mardi 17 mars 2015

Big Eyes



Réalisation : Tim Burton
Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
Durée : 1 h 40
Interprétation : Christoph Waltz, Amy Adams, Jason Schwartzman, Terence Stamp...
Genre : Tisane de Tim

Synopsis :

A la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et à révolutionné le commerce de l'art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n'avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret.

Tim Burton revient enfin avec les deux scénaristes d'Ed Wood et toujours Danny Elfman à la musique. Sans être un chef-d'œuvre ce dernier Tim Burton est certainement un de ses meilleurs. L'univers du cinéaste est peut-être moins marqué visuellement mais on y retrouve ses thèmes et son grand savoir faire. Ici producteur Burton signe une réalisation classique entre vieille école et style bien personnel, il est virtuose. En tête d'affiche Amy Adams est parfaite et ajoute une touche dramatique réussie face à un Christoph Waltz monstrueux dans tous les sens du terme.

C'est un changement qui fait du bien au cinéma de Tim Burton. D'abord c'est un tout petit budget, incroyablement tenu. Reconstitution soignée avec une esthétique très colorée proche de Big Fish et une écriture fine proche d'Ed Wood. C'est à dire que sans profondeurs et talents ce ne serait qu'un téléfilm de l'après midi. Ajouté à cela un casting impeccable et savoureux. Danny Elfman ne répète pas les mêmes thèmes que depuis quelques années, il compose une bande originale soignée et qui colle bien au film. On retrouve bien sûr une bande rock bien réussie. Tim Burton se penche sur les années 50 et 60 sur un ton de comédie qui serait proche des frères Coen (Le grand Saut) dans une peinture brillante du monde de l'art, de la mode et de la société. Ce ton est émaillé d'une partie plus dramatique très réussie sur la condition de la femme dans la société mais également dans le domaine de l'art. Tim Burton ajoute même un peu d'horreur et une petite pincée de fantastique tous les deux bienvenus, rendant l'ensemble de sa toile bien plus sérieux qu'il n'y paraît.

Un an après The Best Offer de Giuseppe Tornatore, Big Eyes s'impose un peu dans la même veine : le thriller, le drame sentimental et arnaqueur dans le domaine l'art. Chez Tim Burton la comédie prend souvent le dessus pour mieux faire ressortir le drame et l'horreur de sa peinture. C'est fait avec maestria et avec l'aide d'une incroyable composition de Christoph Waltz. Contrairement aux films de Tarantino il n'est pas le seul à meubler, il est drôle, effrayant et pathétique à la fois, digne d'un des plus grands ploucs détestables du cinéma. Amy Adams apporte de son côté la sensibilité, le drame, la frustration adéquate et permet de dresser un tableau réussit de la condition sociale de la femme durant ces années. Seulement il serait bien dommage de s'en arrêter là car les scénaristes de Man on The Moon sont bien plus intelligents et subtils que ça. Tim Burton capte avec autant de force que de subtilité cette peinture aux allures simples mais intensément riche et profonde pour en faire une formidable mise en abîme sur le monde artistique. On remplace facilement la place de femme par celle du réalisateur et celle de l'homme par le producteur : le falsificateur. C'est tout simplement jouissif.

J'ai pris beaucoup de plaisir à savourer ce film au final très personnel. Le grand savoir faire de Burton oscille entre le cinéma de Billy Wilder et des frères Coen le tout avec des délicieuses pointes de son style. Le scénario et les dialogues sont très bons et il faut avouer que les acteurs insufflent l'énergie des différents ressorts et messages avec brio. Le montage est d'une grande minutie également. On retrouve la patte du cinéaste qui ne trompe pas dès le générique mais beaucoup plus Old School que d'habitude, comme l'ensemble de son film. Bruno Delbonnel à la photographie réussit son meilleur travail depuis Amélie Poulain. D'ailleurs Big Eyes est le film du cinéaste qui vieillira le moins avec Ed Wood. Avant de signer son premier succès au cinéma avec Beetlejuice, Tim Burton était d'ailleurs sur le film After Hours, une comédie simple et sobre que finalement Martin Scorsese a réalisé. Peut-être si le cinéaste avait réalisé After Hours on aurait un autre a priori sur son cinéma, un cinéma qui ne serait pas composé que de fantastique. 

Tim Burton n'est pas qu'un cinéaste imaginaire qui tente des effets spéciaux séduisants, c'est un grand cinéaste tout simplement capable de faire des grands films. Il n'y a qu'a voir Big Eyes qui est d'une maîtrise absolue, sans baisse de rythme et d'une profondeur particulièrement réjouissante. Tout en restant très distrayant, le cinéaste reste quand même très amer, critique et fait une peinture au vitriol de l'art en général. Finalement c'est un concentré sobre du meilleur du cinéma de Tim Burton au diapason. Depuis Sleepy Hollow ou encore Charlie et La Chocolaterie pour avoir réussit à collé l'univers de Roald Dahl au sien, je n'avais pas retrouvé le cinéaste si novateur et enchanteur de ses meilleurs films. Me voilà enfin servi avec Big Eyes même si la forme est très vieille école. Dommage que le film n'a pas vraiment marché aux États-Unis, espérons qu'en France ce sera mieux, il le mérite amplement. Ce film agit sur nous comme une bonne tisane de grand mère, il détoxe et fait digérer ses derniers films. Un grand film de Tim Burton à ne pas rater. 



Note : 8,5 / 10

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