lundi 23 mai 2016

La vie d'Adèle Chapitre 1&2



Réalisation : Abdellatif Kechiche
Scénario : Ghalya Lacroix et Abdellatif Kechiche 
Adapté librement de la bande dessinée de Julie Maroh 
Durée : 3 h 
Interprétation : Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Salim Kechiouche, Aurélien Recoing...
Genre : Palme de plongée

Synopsis : 

A 15 ans Adèle ne se pose pas de question, les filles ça va avec les garçons. Jusqu'au jour où elle rencontre Emma, une jeune femme aux cheveux bleus, qui lui fait découvrir le désir et lui permettra de s'affirmer en tant que jeune femme adulte. Face aux regards des autres Adèle grandit, se cherche, se perd, se trouve...

Trois années étaient sans doute nécessaires pour visionner avec un regard plus objectif le film primé de la Palme d'Or au Festival de Cannes. Trois années pour oublier un peu toutes ces nombreuses polémiques, tout cet encensement quasiment unanime de la part des professionnels. Ce soufflet une fois dégonflé, on se retrouve devant un film de trois heures qui fonctionne par intermittence. On y trouve quelques beaux moments que le cinéaste nous avaient déjà montrés dans ses précédents films mais ils sont hélas trop rares pour nous faire oublier la sincérité brouillonne de l'ensemble. Que ce soit dans la forme, le fond ou les intentions principales de nous émouvoir rien est palpable dans ce film plus pot pourri par moment très cinématographique que maîtrisé et virtuose.  

Une nouvelle fois le cinéaste ne sait pas filmer et monter ses films de manière concise et efficace. Tout est quasiment mal filmé, très appuyé, lourd et la permanente recherche de réalisme vire au ridicule. Parfois il y a de beaux dialogues, parfois des minables, les disputes font rapidement tourner en boucle ces derniers rendant le tout ridicule. Les deux tiers des plans sont moches et surtout inutiles à la narration, l'émotion du film. Au contraire, le "style" de Kechiche dessert l'ossature du film pourtant intéressante. Le grand problème du cinéaste a toujours voulu d'être sur les pas de Maurice Pialat, que ce soit de manière artistique mais sur son côté tyrannique malheureusement. Ici il serait plus dans les pas de Larry Clark mais rien ne fonctionne vraiment non plus. Au résultat on a droit a du Malick du pauvre ou du cinéma français. Les trois quart du tournage ont dût être consacrés aux scènes de sexes et les nombreux et fatigants gros plans où l'on voit par moments les multiples répétitions dans les gestuelles des acteurs, et même de la technique. Tout cela frustre plus qu'autre chose car le support de base, de la bande dessinée sans doute, est plutôt beau. Le cinéaste enlaidit et freine toute la beauté d'un potentiel grand film émotionnel. Le film aurait pu l'être car quand on isole certaines scènes, l'émotion décolle et pas uniquement par la force de l'interprétation. Avec un cinéaste plus concis, sincère, subtil et moins brouillon et prétentieux le résultat aurait été déjà bien plus lisible. Résultat on a trois heures rythmées comme une série documentaire sur l'adolescence entrecoupée de scènes de pornos aux intentions très hasardeuses. Si ce n'est pas pour dire douteuses au bout de six minutes de sexe pur et dur à la Virginie Despentes. 

Les deux parties ont du mal à exister de manière indépendante et ne fusionnent pas non plus l'une avec l'autre. Je trouve que c'est la preuve la plus flagrante que ce film n'est qu'un brouillon, un banc de montage inachevé. Alors oui il y a de beaux moments comme ces scènes à l'école ou les repas de famille (là où Kechiche excelle de naturalisme dans ses précédents films). Seulement elles sont englouties par des scènes et des (gros) plans hideux qui empêchent de donner un minimum de corps et de beauté à l'histoire. Les scènes de sexes sont horribles que ce soit dans la manière de les filmer (esthétisme mon cul oui) comme dans la façon dont elles sont montées, crues et avec la distance d'un film de boules. Ni plus ni moins. Le film bascule alors dans le porno pur et dur, enlevant la pudeur, la finesse, le côté charnel nécessaire pour un tel sujet déjà traité mi figue mi raisin auparavant. En gros être homosexuel serait uniquement une expérience de cul plus jouissive qu'autre chose. Plus que passionnée pour le cinéaste appuyant ses références littéraires et le discours de la perversité au bord du ridicule. Le cinéaste n'est ni Sartre ni Stendhal et encore une fois n'a de profondeur et de justesse que quand il filme le désespoir de ses personnages. Alors que le scénario nous en démontre une passion, une romance beaucoup plus subtile, le discours et la forme que prend le film défend complètement un discours satisfaisant plus les pensées ou les attentes des hétéros mâles. Je suis désolé, ce n'est ni respectueux, encore moins subtil et je dirais même indigne d'un cinéaste qui se proclame "d'auteur" en permanence. 

Tout ce qui tourne autour du parcours initiatique d'Adèle est heureusement pour nous porté par le jeu naturel et sensible de la talentueuse Adèle Exarchopoulos. Heureusement qu'elle joue bien car le cinéaste s'obstine à la filmer en gros plan à chacun de ses gestes, de ses reniflements, quand elle mange, se recoiffe, quand elle dort et quand elle fait l'amour bien sûr. C'est à la longue dégoûtant, à l'image du jeu de Léa Seydoux. Décidément je ne la supporte pas cette actrice, autant physiquement que dans son jeu de piètre subtilité. Cette actrice ne joue pas bien même si je pense que c'est ici qu'elle joue le mieux son rôle (peut-être parce qu'elle joue un peu son propre rôle, elle qui "vient de l'école de la vie"). Pour le reste de l'interprétation, le cinéaste est reconnu pour bien diriger et cela s'avère vrai, il n'y a que peu de fausses notes. On est bien loin des autres films sur l'homosexualité comme Le secret de Brokeback Mountain ou même le sous estimé I love you Phillip Morris. Encore plus loin que des chefs d'oeuvre comme La rumeur de William Wyler ou le dernier film de Todd Haynes Carol. Kechiche lui n'atteint jamais le virtuose de Van Trier et son Nymphomaniac, dont les envolées cinématographiques sont parfois semblables.

Pour résumer La vie d'Adèle possède l'adn d'un grand film sur seulement un petit quart de ses trois heures. Le reste n'est qu'un brouillon autant dans sa forme que dans les intentions de nous émouvoir ou nous transporter. On reproche à François Ozon, Olivier Assayas, Jacques Audiard ou encore Arnaud Desplechin de ne pas aller au fond des choses mais franchement à côté de ce que réalise et propose Kechiche qui est césarisé chaque fois qu'il réalise un "film", ces cinéastes sont vraiment très grands. Kechiche lui a du talent dans l'approche documentaire (la réussite de L'esquive) mais pour le reste c'est toujours un coup d'essai assez vain. La Vie d'Adèle aurait été un beau film avec beaucoup de coupes, plus de sincérité dans l'approche romantique et sexuelle, mais surtout si le style du cinéaste ne serait pas si caricatural du début à la fin. Beaucoup de cris pour rien. 

Note : 3,5 / 10


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