dans le cinéma
de Scorsese n'est démonstratif et ici non plus même si le film est
soufflant de technique. Le scénario est une enquête initiatique assez étirée qui prend le temps d'avancer. Cela
peut ennuyer les fans de films d'actions purs et durs, les autres
seront conquis par ce que nous tisse le cinéaste des Infiltrés.
Hugo Cabret est un conte simple
destinés aux enfants mais aussi aux grands. Ce serait mal connaître
le cinéaste de penser qu'il n'y glisse pas des thèmes bien moins
enfantins. Il dépeint à travers cette histoire une multitude de
petites scénettes rendant hommage au cinéma muet et plus moderne.
Tout est brillant, à commencer par un humour beaucoup plus classique
mais tout aussi bien placé que dans ses autres films. L'émotion et
l'action fonctionnent ainsi que les nombreux flash-backs car Scorsese
a su rendre une atmosphère où l'on se sent bien et entièrement
transporté. Avec un scénario si classique le film aurait pu être
un vieux mélo poussiéreux si le cinéaste n'avait pas autant de
talent et de sincérité dans sa démarche. Comme toujours la
technique, le montage et la musique s'accordent parfaitement et nous
avons droit a un casting de premier choix. Ben Kingsley et
Christopher Lee apportent la sagesse au film face au duo attachant
Butterfield et Moretz. On notera un Sacha Baron Cohen un peu comme
Martin Scorsese dans un tout autre registre mais surprenant et
brillant. Jude Law et Ray Winstone refont un petit tour devant la
caméra du cinéaste pour appuyer des seconds rôles forts et qui
restent dans la rétine du spectateur.
Scorsese fait du Georges Méliés et prouve qu'il peut faire rêver lui aussi. Il se glisse également dans la peau d'Hugo et c'est communicatif. Le film commence d'ailleurs par un
grand plan séquence qui se termine sur les yeux à travers une
horloge du jeune Hugo. On rentre directement dans le point de vue, le
monde et l'univers d'Hugo. Alliant la technique et l'audace, c'est
d'une virtuosité rare que seul Scorsese peut signer de nos jours et
réussir. Hugo Cabret est un peu un film à la Tim Burton filmé par
le plus grand réalisateur contemporain et un des plus grands du cinéma. Il prouve une nouvelle
fois qu'il est doué dans tous les genres et domaines par son
cinéma si passionné et passionnant, loin des niaiseries et capable de créer un véritable univers. Si c'est terre à terre, le film
n'oublie pas de nous faire rêver, profitant de l'hommage à Méliés
pour faire une mise en abîme du septième art pour nous faire rêver.
Si la forme et le contenu sont plus éloignés des films qui font la renommée du cinéaste, il en reste comme dans chacune de ses œuvres les plus
réussies une toute aussi fascinante plongée dans un
univers traité avec une même maestria. On retrouve un cinéaste qui
ne se répète pas et qui innove tout en restant en avance sur son
temps. Comme pour Shutter Island le style du cinéaste allie le
moderne et l'ancien, entre l'hommage respectueux et celui
plus visionnaire. Comme du Billy Wilder, Scorsese signe des films intemporels et Hugo Cabret suit
cette magnifique démarche. C'est une nouvelle fois du très grand
Scorsese même si c'est un film à part dans sa filmographie comme A
tombeau Ouvert, La valse des pantins ou Le temps de l'innocence. Ces
derniers films sont hélas mineurs et sous estimés et sont tout aussi
bons que ses plus grands films comme Raging Bull, Les affranchis ou Casino.
Hugo Cabret a profité de la notoriété et de la maturité actuelle
du cinéaste pour être plus reconnu et n'a pas volé ses nominations. Ce petit chef d'oeuvre aurait mérité d'avoir eu l'oscar du meilleur film devant The Artist. Il sera quand même considéré à tort comme un film mineur du cinéaste alors que c'est pourtant dans le genre ce
qu'il se fait de mieux. C'est un spectacle enchanteur comme on en voit quasiment jamais, un film a très grand budget
qui se paye en plus le luxe de rendre la monnaie de la pièce sur le
travail de Georges Méliés qui en réalité a un destin bien plus
tragique que dans le film. Cette parenthèse scorsesienne est à ne
pas rater pour tous les passionnés de cinéma. C'est le plus beau
film de l'année 2011 ainsi qu'un des meilleurs films sur le cinéma. Plus réussi que des films sympathiques comme Panic sur Florida Beach de Joe Dante en tant qu'hommage au cinéma. Les
plus réfractaires aux films pour enfants, pour la 3D c'est un exemple à suivre, c'est le must. Pour ma part c'est un des meilleurs films pour la jeunesse de tous les temps ainsi qu'un des
dix meilleurs films de la grande filmographie du cinéaste.
Note : 10 / 10
La dévédéthèque parfaite :
Ed Wood de Tim Burton, Ratatouille de Brad Bird.