Réalisation : Tim Burton
Scénario : Scott Alexander et Larry
Karaszewski
Durée : 1 h 40
Interprétation : Christoph Waltz, Amy
Adams, Jason Schwartzman, Terence Stamp...
Genre : Tisane de Tim
Synopsis :
A la fin des années 50 et au début
des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal
et à révolutionné le commerce de l'art grâce à ses énigmatiques
tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La
surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces
toiles n'avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme,
Margaret.
Tim Burton revient enfin avec les deux
scénaristes d'Ed Wood et toujours Danny Elfman à la musique. Sans
être un chef-d'œuvre ce dernier Tim Burton est certainement un de
ses meilleurs. L'univers du cinéaste est peut-être moins marqué visuellement
mais on y retrouve ses thèmes et son grand savoir faire. Ici producteur Burton signe une réalisation classique entre vieille école et style bien personnel, il est virtuose. En tête d'affiche Amy Adams est parfaite
et ajoute une touche dramatique réussie face à un Christoph Waltz
monstrueux dans tous les sens du terme.
C'est un changement qui fait du bien au
cinéma de Tim Burton. D'abord c'est un tout petit budget, incroyablement tenu. Reconstitution soignée avec une esthétique
très colorée proche de Big Fish et une écriture fine proche d'Ed
Wood. C'est à dire que sans profondeurs et talents ce ne serait qu'un
téléfilm de l'après midi. Ajouté à cela un casting impeccable et
savoureux. Danny Elfman ne répète pas les mêmes thèmes que depuis
quelques années, il compose une bande originale soignée et qui
colle bien au film. On retrouve bien sûr une bande rock bien réussie. Tim Burton se penche sur les années 50 et 60 sur
un ton de comédie qui serait proche des frères Coen (Le grand Saut)
dans une peinture brillante du monde de l'art, de la mode et de la
société. Ce ton est émaillé d'une partie plus dramatique très
réussie sur la condition de la femme dans la société mais
également dans le domaine de l'art. Tim Burton ajoute même un peu
d'horreur et une petite pincée de fantastique tous les deux bienvenus,
rendant l'ensemble de sa toile bien plus sérieux qu'il n'y paraît.
Un an après The Best Offer de Giuseppe
Tornatore, Big Eyes s'impose un peu dans la même veine : le
thriller, le drame sentimental et arnaqueur dans le domaine l'art.
Chez Tim Burton la comédie prend souvent le dessus pour mieux faire
ressortir le drame et l'horreur de sa peinture. C'est fait avec
maestria et avec l'aide d'une incroyable composition de Christoph Waltz. Contrairement aux films de Tarantino il n'est pas le seul à meubler, il est drôle, effrayant et pathétique à la fois,
digne d'un des plus grands ploucs détestables du cinéma. Amy Adams apporte de
son côté la sensibilité, le drame, la frustration adéquate et
permet de dresser un tableau réussit de la condition sociale de la
femme durant ces années. Seulement il serait bien dommage de s'en
arrêter là car les scénaristes de Man on The Moon sont bien plus
intelligents et subtils que ça. Tim Burton capte avec autant de
force que de subtilité cette peinture aux allures simples mais intensément riche
et profonde pour en faire une formidable mise en abîme sur le monde
artistique. On remplace facilement la place de femme par celle du
réalisateur et celle de l'homme par le producteur : le
falsificateur. C'est tout simplement jouissif.
J'ai pris beaucoup de plaisir à
savourer ce film au final très personnel. Le grand savoir faire de
Burton oscille entre le cinéma de Billy Wilder et des frères Coen
le tout avec des délicieuses pointes de son style. Le scénario et
les dialogues sont très bons et il faut avouer que les acteurs
insufflent l'énergie des différents ressorts et messages avec brio.
Le montage est d'une grande minutie également. On retrouve la patte
du cinéaste qui ne trompe pas dès le générique mais beaucoup
plus Old School que d'habitude, comme l'ensemble de son film. Bruno
Delbonnel à la photographie réussit son meilleur travail depuis Amélie
Poulain. D'ailleurs Big Eyes est le film du cinéaste qui vieillira
le moins avec Ed Wood. Avant de signer son premier succès au cinéma
avec Beetlejuice, Tim Burton était d'ailleurs sur le film After
Hours, une comédie simple et sobre que finalement Martin Scorsese a
réalisé. Peut-être si le cinéaste avait réalisé After Hours on
aurait un autre a priori sur son cinéma, un cinéma qui ne serait pas composé
que de fantastique.
Tim Burton n'est pas qu'un cinéaste
imaginaire qui tente des effets spéciaux séduisants, c'est un grand
cinéaste tout simplement capable de faire des grands films. Il n'y a qu'a voir Big Eyes qui est d'une
maîtrise absolue, sans baisse de rythme et d'une profondeur particulièrement réjouissante. Tout en restant très distrayant, le cinéaste reste quand même très
amer, critique et fait une peinture au vitriol de l'art en général.
Finalement c'est un concentré sobre du meilleur du cinéma de Tim
Burton au diapason. Depuis Sleepy Hollow ou encore Charlie et La Chocolaterie
pour avoir réussit à collé l'univers de Roald Dahl au sien, je
n'avais pas retrouvé le cinéaste si novateur et enchanteur de ses meilleurs
films. Me voilà enfin servi avec Big Eyes même si la forme est très vieille école. Dommage que le film n'a pas vraiment marché aux
États-Unis, espérons qu'en France ce sera mieux, il le mérite
amplement. Ce film agit sur nous comme une bonne tisane de grand mère, il détoxe et fait digérer ses derniers films. Un grand film de Tim Burton à ne pas rater.
Note : 8,5 / 10
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