dimanche 15 novembre 2015

Les Affranchis ( Goodfellas )




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Nicholas Pileggi et Martin Scorsese
Tiré du roman Wise Guys de Nicholas Pileggi
Durée : 2 h 20
Interprétation : Ray Liotta, Lorraine Bracco, Robert De Niro, Joe Pesci, Paul Sorvino...
Genre : Fresque magistrale

Synopsis

La vie d'Henry Hill qui a toujours voulu être un gangster depuis son enfance jusqu'à sa chute. 

Il y a tant à dire sur ce chef d'oeuvre et rien à la fois tant tout à déjà été répété mainte fois dessus. Entre fresque documentaire et polar violent moraliste, Les Affranchis est le sommet du style de Martin Scorsese. Après avoir abordé le genre avec Mean Streets et Raging Bull, Les Affranchis est devenu un des meilleurs films sur la mafia mais également du cinéma. Que ce soit par sa précision, son fond et sa forme, le cinéaste atteint ici des sommets de maestria dans son autopsie de la société et de l'âme humaine. Le cinéaste se hissait à l'époque officiellement comme un des plus grands cinéastes avec Chaplin, Kubrick, Welles, Kurosawa ou encore Hitchcock. 

Si le cinéaste à l'origine n'était pas plus emballé de refaire un film de gangster, c'est John Powell qui le persuada de le faire, tout simplement parce que c'était un projet personnel qui était original. Scorsese a donc collaboré avec le romancier Nicholas Pileggi pour pousser plus loin l'écriture du scénario. Ils ont également fait des recherches autour du vrai Henry Hill pour en tirer le maximum de détails sur sa vie personnelle. Dans le scénario on y découvre la narration et les dialogues purement scorsesiens. Tous les deux sont organisés et orchestrés de manière parfaites et détonantes. Tout est au sommet de leur efficacité, de leur finesse et bien entendu au service de son propos. On suit une fresque sur ces marginaux qui se croient au dessus de tout le monde, dans leur monde avec les avantages et surtout les revers, le piège qui se referme sur eux, que ce soit psychologiquement ou socialement. 

Devant le film de Scorsese, le spectateur est à la fois émerveillé par la précision d'horloger du cinéaste sur des détails de cette vie d'affranchis de la société que par le charisme des scènes et de ses personnages qui se dévoilent devant ses yeux. C'est pour mieux nous choquer que le cinéaste nous invite donc à s'immerger dans ce quotidien drôle et chaleureux du début à la fin où règne tout le long la mort et l'imprévisibilité de la situation. Avec un rythme virtuose, rarement la tension au cinéma n'a jamais été aussi bien étudiée dans un film. Surtout quand elles sont presque composées de scènes du quotidien, un peu comme le Making of d'un Tony Montana plus raisonnable et moins solitaire. On retrouve la patte Scorsesienne dans des scènes devenues cultes comme celle avec Joe Pesci et Ray Liotta avec le Qu'est ce que j'ai de drôle ? ou le célèbre repas dans la cuisine avec la mère Scorsese elle même avant d'aller tuer et enterrer un cadavre pas complètement mort dans le coffre de la voiture. La tension avec l'humour noir n'a jamais été aussi complémentaire. Au final Scorsese nous raconte une tragédie bien plus ambiguë qu'à l’accoutumée. Il raconte avec vitesse, précision, violence, humour et tension les coulisses de la mafia tout en gardant sa constante frénésie en arrière plan. Comme dans Casino plus tard, la paranoïa est bien présente qui fait monter en plus le suspense moral chez le spectateur et influe sur la température du film. La dernière demie heure, dont le quotidien est bien installé dans notre esprit, est un moment de cinéma incroyable où l'on peut ressentir, la fièvre, la paranoïa et la fin d'une vie qui part en éclat. Entre drogue et la nostalgie, Scorsese montre une génération de gangsters qui est dépassée pour laisser place à une autre. Le final est mordant à souhait, ça balance chacun pour sauver sa peau et la peur de finir comme n'importe quel plouc arrive. La dernière réplique est d'ailleurs à l'image du film, drôle et effarante à la fois. 

Les Affranchis est une longue étude de la Mafia, bien moins accessible et classique que celle montrée du Parrain de Francis Ford Coppola, autre grande référence du genre. Le film alterne sans cesse des fractures du temps. On est désorienté, manipulé avec une voix off aussi tranchante que chaleureuse. Le ton du film est cruel, noir et d'une moralité, d'un humour féroce implacable. On admire une très grande force du montage et de la narration qui nous transportent littéralement. Tout est rythmé, efficace et les scènes du quotidiens qui sont montées comme un grand polar noir d'une grande méticulosité. Car oui Les Affranchis est un avant tout l'anti-policier par excellence. On y voit dedans tout ce que l'on ne voit que ce que l'on voit généralement pas dans tous les autres. Aucunes séquences de braquages filmées, encore moins de spectaculaire, ni même de point de vue de la police et de la Loi contrairement à Casino et Le loup de Wall Street. Nous sommes comme le personnage principal, sans cesse sur les nerfs et la surprise. Tout est dans le hors champs et hors scénario, nous ne côtoyons que le mal très nuancé. La crainte que le piège se referme sur nous à n'importe quel moment nous guette d'un moment à l'autre du début à la fin. Sachant en plus que chez Scorsese cela peut être à tout moment que ce soit du côté des méchants comme des bons, comme dans la plupart de ses films.  

Ironique, violent et d'une grande dextérité dans tous les chemins qu'il entreprend, Scorsese signe ici ce qui va le suivre dans la suite de sa filmographie : faire une étude du vice des Hommes dans la société. Casino reprendra la démarche des Affranchis avec une intrigue plus classique côté tragédie mais avec une forme plus épique. Plus tard Le Loup de Wall Street démontrera également que l'excès d'argent et de drogue font des monstres mais qui sont les seuls à faire tourner la Bourse mondiale toujours avec sa maestria formelle. Tout est parti des Affranchis, petit film indépendant qui n'a pas eu de grand succès, ni beaucoup de prix mais un immense culte pour des milliers de passionnés de cinéma. Cela aurait pu partir huit ans plus tôt si le duo Scorsese / De Niro avait réalisé Scarface qui a un peu la même démarche. Scorsese est avec Les Affranchis moins impressionnant que Casino mais dans le fond bien plus précis et surtout beaucoup plus pertinent et efficace que Le Loup de Wall Street

Pour ce qui est de la forme pas besoin de s'attarder, c'est du grand art. Superbe bande son une nouvelle fois dans un montage et une mise en scène magistrale et brillante. La distribution est impeccable, avec des acteurs sensationnels dans leurs rôles. Ce sont les meilleurs rôle de Ray Liotta et de Lorraine Bracco qui auront des carrières hélas ratées par la suite. Pesci est flippant à souhait et De Niro excellent une nouvelle fois dans le personnage secondaire de Jimmy Conway. Cependant bien qu'il soit souvent considéré comme un grand film Les Affranchis n'est pas un film grand public. Non pour sa violence mais pour son ensemble qui finalement est un parti pris assez particulier. On peut adorer comme on peut s'ennuyer devant car tout se joue par le style, les thèmes et surtout ce que vous attendez du film. Si vous attendez un scénario classique vous n'êtes pas à la bonne porte, d'ailleurs ne sonnez pas trop souvent chez Scorsese. Vous êtes comme dans un Scorsese, prit dans un tourment dont on ne sort pas indemne. Devant un Sorsese on est plongé dans une aventure cinématographique totale que l'on peut ressentir intensément ou de loin. C'est aussi ça le cinéma et qui fait la différence avec les bons et grands films. C'est surtout de là ou l'on reconnaît les grands cinéastes des bons. Scorsese avec ce film est peut-être dans ce qu'il fait de mieux. Un véritable chef-d'oeuvre dont personnellement je ne me lasse pas. Ce film m'a fait aimer le cinéma et l'oeuvre du cinéaste et ce n'est pas prêt de changer. 

Note : 10 / 10 

Film à ranger dans sa dévédéthèque

Le Parrain (trilogie) De Francis Ford Coppola, L'impasse de Brian de Palma, Casino de Martin Scorsese. 

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