Réalisation : Robert Wise
Scénario : Nelson Gidding
D'après le roman de Shirley Jackson
Durée : 1 h 50
Interprétation : Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn...
Genre : Angoisse totale
Synopsis :
Le Dr Markway qui effectue des recherches dans le domaine de la parapsychologie, tente une expérience de perception extrasensorielle avec un groupe de personnes réunies dans Hill House, un manoir réputé hanté. Des bruits insolites terrorisent les habitants de la demeure...
Robert Wise signe avec La maison du
diable une pièce maîtresse du genre et par la même occasion un
véritable chef d'œuvre du cinéma. A contrario de la plupart des
films du film d'horreur, toute la force du film est dans la
suggestion. L'horreur vient avec subtilité, ambiguïté et avec crescendo. Cette dernière est d'une diablerie tour à tour déstabilisante,
perturbante pour devenir effrayante pour le spectateur. Un chef
d'œuvre d'ingéniosité et de terreur qui reste dans les mémoires
du spectateur.
J'avoue que la plupart des films qui me
font le plus peur sont ceux qui prennent le chemin de la suggestion.
J'ai été particulièrement servi ici tant le film de Robert Wise
est écrit et fondé exclusivement là dessus. Par où commencer ? Il
y a tellement de choses à dire mais aussi pas grand chose car
c'est une expérience à vivre. On se retrouve un peu dans un univers
à la Agatha Christie avec deux hommes et deux femmes dans une maison
soi dite hantée par l'entourage et son passé. Tous les personnages
ont des psychologies et des personnalités différentes avec des
portraits ambigus et passionnants. On y trouve des longues
séquences de dialogues extrêmement bien écrites qui peuvent
paraître pour des longueurs pour ceux qui s'attendent à un film
d'horreur classique. Au contraire, ces « longueurs » et
tous ces portraits, ces détails dépeints par petites touches permettent d'instaurer
avec génie l'horreur et l'ambiguïté qui va suivre.
L'écriture rend lentement nos repères de plus en plus incertains
jusqu'à les faire rompre à la fin, tout comme nos nerfs. Le
scénario est à l'image de la maison : à l'architecture tordue et
déstabilisante, on peut s'y perdre juste après regarder un plan. La
peur est amenée de manière tellement subtile et crédible que
l'horreur de base se créée à partir de l'environnement simple, du
quotidien complètement remis en cause.
Les trois premiers quart d'heure du
film plantent le décors de manière incroyable. La mise en
scène du cinéaste crée comme rarement une angoisse montante rien
que dans les dialogues et les pistes que le scénario nous offre. De plus que l'on se pose toujours sur le
pourquoi du comment des choses tant tout reste et restera aussi expliqué que totalement abstrait. Tout d'abord, l'introduction dépeint
avec une grande rigueur et modernité l'Histoire de cette maison, qui
est l’héroïne du film. Ensuite c'est la psychologie et l'hypothèse
de la folie qui prend part avec le personnage d'Éléonore. Cela fait penser un peu à Psychose d'Hitchcock mêlé
à un autre classique, Les Innocents de Jack Clayton. Le côté
schizophrénique de ce personnage féminin ajoute un doute sur
l'ensemble de la lecture du film d'ailleurs. On retrouve du coup la
force de la trilogie de l'appartement de Roman Polanski parfois même la terreur des films de Cronenberg et de Lynch. Le doute
s'installe d'autant plus ensuite chez le spectateur sur le pourquoi
du comment de l'expérience qui ne sont pas vraiment développés et expliqués. Les
effets parapsychologiques sont développés eux aussi par dessus tout ça de
manière également assez intrigante et douteuse. Les barrières, les repères de l'intrigue classique sont tous tombés pour perdre et mettre le spectateur dans la plus profonde des confusions. La note
de fantastique est donc lancée mais pas à l'écran. Elle est juste imprégnée dans notre inconscient. Le fantastique et la terreur n'est pas
matérialisée, elle est pour nous comme celle des personnages : dans
notre tête. Ce qui commençait comme un policier paranormal glisse
lentement vers la terreur psychologique intense et la paranoïa de plus en plus
fiévreuse. Tout est progressivement tourné dans la suggestion, avec
des effets surnaturels, exactement comme le schéma de la paranoïa. Toute la tension et les clés de la terreur grimpent avec un léger crescendo de plus en plus bouillonnant avec des effets visuels très subtils qui titillent directement notre paranoïa. Des détails tout simple comme une porte qui claque, des bruits à
l'extérieur, une poignée qui bouge ou des coups de vents autour des
statues rendent des scènes d'horreurs absolues. L'écriture est d'une
intelligence et d'une force époustouflante toujours de nos jours étant
donné que c'est notre peur primale qui est touchée ici à vif.
Je n'irai pas fouiller plus loin au
niveau du scénario car il est d'une richesse et d'une
ingéniosité magistrale. Un exemple pour tous les scénaristes. Pour la forme, la mise en scène de Robert Wise est d'une modernité
et d'une maîtrise technique incroyable elle aussi. Un montage à la
fois fluide et efficace nous plonge rapidement dans l'atmosphère.
Tous les plans sont savamment composés pour rendre la terreur intrigante et de plus en plus grande. L'image est en plus d'un sublime noir
et blanc, le meilleur d'un produit de la Hammer. Le cinéaste réussit avec
l'aide d'effets spéciaux très légers, un travail du son exemplaire
et un montage d'une finesse absolue à créer une vraie leçon de
cinéma. C'est d'une économie de moyen au service de la plus grande
terreur qu'il soit. Intelligence des mouvements de caméra, utilisation de la superbe musique d'Humphrey Searle avec parcimonie et surtout un
travail sur le hors champs extraordinaire. On remarquera une
direction d'acteur également en concordance avec l'ambiguïté du
scénario d'une habileté déstabilisante elle aussi. Le
cinéaste joue avec virtuosité avec les nerfs du spectateur, il ne
donnera que très peu de clés tout le long du film ainsi qu'à la toute
fin. Même si le film a un dénouement, tragique forcément, toutes les interprétations restent possibles.
Je n'ai pas lu le livre original mais
je me permet de le rapprocher avec un autre que j'ai lu : La maison
des damnés de Richard Matheson. Alors que Matheson avait voulu faire
le scénario de l'adaptation de son livre à l'écran, cela avait
rendu à un film plat et loupé. D'autant que le metteur en scène
n'était pas un David Cronenberg hélas, le résultat est un téléfilm
nul et vieillot. Ici Robert Wise a une base qui a le même potentiel
que le bouquin de Matheson et a reprit son scénariste de la Hammer,
Nelson Gidding pour adapter le livre de Shirley Jackson. Résultat c'est
diablement mieux quand un scénariste se penche sur l'horreur et cela fait toute
la différence. Je pense encore au film Les Innocents de Jack Clayton en
comparaison qui est un bon film dans le genre, mais le
fait que ce soit Truman Capote lui même au scénario empêche de
rendre le produit aussi bon cinématographiquement que La maison du diable. Quand les auteurs
de livre se frottent au cinéma et au scénario, généralement le
résultat est beaucoup plus (et trop) écrit que
cinématographiquement palpitant. La maison du diable a donc cette
grande force d'être écrit par deux personnes venant du cinéma et qui
assemblent le meilleur de leur savoir faire avec la création, l'innovation d'une forme de terreur rarement
égalée. L'essence principale est due a une économie de moyen
spectaculaire et à l'écriture à tous les étages impressionnante.
Le résultat est d'une angoisse et d'une ambiguïté absolue faisant
La maison du diable un des films les plus flippant que j'ai eu l'occasion
de voir mais aussi un des plus grands. Avec le recul, il n'a pas
fini de trotter dans ma tête. Une leçon de cinéma et d'audace
terrifiante qui a choqué toute une génération de cinéphile (Martin Scorsese le considère comme le plus effrayant) et qui continuera bien longtemps à faire son effet.
Note : 10 / 10
La dévédéthèque parfaite :
Répulsion, Rosemary's Baby, Le
locataire de Roman Polanski, M Le Maudit de Fritz lang, Les innocents
de Jack Clayton et L'exorciste de William Friedkin.
1 commentaire:
salut. On Ressent bien L'atmOsphère de ce Fantastique Film ;-) bel article
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