dimanche 8 mars 2015

La Maison du diable ( The Haunting )



Réalisation : Robert Wise
Scénario : Nelson Gidding
D'après le roman de Shirley Jackson
Durée : 1 h 50
Interprétation : Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn...
Genre : Angoisse totale

Synopsis

Le Dr Markway qui effectue des recherches dans le domaine de la parapsychologie, tente une expérience de perception extrasensorielle avec un groupe de personnes réunies dans Hill House, un manoir réputé hanté. Des bruits insolites terrorisent les habitants de la demeure...

Robert Wise signe avec La maison du diable une pièce maîtresse du genre et par la même occasion un véritable chef d'œuvre du cinéma. A contrario de la plupart des films du film d'horreur, toute la force du film est dans la suggestion. L'horreur vient avec subtilité, ambiguïté et avec crescendo. Cette dernière est d'une diablerie tour à tour déstabilisante, perturbante pour devenir effrayante pour le spectateur. Un chef d'œuvre d'ingéniosité et de terreur qui reste dans les mémoires du spectateur.

J'avoue que la plupart des films qui me font le plus peur sont ceux qui prennent le chemin de la suggestion. J'ai été particulièrement servi ici tant le film de Robert Wise est écrit et fondé exclusivement là dessus. Par où commencer ? Il y a tellement de choses à dire mais aussi pas grand chose car c'est une expérience à vivre. On se retrouve un peu dans un univers à la Agatha Christie avec deux hommes et deux femmes dans une maison soi dite hantée par l'entourage et son passé. Tous les personnages ont des psychologies et des personnalités différentes avec des portraits ambigus et passionnants. On y trouve des longues séquences de dialogues extrêmement bien écrites qui peuvent paraître pour des longueurs pour ceux qui s'attendent à un film d'horreur classique. Au contraire, ces « longueurs » et tous ces portraits, ces détails dépeints par petites touches permettent d'instaurer avec génie l'horreur et l'ambiguïté qui va suivre. L'écriture rend lentement nos repères de plus en plus incertains jusqu'à les faire rompre à la fin, tout comme nos nerfs. Le scénario est à l'image de la maison : à l'architecture tordue et déstabilisante, on peut s'y perdre juste après regarder un plan. La peur est amenée de manière tellement subtile et crédible que l'horreur de base se créée à partir de l'environnement simple, du quotidien complètement remis en cause. 

Les trois premiers quart d'heure du film plantent le décors de manière incroyable. La mise en scène du cinéaste crée comme rarement une angoisse montante rien que dans les dialogues et les pistes que le scénario nous offre. De plus que l'on se pose toujours sur le pourquoi du comment des choses tant tout reste et restera aussi expliqué que totalement abstrait. Tout d'abord, l'introduction dépeint avec une grande rigueur et modernité l'Histoire de cette maison, qui est l’héroïne du film. Ensuite c'est la psychologie et l'hypothèse de la folie qui prend part avec le personnage d'Éléonore. Cela fait penser un peu à Psychose d'Hitchcock mêlé à un autre classique, Les Innocents de Jack Clayton. Le côté schizophrénique de ce personnage féminin ajoute un doute sur l'ensemble de la lecture du film d'ailleurs. On retrouve du coup la force de la trilogie de l'appartement de Roman Polanski parfois même la terreur des films de Cronenberg et de Lynch. Le doute s'installe d'autant plus ensuite chez le spectateur sur le pourquoi du comment de l'expérience qui ne sont pas vraiment développés et expliqués. Les effets parapsychologiques sont développés eux aussi par dessus tout ça de manière également assez intrigante et douteuse. Les barrières, les repères de l'intrigue classique sont tous tombés pour perdre et mettre le spectateur dans la plus profonde des confusions. La note de fantastique est donc lancée mais pas à l'écran. Elle est juste imprégnée dans notre inconscient. Le fantastique et la terreur n'est pas matérialisée, elle est pour nous comme celle des personnages : dans notre tête. Ce qui commençait comme un policier paranormal glisse lentement vers la terreur psychologique intense et la paranoïa de plus en plus fiévreuse. Tout est progressivement tourné dans la suggestion, avec des effets surnaturels, exactement comme le schéma de la paranoïa. Toute la tension et les clés de la terreur grimpent avec un léger crescendo de plus en plus bouillonnant avec des effets visuels très subtils qui titillent directement notre paranoïa. Des détails tout simple comme une porte qui claque, des bruits à l'extérieur, une poignée qui bouge ou des coups de vents autour des statues rendent des scènes d'horreurs absolues. L'écriture est d'une intelligence et d'une force époustouflante toujours de nos jours étant donné que c'est notre peur primale qui est touchée ici à vif.

Je n'irai pas fouiller plus loin au niveau du scénario car il est d'une richesse et d'une ingéniosité magistrale. Un exemple pour tous les scénaristes. Pour la forme, la mise en scène de Robert Wise est d'une modernité et d'une maîtrise technique incroyable elle aussi. Un montage à la fois fluide et efficace nous plonge rapidement dans l'atmosphère. Tous les plans sont savamment composés pour rendre la terreur intrigante et de plus en plus grande. L'image est en plus d'un sublime noir et blanc, le meilleur d'un produit de la Hammer. Le cinéaste réussit avec l'aide d'effets spéciaux très légers, un travail du son exemplaire et un montage d'une finesse absolue à créer une vraie leçon de cinéma. C'est d'une économie de moyen au service de la plus grande terreur qu'il soit. Intelligence des mouvements de caméra, utilisation de la superbe musique d'Humphrey Searle avec parcimonie et surtout un travail sur le hors champs extraordinaire. On remarquera une direction d'acteur également en concordance avec l'ambiguïté du scénario d'une habileté déstabilisante elle aussi. Le cinéaste joue avec virtuosité avec les nerfs du spectateur, il ne donnera que très peu de clés tout le long du film ainsi qu'à la toute fin. Même si le film a un dénouement, tragique forcément, toutes les interprétations restent possibles. 

Je n'ai pas lu le livre original mais je me permet de le rapprocher avec un autre que j'ai lu : La maison des damnés de Richard Matheson. Alors que Matheson avait voulu faire le scénario de l'adaptation de son livre à l'écran, cela avait rendu à un film plat et loupé. D'autant que le metteur en scène n'était pas un David Cronenberg hélas, le résultat est un téléfilm nul et vieillot. Ici Robert Wise a une base qui a le même potentiel que le bouquin de Matheson et a reprit son scénariste de la Hammer, Nelson Gidding pour adapter le livre de Shirley Jackson. Résultat c'est diablement mieux quand un scénariste se penche sur l'horreur et cela fait toute la différence. Je pense encore au film Les Innocents de Jack Clayton en comparaison qui est un bon film dans le genre, mais le fait que ce soit Truman Capote lui même au scénario empêche de rendre le produit aussi bon cinématographiquement que La maison du diable. Quand les auteurs de livre se frottent au cinéma et au scénario, généralement le résultat est beaucoup plus (et trop) écrit que cinématographiquement palpitant. La maison du diable a donc cette grande force d'être écrit par deux personnes venant du cinéma et qui assemblent le meilleur de leur savoir faire avec la création, l'innovation d'une forme de terreur rarement égalée. L'essence principale est due a une économie de moyen spectaculaire et à l'écriture à tous les étages impressionnante. Le résultat est d'une angoisse et d'une ambiguïté absolue faisant La maison du diable un des films les plus flippant que j'ai eu l'occasion de voir mais aussi un des plus grands. Avec le recul, il n'a pas fini de trotter dans ma tête. Une leçon de cinéma et d'audace terrifiante qui a choqué toute une génération de cinéphile (Martin Scorsese le considère comme le plus effrayant) et qui continuera bien longtemps à faire son effet.  

Note : 10 / 10

La dévédéthèque parfaite :

Répulsion, Rosemary's Baby, Le locataire de Roman Polanski, M Le Maudit de Fritz lang, Les innocents de Jack Clayton et L'exorciste de William Friedkin.  

1 commentaire:

Anonyme a dit…

salut. On Ressent bien L'atmOsphère de ce Fantastique Film ;-) bel article