lundi 2 juillet 2018

Un été 42 ( Summer of 42 )

Avec Du Silence et des Ombres (1962), Un été 42 (1971) est sans doute le film le plus connu de Robert Mulligan. Réalisé avec un budget dérisoire (seulement un million de Dollars), cette adaptation du roman d'Herman Raucher (scénariste ici du film également) a rencontré à l'époque un grand succès public et critique. Aujourd'hui le film de Robert Mulligan reste toujours envoûtant, touchant, juste et intemporel. Il est encore aujourd'hui l'un des meilleurs sur l'adolescence. 

Accompagné par la superbe photographie de Robert Surtees et la musique de Michel Legrand, Robert Mulligan parle cette fois de la délicate période de l'adolescence avec une pudeur et une justesse absolue, définitivement sa signature récurrente et géniale dans l'ensemble de sa filmographie. Un peu comme dans Une Certaine rencontre, on peut savourer une direction d'acteur qui oscille entre le jeu très naturaliste, très proche de la Nouvelle Vague (Les 400 coups de François Truffaut) ou la justesse du cinéma italien (L'incompris de Luigi Comencini) mais avec la maîtrise des codes du mélodrame américain proche des films d'Elia Kazan ou encore Douglas Sirk. L'acteur principal  qui interprète Hermie (Gary Grimes) avait vraiment 15 ans durant le tournage et ce genre de petit détail donne incontestablement un réalisme supplémentaire et essentiel à son personnage et au film. Ce dernier est accompagné de jeunes acteurs également qui donnent tous une véritable émotion aux différents émois, tourments adolescents. On suit le point de vue de l'adolescent qui veut absolument découvrir le sexe, mais aussi lui-même dans un monde adulte où il ne cesse de braver l'interdit et essayer donner un sens à sa vie en voulant se dépuceler. Seulement Hermie va être fasciné, tomber amoureux d'une jeune femme d'un soldat parti au combat, Dorothy (magnifique Jennifer O'Neill). Cet événement va s'opposer rapidement à la l'initiation au sexe beaucoup plus "scientifique" comme l'incite son meilleur ami Oscy. 

Le film est un fabuleux mélange entre la naïveté de l'adolescence et la touche plus grave, le non dit du monde des adultes. Robert Mulligan parle également des sujets tabous, délicats dans un pays et une époque encore très puritaine de manière parfois drôle, toujours juste et globalement brillante. L'ensemble du film est emprunt d'une grande nostalgie, d'une mélancolie totale. Que ce soit par le cadre lumineux, la musique, les décors de l'île, ou les premiers flirts, défis au cinéma, tout est particulièrement lumineux et intimiste de la part de Robert Mulligan. Le film alterne entre les souvenirs plus ou moins précis avec l'effet d'une vieille carte postale de vacances que l'on retrouverait au fond d'un coffre de souvenir. Une carte où il fait bon de (re)vivre des souvenirs. Dans ce dépaysement, le cinéaste parle avec beaucoup de parcimonie aussi des tourments, des questionnements sur l'adolescence. Une étude sensible et bouleversante. 

Cependant là où Un été 42 prend une autre dimension c'est par sa touche dramatique, sa douleur émotionnelle qui se dessine progressivement en filigrane pour amener l'émotion vers un final exceptionnel. Ce dernier offre au spectateur de toutes les générations, adulte et adolescent, plusieurs lectures. Alors que le monde adulte était seulement désiré, tenu au loin soit par la peur (les parents, l'entourage) ou le fantasme (L'armée ou Dorothy pour Hermie) on assiste à la rencontre, non sans ambiguïtés, entre la naïveté de l'adolescence et celui beaucoup plus dramatique des adultes. Cette séquence est d'une rare intensité émotionnelle qui fait de cet été 42 une oeuvre marquante et unique. 

Tout en silence, la scène d'amour est absolument renversante, et cela autant émotionnellement que cinématographiquement. Cette dernière et montée avec de fondus sublimes, alternant magistralement les deux points de vue onirique et dramatique, une bande son toute en retenue, mais bien sûr avec les deux acteurs incroyables. Tous les deux font tout passer par de simples regards, des silences pudiques et respectueux. Les quelques pas de danses qui avaient lentement amorcés cette transition, tels des "préliminaires", cela sur la musique envoûtante et en vinyle de Michel Legrand annoncent peut-être une leçon de cinéma absolue. D'une justesse absolue, Jennifer O'Neill, cigarette en main tourne le dos à Hermie marque le coup de maître tout en subtilité de Mulligan, avant de signer une dernière et amicale lettre. Hermie, tout comme le spectateur, est changé à tout jamais par ce qu'il s'est passé ce soir là, mais aussi durant cet été 1942.

Robert Mulligan réussit un film à la fois très simple et universel mais également complexe et très touchant. Un film à l'image de l'adolescence et du passage au monde adulte, Un été 42 dépasse le simple film générationnel comme l'on peut plus facilement caser l'excellent film de Mike Nichols Le Lauréat. La réalisation de Robert Mulligan est beaucoup plus épurée et sensible. Un des plus grands films sur l'adolescence à la fois intimiste et universelle à (re)découvrir absolument. 

A savoir : Suite au succès de ce film, une suite a été réalisée par Paul King (réalisateur de Torch Song Trilogy) deux ans plus tard : Class of 44 (1972). 

PS : Une restauration et une réédition en support dvd/blu ray est plus que nécessaire. 


Réalisation : Robert Mulligan 
Scénario : Herman Raucher
Tiré du roman d'Herman Raucher
Durée : 1 h 40 
Avec : Gary Grimes, Jennifer O'Neill, Jerry Houser, Olivier Conant...

La dévédéthèque parfaite : La dernière Séance de Peter Bogdanovich, Le Lauréat de Mike Nichols, Les 400 coups de François Truffaut, Deep end de Jerzy Skolimowski et Harold et Maude d'Hal Ashby. 



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