jeudi 21 juin 2018

Une Certaine Rencontre ( Love With The Proper Stranger)


L'occasion était merveilleuse de découvrir en salle ce grand film du trop oublié Robert Mulligan. Réalisé juste après son film le plus reconnu et récompensé Du silence et des ombres, on retrouve à nouveau une maîtrise absolue du cinéma très classique et de l'émotion, inspiré du cinéma européen. Malgré son casting de luxe, Steve McQueen et Natalie Wood, ce film est introuvable en support (tout du moins en France) et cette ressortie en fait un événement incontournable pour tout cinéphile qui se respecte, tant l'écriture, la maîtrise de la mise en scène, la direction d'acteur du cinéaste et le jeu des acteurs sont magistraux. 

L'histoire, aussi simple que casse gueule, est le contre pied total de l'histoire d'amour hollywoodienne conventionnelle. Les deux personnages principaux (interprétés par deux grandes stars de l'époque) ont fait une erreur de coucher ensemble après une soirée arrosée et se retrouvent plus concrètement pour financer l'avortement. C'est alors qu'ils apprennent à se connaître, se dévoiler et montrer dans quel quotidien ils vivent. A la fois très drôle et sensible, Robert Mulligan signe une oeuvre poignante et juste qui met en avant les moeurs des américains des années 60 mais aussi de la femme qui veut enfin se libérer à son époque et trouver son indépendance. Difficile, surtout dans une famille italienne, de sortir de tout cela et de parler sentiment. Tout le long l'ensemble est un régal d'équilibre, une véritable démonstration de visionner un film de la Nouvelle Vague française, souvent même le meilleur du cinéma de François Truffaut, mais avec la grande maîtrise hollywoodienne de la narration et des dialogues du cinéma classique hollywoodien. Un merveilleux équilibre donne du corps à une histoire d'amour complexe. Le tout est à l'image de Natalie Wood, beaucoup de charme et de grave à la fois, et le film est unique car il ne rentre dans aucune case car il contourne tous les pièges du film romantique et de la comédie sentimentale traditionnelle (dont la fin : brillante). 

Si la forme est moins clinquant, mythique que des films comme Vacances Romaines ou Diamant sur Canapé, Une Certaine Rencontre est tout aussi comparable et serait plus proche d'une version européenne d'une pièce de Tennessee  Williams. Steve McQueen est dans un rôle qui aurait collé parfaitement à Paul Newman à l'époque de La Chatte sur un Toit brûlant. L'acteur y est magnifique, peut-être un de ses plus grands rôles de composition. Face à lui, Natalie Wood est quant à elle sublime. L'actrice est lumineuse et transcende un personnage féminin remarquablement bien écrit : ce qui fait la différence avec biens des films. Je souligne aussi l'incroyable présence des seconds rôles, des dialogues qui confirment que le scénario est plus que brillant. Mulligan quant à lui se permet de faire des pauses avec les acteurs rendant le non dit, présentant des personnages d'une intensité incroyable. 

Il faut redécouvrir ce film là (messieurs les éditeurs si jamais vous lisez ces mots, sortez le absolument en bluray dvd). Il faut aussi redécouvrir la filmographie de Robert Mulligan, cinéaste qui a signé des films d'une justesse comme il est rare de voir et sachant changer de registre (L'homme sauvage, L'autre) avec brio. Il me manque Un été 42 à voir mais je me réserve ce plaisir pour bientôt. Si jamais un cinéma programme une séance de ce film proche de chez vous, allez y  vraiment car c'est une leçon de cinéma en tout point de justesse et de finesse. 

N'ayez pas peur du noir et blanc, du démodé, il n'en est rien car ce film est d'une incroyable modernité. On ne s'ennuie pas une seconde et où redécouvre de plan en plan, de dialogue en dialogue, de silence en silence peut-être ce que le cinéma américain faisait de mieux dans les années 60. Un très grand film. 

Réalisation : Robert Mulligan
Scénario : Arnold Schulman
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1 h 45
Avec : Natalie Wood, Steve McQueen, Tom Bosley... 

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