mercredi 6 juin 2018

Perfect Blue




Alors que rien ne m'attire particulièrement dans les salles obscures en ce moment, je continue à mon rythme de rattraper mon retard sur les nombreux films que je n'ai pas vu. Ces derniers jours ce fut le tour de Perfect Blue de Satoshi Kon, un film d'animation japonais de 1997 (sorti en France en 1999). Le film est ressorti dans quelques salles pour ses 20 ans le mois dernier. Une claque dans le genre du pur thriller psychologique. Cinématographiquement impressionnant. 

Les fins connaisseurs du cinéma d'animation japonais (que je ne suis pas) vous raconteront sans aucun doute bien mieux les secrets de tournage et la biographie du réalisateur que moi. Je vais vous parler du film en lui même, sans en dévoiler l'intrigue car ce serait dommage pour ceux qui ne l'ont pas encore vu de connaître la fin.

A l'image de Ghost in the Shell pour la Science-Fiction ou encore Le Tombeau des Lucioles pour le drame émotionnel, on peut dire que Perfect Blue est également une pierre angulaire dans le thriller psychologique. L'animation (ici pour adulte) dépasse la simple limite du dessin classique pour offrir au spectateur des sensations, du trouble, du vertige ou encore un malaise enivrant que l'image live ne peut pas, ou plus difficilement, obtenir. Comme Quentin Tarantino le fera quelques années plus tard dans le premier Kill Bill, l'animation permet de réaliser visuellement l'impossible, de contourner la bienséance, la censure et la moralité. Satoshi Kon joue sur le trouble du rêve associé à celui du cauchemar, de la réalité avec l'illusion jusqu'au dédoublement de personnalité sur un personnage féminin : Mima. Cette dernière est la représentation du Japon, une société à la vitrine souriante et joyeuse et aux coulisses à la pression énorme et complètement étouffée, dirigée par la hiérarchie supérieure et des affaires. 

Cela peut paraître parfois un peu grosses ficelles mais il faut avouer que comme souvent c'est le genre veut cela, comme il en est le cas dans des films incontournables comme Les Frissons de l'angoisse de Dario Argento ou Pulsions de Brian De Palma. Si vous passez ce cap, vous y trouverez un film somptueusement maîtrisé, intelligent et narré. On plonge dans les abîmes psychologiques et du thriller dérangeant comme a pu le faire Powell en son temps avec Le Voyeur ou Amenabar avec TesisPerfect Blue fait l'effet d'un magistral Paul Verhoeven aux Etats-Unis mais sur le Japon : un coup de pied hallucinant dans une fourmilière où l'image et la pression deviennent de plus en plus insoutenable. Le réalisateur gagne en force lorsqu'il distille ses nombreuses trouvailles visuelles (et musicales) dans une intrigue non pas en tiroirs mais plutôt en miroirs. Le film atteint le sommet de son originalité quand il fait passer par le mal être explosif et dramatique de son personnage principal une bouffée d'air, une libération au spectateur japonais de cette époque complexe et oppressante. Cette introspection, troublante et captivante, est pleine de suspense et de sens. Jusqu'à la fin le cinéaste nous transporte dans un tourbillon de fractures émotionnelles, sociales et de sensations pour offrir un spectacle unique, contournant tous les pièges tendus par le genre. Il signe avec Perfect Blue une oeuvre authentique qui m'a clairement fait penser à Black Swan de Darren Aronofsky, la patte de David Cronenberg en moins et la pincée de sel à la Paul Verhoeven, donc, en plus. 

Perfect Blue possède une mise en abyme, un voyeurisme parfois qui met mal à l'aise. Le contraste avec la musique pop entêtante, l'image du téléfilm et les ressorts plus psychologiques et subversifs fait effet sur le spectateur de manière pour le moins virtuose. Sur un format court (1h20) le film est un modèle d'efficacité. Sur un postulat qui pouvait être rapidement un navet comme on peut en voir des masses dans le genre, le réalisateur réussit à signer avec Perfect Blue un film universel, fort et sans concession qui a inspiré et inspirera nombreux cinéastes par la suite. Visuellement j'ai pu lire que Darren Aronofsky s'en est inspiré pour des scènes de Requiem For A Dream mais pour ce qui est du fond et de la forme je dirai qu'on est plus proche d'un concentré du cinéma de Paul Verhoeven et de Brian de Palma de la grand époque. Un grand film qui n'a pas volé son statut de culte à voir impérativement pour les fans du genre, du cinéma d'animation : du Septième Art. 

Réalisation : Satoshi Kon
Scénario : Sadayuki Murai
Durée : 1 h 20 
Avec les voix de : Junko Iwao, Rica Matsumoto, Shinpachi Tsuji...

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