jeudi 15 mars 2018

Call Me By Your Name



Avant le remake de Suspiria, Luca Guadagnino clôt sa trilogie sur l'amour (Amore, A bigger Splash) en adaptant cette fois un roman d'André Anciman. Le scénario est écrit par le vétéran James Ivory, enfin récompensé aux Oscars cette année. Ce dernier a parfaitement adapté son style avec celui du réalisateur qui avait commencé l'ébauche du script auparavant, tout oscille entre musique et esthétique, réalisme et romantisme. Un projet long de neuf années qui trouve enfin son aboutissement mais surtout l'accomplissement d'un cinéaste pas assez reconnu. Call Me By Your Name est effectivement dans la continuité absolue du cinéma de Luca Guadagnino : un cinéaste rare et élégant. 

Le style du cinéaste ne plaira pas à tout le monde par son rythme lent, contemplatif, et ses parties très dialoguées. Trop pourront dire certains et on peut vite ressentir des longueurs avec l'intrigue toute simple et épurée. Cependant, l'histoire est singulière avec la relation amoureuse au centre du scénario qui s'installe avec beaucoup de parcimonie, de tendresse et de poésie. On peut clairement dire qu'on est dans la version anglaise et italienne du Retour à Brokeback Mountain d'Ang Lee. La mise en scène réussit avec brio à nous toucher par sa finesse, sa mélancolie et un fétichisme sincère pour les années 80, bien moins pompeux que ce que l'on peut voir ces derniers temps. Le cinéaste nous épargne la facilité car, à la manière d'un peintre, par toutes petites touches, esquisse un souvenir de vacances, d'amour, d'expérience, tout en jouant avec le temps et le cadre (idyllique) de l'Italie. Une fois encore on retrouve des acteurs exceptionnels pour porter tout cela à l'écran. A l'opposé de l'extravagance du jeu de Ralph Fiennes dans A Bigger Splash, toute la direction est dans la sobriété, entre le jeu d'acteur extraverti typiquement italien et la retenue plus anglaise. J'en profite pour faire une mention spéciale à Michael Stuhlbarg qui enchaîne ces temps ci les rôles nuancés et touchants (Pentagon Papers, La forme de l'eau). Dans son rôle du père, il est brillant et offre une belle et émouvante scène finale, à l'image du film.

Tout est d'une grande fluidité et délicatesse. L'apport de l'écriture très soyeuse de James Ivory amène beaucoup de profondeur au travail de Guadagnino ici au sommet de sa maîtrise. Cette fois sans voix off, le cinéaste se concentre sur ses acteurs, son superbe travail musical et esthétique qui fait la force de ses films. Tout est choisit avec beaucoup de goût et de modération, ce qu'il y a finalement de plus remarquable. On oscille dans des styles et thèmes que Xavier Dolan ou Sofia Coppola traitent souvent mais cette fois j'ai été bien plus séduit par l'approche de ce cinéaste très raffiné, qui possède beaucoup de sensibilité, d'intelligence. On est très loin du commun tape à l'oeil et encore moins de la coquille vide dans cette bulle, cette osmose parfaite de cinéma. 

Call Me By Your Name s'ajoute à la liste des grandes histoires d'amour au Septième art de ces dernières années. Il rejoint les grands classiques comme le tout dernier Paul Thomas Anderson sorti en début d'année également ou encore Todd Haynes, François Ozon, Park Chan Wook mais surtout des films parlant de l'homosexualité de manière pudique et universelle. Ce film marque donc l'aboutissement d'un cinéaste au talent affirmé mais aussi l'occasion de dire un dernier au revoir à James Ivory, un cinéaste écrivain qui a marqué les années quatre vingt dix par des chefs d’œuvres de retenue tel que Retour à Howard Ends et bien sûr Les Vestiges du jour. Cette union est magnifiquement retranscrite à l'écran par les deux acteurs principaux : Armie Hammer se voit enfin offrir un beau rôle de composition impeccable et quant au convoité Thimothée Chalamet, aussi multilingue que grandissant, il porte avec un certain génie, un rôle loin d'être évident et des performances habituelles. Un peu comme Casey Affleck dans Manchester by the sea, il est entre sobriété et émotion, à l'opposée de la performance, et sa nomination aux Oscars n'est pas venue par hasard. Il faut retenir de Call Me By Your Name une oeuvre superbe et harmonieuse. 

Réalisation : Luca Guadagnino
Scénario : James Ivory 
Tiré du roman d'André Anciman
Avec : Thimotée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg... 

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