On avait quitté Paul Thomas Anderson sur le déroutant et mélancolique Inherent Vice. Ce dernier confirmait définitivement que l'auteur de Magnolia est aussi marginal qu'authentique dans le paysage du cinéma indépendant américain. Si le cinéaste divise, il est aussi le seul de nos jours comparable à la carrière de Stanley Kubrick, signant des oeuvres à la fois personnelles et avant gardistes. Si PTA a une démarche moins commerciale que le réalisateur d'Eyes Wide Shut, il peut tout autant dérouter qu'agacer et fasciner le public. Ses films resteront comme des oeuvres clés dans les annales du cinéma.
Dix ans après le grandiose There Will Be Blood, le cinéaste collabore une nouvelle fois avec Daniel Day Lewis. Les deux hommes signent ensemble à nouveau un chef d'oeuvre. Dans un tout autre registre, le duo signe une oeuvre tout aussi brillante qu'incroyablement en contre pied total de leur précédente collaboration. There Will Be Blood traite de la folie de l'Homme et du Capitalisme aux Etats-Unis de manière âpre, sèche, historique et réaliste, le tout porté par des personnages et acteurs époustouflants où le charisme est mis en avant. Phantom thread se déroule en Angleterre et traite d'une histoire d'amour intimiste sur un couturier, un créateur et sa muse. Toute en retenue et délicatesse, et pleine de sous entendus, la narration s'attarde sur les sentiments, le couple, l'amour. Dans la forme du film également, PTA nous baigne musicalement en permanence sur des mouvements de caméra et des plans rapprochés très présents qui articulent l'émotion de manière remarquable. De manière plus flagrante cela se voit par la délicatesse du jeu de Daniel Day Lewis. Pour son dernier rôle, l'acteur retrouve la subtilité et la sobriété que l'on trouvait plus souvent au début de sa carrière chez James Ivory, Philip Kaufman ou encore dans Le temps de l'innocence de Martin Scorsese.
D'un classicisme et d'une grande élégance propre au talent de Paul Thomas Anderson, Phantom Thread possède une structure incroyablement sensible et subtile. Jamais on avait vu auparavant cette facette du cinéaste, ici renversant d'élégance, de subtilité et de sensibilité. Il transcende la pure tradition des grands cinéastes et films italiens des années soixante, comme Visconti et Fellini. Magistralement rythmé et interprété, on est dans un classique instantané aussi académique que vertigineux. Le film de PTA s'ajoute à celui de Todd Haynes Carol ou encore Mademoiselle de Park Chan Wook : des cinéastes qui s'approprient pleinement les codes, les thèmes de l'amour à l'écran et les transcendent à leur manière dans leur style bien à eux, emballé avec une maîtrise formelle au sommet. Une nouvelle fois scénariste, Paul Thomas "Andersen" brode une subtile tapisserie cinématographique et personnelle avec un tissu d'amour et de venin. Une oeuvre sur mesure qui marquera le septième art par sa virtuosité et son intelligence, à l'image du talent et de la carrière de Daniel Day Lewis : complexe, élégant, subtil, vénéneux et retors. Un chef d'oeuvre sur l'amour, l'artiste et l'illusion.
Réalisation et scénario : Paul Thomas Anderson
Durée : 2 h
Durée : 2 h
Interprétation : Daniel Day Lewis, Vicky Krieps, Lesley Manville...
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