Réalisation : Tom Tykwer
Scénario : Andrew Birkin,
Bernd Eichinger et Tom Tykwer
Adapté du roman de Patrick Suskind
Durée : 2 h 25
Interprétation : Ben
Whishaw, Dustin Hoffman, Alan Rickman...
Genre : Adaptation sans
saveurs
Synopsis :
Jean-Baptiste Grenouille est un
orphelin qui a un sens extraordinairement développé : son
odorat. Il n'a pas d'autre passion que les odeurs qui traînent
autour de lui et les découvrir. Miséreux avec son don il réussit à
se faire embaucher chez des maîtres parfumeurs et apprend alors les
techniques. Il réalise plusieurs chefs d'oeuvres olfactifs mais il est toujours à la recherche de mieux. Fasciné devant l'odeur d'une
jeune femme, Jean-Baptiste décide de créer un parfum unique avec
l'odeur de plusieurs. Il n'hésitera pas à aller jusqu'à les tuer
pour voler leurs odeurs...
A l'époque, Stanley Kubrick s'était
jeté sur les droits d'auteur avant que Roman Polanski ne les
obtiennent pour en faire une adaptation. Le réalisateur de Shining a
vite jeté l'éponge jugeant le chef-d’œuvre de Patrick Suskind
inadaptable à l'écran. Depuis plusieurs prestigieux cinéastes
comme Martin Scorsese, Milos Forman, Jean-Jacques Annaud, Michael
Haneke, Tim Burton, Jean Pierre Jeunet ou encore Ridley Scott ont été
un temps proposés sur le projet. Ils ont tous abandonnés également même s'il faut avouer (et je le comprend) que l'auteur du livre était très exigeant sur la
qualité de l'adaptation de son livre au cinéma. Au bout de vingt années et avec une belle
pile de billets verts (car tout s'achète avec de l'argent au bout d'un
moment) le projet tombe sur le réalisateur allemand Tom Tykwer. Le
film est une adaptation (trop) hollywoodienne belle et parfois bien
illustrée mais qui passe à côté de l'esprit et du fond du roman.
Le Best seller de Patrick Suskind est
certainement mon livre préféré donc je vais essayer d'être
objectif avec le film. C'est un bijou de lecture aussi captivant que
sensoriel, noir et violent qui est effectivement inadaptable au
cinéma. Il faut au moins que le cinéaste se focalise sur l'odorat
et développer le côté sensoriel, comme peut le faire un cinéaste
comme Stanley Kubrick ou Terrence Malick. Aujourd'hui je pense que Lars Van Trier aurait pu trouver son bonheur. On trouve un peu de tout dans le livre, de l'humour,
de la violence, du sexe et surtout des scènes oniriques, olfactives et de pulsions absolument fascinantes. Il y a bien d'autres choses bien
entendu mais oublier cela dans une adaptation cinéma pour un livre
comme Le Parfum, c'est un peu faire Harry Potter sans sorcellerie. Et
ils l'ont fait hélas car déjà le scénario suit très fidèlement la
trame principale du livre avec une voix off aussi monocorde qu'inutile et facile. La narration met tristement en avant le côté thriller
grand public et ne privilégie que trop rarement les moments de grâce
du personnage principal autour des meurtres. Les scénaristes (pourtant avec un CV sympa) zappent aussi pas mal
de la psychologie et de l'ambiguïté de sa quête. Je ne parle même
pas le fait d'avoir mis un beau gosse (Ben Whishaw, pourtant très bien) dans
la peau de Grenouille alors que dans le livre le personnage est très laid. Le plus triste reste donc cette prise de non risque absolue autant au niveau casting que dans le scénario et la mise en scène.
Bien sûr le film tronque pas mal de scènes et de détails qu'il y a
dans le livre, comme dans toutes les adaptations à l'écran. C'est
normal le cinéma est un autre art mais seulement il faut quand même
avouer qu'ici tout reste sage dans l'ensemble de ses intentions.
Cela reste même complètement superficiel, préférant traiter tous les
thèmes plus classiques un petit peu tout le temps que
d'affirmer de la personnalité et de la force. Cette non prise de
risque et le manque de personnalité déçoivent même si le cinéaste allemand applique l’atmosphère de son film avec un beau savoir faire.
Le visuel intéresse bien plus le
cinéaste et c'est bien la seule chose qui se sent. Hormis
une belle photographie et de beaux mouvements de caméras (très
illustratifs) il manque un peu de toutes les saveurs attendues d'un
grand film. Tout est distrayant extrêmement léché mais tout reste lisse, convenu et superficiel. Le cinéaste n'aguiche que la rétine et jamais nos émotions.
La scène la plus réussie reste sans doute son premier meurtre où
la mise en scène dépasse le beau savoir-faire avec un bon sens du
cadre, des images et du montage. Sinon le reste est pauvre,
sans idée, assez mou et pour plaire à tout le monde, contrairement
au livre. On suit un plutôt un montage d'images sans déplaisir pour
la rétine mais intellectuellement vide. Le
film n'est finalement qu'une plate illustration de ce qu'il pouvait
se mettre en image du livre. Rien de novateur, d'étrange ou ni même de message se dégagent. Ce n'est pas le genre de film où il faut
des effets spéciaux, de beaux décors et de belles reconstitutions
pour qu'il se dégage quelque chose. Je vais essayer de relativiser,
pour ceux qui n'ont pas lu le livre, le film est, je pense, pas si
mal. Beau avant tout car visuellement il faut avouer que le
travail vaut le détour. Après original oui par rapport aux films que l'ont voit d'habitude car le livre et l'histoire sont assez extraordinaires. Tout le long on sent que le film est fait pour faire des millions
d'entrées, sentant la grosse machine bien faite mais qui manque de panache et de charme.
Un grand cinéaste n'est pas simplement
un bon faiseur. C'est un artiste qui tente et innove, partage le public. Tom Tykwer
est un peu comme J.J Abrams, Ron Howard, Taylor Hackford ou encore
James Mangold : de très bons metteurs en scène mais qui n'ont
que trop peu d'éclairs de génie. Voici le genre d'adaptation qui en est
le parfait exemple car il fallait un génie pour mettre en scène Le
parfum et hélas il ne l'a pas trouvé. Kubrick et Polanski étaient
de beaux prétendants de départs. C'est bien dommage car il y aurait
eu de grandes chances que leurs films aient suscités de l'intérêt. Tout comme Milos Forman, au
risque de se répéter car il venait de signer Amadeus, pouvait y
trouver ses thèmes avec du fantastique. Tim Burton et Jean-Pierre
Jeunet auraient sans doute signés des films très visuels avec le mélange d'humour et de violence mais n'aurait le fond assez poussé à mon avis. Contrairement à Martin Scorsese ou
Michael Haneke qui mettrait le fond bien plus en
avant que la forme explosive. Jean-Jacques Annaud a signé par la suite Le Nom de
la Rose et comme souvent le scénario passe avant la
mise en scène. A mon avis, le seul cinéaste qui aurait pu le
réaliser et capable de tirer une tentative de l'esprit du livre c'est David Cronenberg. Il y
a ses thèmes mais aussi une forme dans ses scripts, son montage et sa mise en scène
dans ses films qui plaît ou déplaît (comme le cinéma de Lynch ou
Malick également) à l'image du roman. Quand on voit un film comme La Mouche, Faux Semblants ou encore Dead Zone je pense qu'il aurait pu tirer un film au moins intéressant.
Le parfum est une adaptation bien
illustrée mais dont il manque presque toutes les saveurs et surtout
l'essence du roman. Il se retrouve comme son personnage principal, sans odeurs. Composé de belles images avec de bons acteurs,
le résultat est distrayant comme un produit hollywoodien plutôt
généreux côté noirceur et esthétique dans de belles
reconstitutions et un soin esthétique certain. Ce n'est absolument pas la démarche du livre qui
est ici aseptisé de l'ensemble de ses thèmes les plus intéressants
et incontournables. Le Parfum ne dépasse hélas jamais le stade film
d'image pour convaincre cinématographiquement. Sans être objectivement mauvais, le film
passe à côté du livre mais pas à côté de son public avec des ingrédients et une forme classique. Le
scénario offre à ce dernier les codes classiques du thriller qu'il
aime bien pour s'accrocher à une trame du livre qui, même mise à plat, est forte
et palpitante. Pour les fans du livre et de
cinéma, il y a erreur sur la marchandise : on a un film avec
que des images à la place des odeurs.
Note : 4 / 10
P.S : Je recommande fortement la lecture de ce livre, même pour ceux qui n'ont pas aimé le film. C'est à mon sens un livre indispensable à lire.