mardi 30 juin 2015

Jurassic World



Réalisation : Colin Trevorrow
Scénario : Rick Jaffa, Amanda Silver, Derek Connolly et Colin Trevorrow
D'après l'oeuvre de Michael Crichton
Durée : 2 h 
Interprétation : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Nick Robinson, Vincent D'Onofrio, Omar Sy...
Genre : Numéro 4

Synopsis

L'indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifiée, pure création de la scientifique Claire Dearing, s'échappe et sème la terreur dans le fameux parc d'attraction. Les espoirs se portent autour du dresseur de raptors Owen Grady. 

Pour l'instant on ne retiendra décidément que le premier opus de la franchise, de loin le mieux fait et le plus spectaculaire. Ce quatrième opus est à l'image des deux précédents : un divertissement qui bat un peu de l'aile quand on ne voit pas les dinosaures à l'écran.

Jurassic World ne déroge pas à la règle. Il utilise la même idée que le premier opus avec un scénario plus bateau, plus exagéré, plus dans l'air du temps et sans fraîcheur, ni renouveau dans l'assemblement des ingrédients de bases.  Bien entendu pas l'ombre d'un Spielberg ici pour donner du cachet à tout cela derrière la caméra, même si le réalisateur rend tout de même un hommage respectueux au film original, de manière honnête et plaisante. De temps en temps il se permet même un peu de dérision sans doute à cause de son scénario au fond particulièrement crétin, si ce n'est niais et incohérent. Un humour bienvenu qui soude bien les scènes aux sentiments sirupeux et celles de combats plus musclées et spectaculaires. Le travail reste maîtrisé même si parfois c'est à la limite du grotesque à cause du scénario. Tout manque de personnalité et encore plus d'ambition comme le troisième opus. On se retrouve devant un blockbuster du dimanche soir pour se vider la tête, ni plus, ni moins. Idéal pour les soirées pizzas entre fans du film de Spielberg. 

Le gros point négatif reste l'intégralité des parties écrites et développées (ou pas) des personnages. Elles sont totalement vides, insipides que ce soit dans leurs psychologies et leurs histoires. Tout est inutile, cliché et pas très fun en plus. On dirait un amuse bouche assez faux cul pour plaire au fan et de faire passer les grosses ficelles. La recette utilisée qui fonctionne le mieux reste le thème de John Williams. Facile, c'est toute une génération qui est touchée, comme pour Star Wars ou Indiana Jones. Si l'ensemble reste distrayant ce sera surtout pour le travail soigné sur le concept du parc et bien entendu les dinosaures. Ces derniers restent au centre de l'attention et de l'attente du spectateur, comme depuis le début dans la saga. Effectivement c'est surtout pour voir des dinosaures qu'on va voir Jurassic World, bien plus que dans l'espoir de tomber sur un bon film. Pour cela c'est quand même satisfaisant même si je pense que les effets spéciaux seront vite moches. Si l'on peut percevoir des petites tentatives à faire de la critique de la société actuelle à travers les visiteurs du parc, tout reste trop superficiel pour convaincre. Tout est limité à la simple caricature ou au simple gag. Un peu à l'image des films grands publics actuels on a droit à un vrai fourre tout peu original et fade uniquement créée pour plaire à un maximum de monde. Comme souvent rien est abouti et ressemble plus à un pot pourri sans saveurs.

Chris Pratt ressemble à un Patrick Swayze de nos années, il n'a pas un jeu fulgurant mais ça là pour le film ça passe plutôt bien. Le reste de l'interprétation reste convenable dont un Omar Sy bien sobre. Le film est moins terrible que la bande annonce pouvait le présageait mais loin d'être un bon blockbuster pour autant. Si on retient plus de défauts que de qualités avec le recul, le charme opère tout de même et ceci malgré une 3D une nouvelle fois dispensable. On passe quand même un moment assez agréable à défaut d'être vain et dispensable. Aussi distrayant que complètement inutile dans la saga. 

Note : 5 / 10

jeudi 25 juin 2015

Spy



Réalisation et scénario : Paul Feig
Durée : 1 h 55
Interprétation : Melissa McCarthy, Jason Statham, Jude Law, Rose Byrne...
Genre : Parodie gonflée et musclée

Synopsis :

Susan Cooper est une modeste et discrète analyste au siège de la C.I.A. Héroïne méconnue, elle assiste à distance un des meilleurs espions de l'agence, Bradley Fine dans ses missions les plus périlleuses. Lorsque Fine disparaît, et que la couverture d'un autre agent est compromise, elle se porte volontaire pour infiltrer le redoutable univers des marchands d'armes et tenter d'éviter une attaque nucléaire.

Après deux comédies plutôt bof beauf, Paul Feig surprend agréablement dans cette énième parodie du film d'espionnage. Sans révolutionner le genre, Spy est une parodie aussi violente que punchy. Avec beaucoup de dérision on passe un moment très plaisant grâce à un scénario particulièrement généreux en humour et des acteurs qui n'ont pas peur d'en faire des tonnes ni de s'auto-caricaturer. Après Kingsman de Matthew Vaughn en début d'année, Spy est une des meilleurs comédies d'action de l'année, et même des ces dernières années.

Si vous pensiez avoir tout vu dans la bande annonce, c'est faux. Cette dernière ne possède qu'un centième de l'humour du film car il en possède beaucoup. Il est en plus drôle sur toute sa durée et sans relâche. Dès le départ le film enchaîne l'action et les gags de manière pour le moins décomplexée. On retrouve tous les ingrédients du film d'espionnage et des James Bond mais avec l'actrice atypique Melissa McCarthy, particulièrement drôle. Son pouvoir comique est au sommet et les répliques toutes bien calibrées sont là pour l'aider. C'est vulgaire autant dans les paroles que dans l'action. A l'image du personnage interprété par Jason Statham qui se moque littéralement de ses rôles de bourrin débiles au cinéma, tout est tellement poussé à l'extrême qu'on ne peut que savourer pleinement ce divertissement de haute volée.

On retrouve un savoir faire de très bonne facture au niveau de la mise en scène avec acteurs à l’énergie et l'humour communicatif qui font très plaisir. C'est surtout son scénario en dérapage contrôlé dans sa dérision et qui n'hésite pas à faire durer le plaisir que le film détonne. Les poursuites, les scène de combats, comme dans la cuisine ou encore la scène du Jet, sont allongés pour vider, essorer toutes les possibilités comiques de la situation. Et ça fonctionne très souvent. On retrouve un esprit débridé uniquement dans la forme car il est vrai que le film reste dans le moule des films parodiques assez classique dans le fond. Cependant, les facilités et les niaiseries restent discrètes et ne sautent jamais aux yeux. Rien de révolutionnaire dans le genre mais du divertissement généreux et qui ne lésine pas niveau gag et audace dans le scénario, les dialogues et parfois même la mise en scène. Ce sont des films qui ne sont pas empesé de morale et de sentiments qui casse le rythme et l'idée du film. Au contraire le film joue à fond la carte de la vulgarité et de la décadence, pour le pire ou le meilleur. C'est pas intelligent mais sans prétention et ça n'a le mérite que de nous faire passer un bon moment. Mission plus que réussie, cela se revoit même avec plaisir tant peu de comédies n'arrive pas à suivre une tel puissance comique. On a le meilleur rôle de Jason Statham, sans doute son meilleur film, car c'est certainement là où il exerce le plus son talent d'acteur et non d'athlète. On apprécie son auto dérision du début à la fin. 

Spy est donc une très bonne comédie à l'américaine qui rejoint donc Kingsman Matthew Vaughn ou encore les 21 et 22 Jump Street de Phil Lord et Christopher Miller. C'est ce qu'il y a de mieux et ce serai dommage de le rater. Tout est au top niveau. Spy lui est très référencé dans les James Bond, un peu ce que Kingsman du cinéma de Tarantino. Puis une comédie où il n'y pas que la puissance comique des acteurs en avant et en roue libre c'est plutôt rare. On trouve rarement si drôle dans les grandes productions. Je recommande pour se changer bêtement et méchamment les idées.


Note : 7,5  / 10

vendredi 19 juin 2015

Vice-Versa ( Inside Out )



Réalisation : Pete Docter
Scénario : Meg LeFauve, Josh Cooley et Peter Docter
Durée : 1 h 35
Avec les voix de : Charlotte Le Bon, Marilou Berry, Pierre Niney, Gilles Lellouche, Mélanie Laurent...
Genre : Thérapie du Docter 

Synopsis :

Dans la tête de Riley (11 ans), Peur, Joie, Dégoût, Colère et Tristesse sont en plein travail. A leur tête Joie est là en permanence pour donner le moral et entretenir les différents repères émotionnels de Riley. Les autres sont plus secondaires, surtout tristesse qui ne se sent pas vraiment utiles. Même pour ses collègues. Quand Riley déménage, change de ville et d'environnement les choses changent, il y a des bouleversements qui se produisent. Tristesse commence à devenir plus envahissante. Après un choc, Tristesse et Joie vont quitter le QG accidentellement et aller dans les abysses de la mémoire. Elles doivent absolument revenir pour que Riley retrouve ces cinq émotions avant de faire une bêtise avec seulement la Peur, le Dégoût et la Colère aux commandes.

Après deux ans de pause dans les salles obscures, les Studios Pixar sont de retour toujours pour notre plus grand plaisir et en très grande forme ! Plus de séquelles, de spin off ou de film plus proche du Disney classique (Rebelle) mais un produit original et intelligent qui font la force et la spécialité des studios depuis 1001 Pattes. Cela nous fait du bien autant sur le plan cinématographique que psychologique !

C'est d'ailleurs sur le terrain de la psychologie que le scénario de Vice-Versa se démarque cette fois. Notamment en représentant les émotions d'une pré-ado par des personnages hauts en couleurs et très bien travaillés. Sur un sujet aussi vaste, intéressant et universel, le traitement n'était pas simple et encore moins couru d'avance. Cela aurait pu être frustrant mais une nouvelle fois tout est réussi avec maestria. Tout est à la fois drôle, tendre et cruel sur un rythme et des émotions trépidantes et incroyablement bien dosées. Comme Le monde de Nemo ou Toy Story, les thèmes toucheront autant les enfants que les adultes par une démarche ludique, drôle et rafraîchissante du début à la fin. L'histoire est originale sans être non plus folle dans sa démarche. Ce n'est effectivement pas la narration la plus inventive mais ce voyage dans la mémoire reste aussi mouvementé et distrayant que bouleversant. 

On retrouve de superbes graphismes avec certains détails qui s'approchent vraiment au plus prêt de la réalité. A côtés d'eux, les personnages principaux sont beaucoup plus lisses et abstraits, à l'image des émotions. Le décalage fonctionne et l'ensemble des thèmes passent très bien à l'écran comme dans les différents tous de forces émotionnels, très présents. Comme souvent les moments comiques et émotionnels ne forment qu'un. Le grand plus du film reste toujours les pointes audacieuses et savoureuses qui parsèment souvent l'histoire. Ces dernières ajoutent une saveur unique et propre à Pixar. On retiendra entre autre le passage des personnages en 2d puis en simple trait ou encore les brèves excursions dans la tête des parents. Avec une bonne musique et un montage soigné et virtuose on est dans du grand cinéma, du pur moment Pixar. L'humour n'est jamais téléphoné (encore moins lourd) mais c'est avec son scénario que Vice-Versa montre une force supérieure, il est particulièrement touchant. Le film joue avec nous et fait une belle image du cinéma en comparaison avec le rêve. Ensuite le film pénètre dans notre inconscient également et nous fait remonter dans le temps avec les souvenirs, les objets référentiels, les moments de joie et de tristesse. On a droit à un bel état des lieux de l'enfance avec beauté et humour à la fois. Le grand moment d'émotion (que je vous laisse découvrir) est également un des plus grands tours de force des films Pixar. Il est plus sobre, moins larmoyant et tout aussi brillant et intense que l'introduction de Là-Haut. Pete Docter est aussi fort dans le drame que dans l'humour et  trouve ici un scénario plus inventif que Là-Haut pour notre plus grand plaisir.

Si Vice-Versa ne possède hélas pas les cinq dernière minutes aussi intenses et inventives que le reste du film, il reste quand même un des cinq plus grands de la firme actuellement à mon goût. Pas de temps mort et avec une élégante réflexion et traitement sur la psychologie. Un vrai Feel Good Movie intelligent et très distrayant. Pas grand chose à dire de plus outre que c'est à voir absolument et qu'il serai vraiment dommage de passer à côté ! L'été commence bien et Pixar reprend du poil de la bête !

Note : 9,5 / 10


PS : La 3D ne joue que sur la profondeur une nouvelle fois, il n'y a presque aucune projection ce qui peut en décevoir certains. Les doublages français sont de qualité. Il n'y a pas de court métrage avant le film ce qui est assez rare et un peu décevant. Regardez bien le générique de fin. 

mercredi 17 juin 2015

Loin de la foule déchaînée ( Far from the Madding Crown )



Réalisation : Thomas Vinterberg
Scénario : David Nicholls
d'après le roman de Thomas Hardy
Durée : 2 h
Interprétation : Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts, Michael Sheen, Tom Sturridge, Juno Temple...
Genre : Romance classique

Synopsis :

Dans la campagne anglaise de l'époque victorienne, une jeune héritière, Bathsheba Everdeene, doit diriger la ferme léguée par son oncle. Femme belle et libre, elle veut s'assumer seule et sans mari. Cela n'empêche pas de se faire courtiser par trois hommes, le berger Gabriel Oake, le riche voisin Mr Boldwood et le Sergent Troy.

On peut dire que Thomas Vinterberg est un cinéaste difficile à saisir. Son premier film Festen possédait beaucoup de fond qui souffrait de sa forme dût au dogme95. Son précédent film La chasse possède une forme très soignée et au sujet intéressant. Le cinéaste se penche ici dans la littérature anglaise où le classicisme soigné de son précédent film se mêle plutôt bien ensemble même si le manque d'ampleur, de chaleur et de passion se fait ressentir. Je n'ai pas lu le livre de Thomas Hardy mais la seule chose que je peux affirmer avec certitude est que Thomas Vinterberg n'est pas Roman Polanski, il ne signe pas un film aussi beau, cruel et dense que Tess. Loin de la foule déchaînée a été aussi adapté par John Schlesinger en 1967 dans une version que je ne connais pas.

Avec une photographie magnifique et une interprétation juste et intense, Loin de la foule déchaînée est un film historique plutôt agréable à suivre. La sincérité est souvent palpable du côté des acteurs comme celui du cinéaste, surtout dans les sentiments. On peut en revanche regretter un montage et une musique tous les deux purement illustratifs et nuisent à des montées lyriques attendues dans un tel film. La fin reste toute de même assez décevante pour un développement dramatique et émotionnel si bien travaillé et entretenu. Cependant le livre termine comme ça et le film apparemment reste bien fidèle, du moins cela se ressent. L'histoire en elle-même est classique si ce n'est pas pour dire déjà vue mais illustrée, interprétée et racontée avec un beau savoir faire. Le film n'a pas non plus la lourdeur des films à oscars que l'on a l'habitude de voir. Il n'y a pas de larmoyant, c'est toujours sobre malgré une musique parfois en trop sur certaines scènes. Toutefois cela n'empêche pas d'être prenant. On ne s'ennuie pas durant les deux heures sans pour autant être passionné. Sans révolutionner et ni indispensable dans le genre, cela reste un travail de qualité qu'on ne peut que saluer. On admire plus un travail de la photographie particulièrement remarquable et des acteurs excellents (Matthias Schoenaerts en tête) dans un produit globalement trop classique et convenu pour convaincre. Tout manque de force cinématographique et suit sagement le schéma dramatique de l'histoire. 

Thomas Vinterberg soigne son travail pour livrer un beau film dans la forme mais qui finalement ne franchit pas le cap du travail bien fait. Les thèmes sont tous abordés de manière lente et avec une progression assez subtile. Tout en pudeur, les différentes émotions se dégagent lentement tout comme les différentes facettes du personnage principal qui ne sait pas trop quel chemin prendre. La petite patte de féminisme rafraîchit et modernise le ton sans jamais trop en faire. Ce n'est jamais too much. A côté de cela, on peut regretter le manque de profondeur de la violence, la romance et la psychologie des personnages, tout comme la fin trop mièvre. Le film n'est cependant pas un album de belles images ennuyeux comme on en voit beaucoup dans le genre, on y trouve une maîtrise dans le travail de la mise en scène, plus subtile que l'académisme plombant et ennuyeux. Si le montage n'a aucune envolée, la mise en scène illustre un scénario écrit avec minutie avec plus ou moins de profondeur. Parfois c'est magnifique parfois c'est un peu frustrant. Si Carey Mulligan n'est pas la meilleure actrice du monde elle assure dans le rôle d'une femme un peu contradictoire. Effectivement drôle de rôle pour cette femme à l'esprit forgé qui se veut dur comme fer mais qui réagit comme une femme douce, soumise, paumée et sensible. En face de Matthias Shoenaerts elle fait parfois petite figure, il est d'un magnétisme exceptionnel et rend son personnage superbe. Le film aurait facilement pu tourner dans une mièvrerie ou la caricature totale mais heureusement beaucoup de scènes et de sentiments fonctionnent grâce aux acteurs impeccables.

Loin de foule déchaînée est mieux que ce que l'on voit d'habitude dans le genre par sa sobriété et sa sincérité qui est une bonne essence dans un film. Dommage que le film ne s'envole jamais pour être plus grand, plus passionné et intelligent dans les pistes qu'il emprunte. Il ne peut être comparable aux plus grands films du genre car Thomas Vinterberg reste plus un bon faiseur qu'un cinéaste personnel. A l'image de l’héroïne, le cinéaste change beaucoup d'avis et ne sait sur quel pied danser dans sa filmographie. En attendant, on suit ce film ce film sage et sans prétention et au final on passe un agréable moment. Ni plus, ni moins.

Note : 6 / 10

dimanche 14 juin 2015

Le Parfum : Histoire d'un meurtrier ( Perfume : The Story of a Murderer )



Réalisation : Tom Tykwer
Scénario : Andrew Birkin, Bernd Eichinger et Tom Tykwer
Adapté du roman de Patrick Suskind
Durée : 2 h 25
Interprétation : Ben Whishaw, Dustin Hoffman, Alan Rickman...
Genre : Adaptation sans saveurs

Synopsis :

Jean-Baptiste Grenouille est un orphelin qui a un sens extraordinairement développé : son odorat. Il n'a pas d'autre passion que les odeurs qui traînent autour de lui et les découvrir. Miséreux avec son don il réussit à se faire embaucher chez des maîtres parfumeurs et apprend alors les techniques. Il réalise plusieurs chefs d'oeuvres olfactifs mais il est toujours à la recherche de mieux. Fasciné devant l'odeur d'une jeune femme, Jean-Baptiste décide de créer un parfum unique avec l'odeur de plusieurs. Il n'hésitera pas à aller jusqu'à les tuer pour voler leurs odeurs...

A l'époque, Stanley Kubrick s'était jeté sur les droits d'auteur avant que Roman Polanski ne les obtiennent pour en faire une adaptation. Le réalisateur de Shining a vite jeté l'éponge jugeant le chef-d’œuvre de Patrick Suskind inadaptable à l'écran. Depuis plusieurs prestigieux cinéastes comme Martin Scorsese, Milos Forman, Jean-Jacques Annaud, Michael Haneke, Tim Burton, Jean Pierre Jeunet ou encore Ridley Scott ont été un temps proposés sur le projet. Ils ont tous abandonnés également même s'il faut avouer (et je le comprend) que l'auteur du livre était très exigeant sur la qualité de l'adaptation de son livre au cinéma. Au bout de vingt années et avec une belle pile de billets verts (car tout s'achète avec de l'argent au bout d'un moment) le projet tombe sur le réalisateur allemand Tom Tykwer. Le film est une adaptation (trop) hollywoodienne belle et parfois bien illustrée mais qui passe à côté de l'esprit et du fond du roman.

Le Best seller de Patrick Suskind est certainement mon livre préféré donc je vais essayer d'être objectif avec le film. C'est un bijou de lecture aussi captivant que sensoriel, noir et violent qui est effectivement inadaptable au cinéma. Il faut au moins que le cinéaste se focalise sur l'odorat et développer le côté sensoriel, comme peut le faire un cinéaste comme Stanley Kubrick ou Terrence Malick. Aujourd'hui je pense que Lars Van Trier aurait pu trouver son bonheur. On trouve un peu de tout dans le livre, de l'humour, de la violence, du sexe et surtout des scènes oniriques, olfactives et de pulsions absolument fascinantes. Il y a bien d'autres choses bien entendu mais oublier cela dans une adaptation cinéma pour un livre comme Le Parfum, c'est un peu faire Harry Potter sans sorcellerie. Et ils l'ont fait hélas car déjà le scénario suit très fidèlement la trame principale du livre avec une voix off aussi monocorde qu'inutile et facile. La narration met tristement en avant le côté thriller grand public et ne privilégie que trop rarement les moments de grâce du personnage principal autour des meurtres. Les scénaristes (pourtant avec un CV sympa) zappent aussi pas mal de la psychologie et de l'ambiguïté de sa quête. Je ne parle même pas le fait d'avoir mis un beau gosse (Ben Whishaw, pourtant très bien) dans la peau de Grenouille alors que dans le livre le personnage est très laid. Le plus triste reste donc cette prise de non risque absolue autant au niveau casting que dans le scénario et la mise en scène. Bien sûr le film tronque pas mal de scènes et de détails qu'il y a dans le livre, comme dans toutes les adaptations à l'écran. C'est normal le cinéma est un autre art mais seulement il faut quand même avouer qu'ici tout reste sage dans l'ensemble de ses intentions. Cela reste même complètement superficiel, préférant traiter tous les thèmes plus classiques un petit peu tout le temps que d'affirmer de la personnalité et de la force. Cette non prise de risque et le manque de personnalité déçoivent même si le cinéaste allemand applique l’atmosphère de son film avec un beau savoir faire. 

Le visuel intéresse bien plus le cinéaste et c'est bien la seule chose qui se sent. Hormis une belle photographie et de beaux mouvements de caméras (très illustratifs) il manque un peu de toutes les saveurs attendues d'un grand film. Tout est distrayant extrêmement léché mais tout reste lisse, convenu et superficiel. Le cinéaste n'aguiche que la rétine et jamais nos émotions. La scène la plus réussie reste sans doute son premier meurtre où la mise en scène dépasse le beau savoir-faire avec un bon sens du cadre, des images et du montage. Sinon le reste est pauvre, sans idée, assez mou et pour plaire à tout le monde, contrairement au livre. On suit un plutôt un montage d'images sans déplaisir pour la rétine mais intellectuellement vide. Le film n'est finalement qu'une plate illustration de ce qu'il pouvait se mettre en image du livre. Rien de novateur, d'étrange ou ni même de message se dégagent. Ce n'est pas le genre de film où il faut des effets spéciaux, de beaux décors et de belles reconstitutions pour qu'il se dégage quelque chose. Je vais essayer de relativiser, pour ceux qui n'ont pas lu le livre, le film est, je pense, pas si mal. Beau avant tout car visuellement il faut avouer que le travail vaut le détour. Après original oui par rapport aux films que l'ont voit d'habitude car le livre et l'histoire sont assez extraordinaires. Tout le long on sent que le film est fait pour faire des millions d'entrées, sentant la grosse machine bien faite mais qui manque de panache et de charme. 

Un grand cinéaste n'est pas simplement un bon faiseur. C'est un artiste qui tente et innove, partage le public. Tom Tykwer est un peu comme J.J Abrams, Ron Howard, Taylor Hackford ou encore James Mangold : de très bons metteurs en scène mais qui n'ont que trop peu d'éclairs de génie. Voici le genre d'adaptation qui en est le parfait exemple car il fallait un génie pour mettre en scène Le parfum et hélas il ne l'a pas trouvé. Kubrick et Polanski étaient de beaux prétendants de départs. C'est bien dommage car il y aurait eu de grandes chances que leurs films aient suscités de l'intérêt. Tout comme Milos Forman, au risque de se répéter car il venait de signer Amadeus, pouvait y trouver ses thèmes avec du fantastique. Tim Burton et Jean-Pierre Jeunet auraient sans doute signés des films très visuels avec le mélange d'humour et de violence mais n'aurait le fond assez poussé à mon avis. Contrairement à Martin Scorsese ou Michael Haneke qui mettrait le fond bien plus en avant que la forme explosive. Jean-Jacques Annaud a signé par la suite Le Nom de la Rose et comme souvent le scénario passe avant la mise en scène. A mon avis, le seul cinéaste qui aurait pu le réaliser et capable de tirer une tentative de l'esprit du livre c'est David Cronenberg. Il y a ses thèmes mais aussi une forme dans ses scripts, son montage et sa mise en scène dans ses films qui plaît ou déplaît (comme le cinéma de Lynch ou Malick également) à l'image du roman. Quand on voit un film comme La Mouche, Faux Semblants ou encore Dead Zone je pense qu'il aurait pu tirer un film au moins intéressant. 

Le parfum est une adaptation bien illustrée mais dont il manque presque toutes les saveurs et surtout l'essence du roman. Il se retrouve comme son personnage principal, sans odeurs. Composé de belles images avec de bons acteurs, le résultat est distrayant comme un produit hollywoodien plutôt généreux côté noirceur et esthétique dans de belles reconstitutions et un soin esthétique certain. Ce n'est absolument pas la démarche du livre qui est ici aseptisé de l'ensemble de ses thèmes les plus intéressants et incontournables. Le Parfum ne dépasse hélas jamais le stade film d'image pour convaincre cinématographiquement. Sans être objectivement mauvais, le film passe à côté du livre mais pas à côté de son public avec des ingrédients et une forme classique. Le scénario offre à ce dernier les codes classiques du thriller qu'il aime bien pour s'accrocher à une trame du livre qui, même mise à plat, est forte et palpitante. Pour les fans du livre et de cinéma, il y a erreur sur la marchandise : on a un film avec que des images à la place des odeurs.

Note : 4 / 10

P.S : Je recommande fortement la lecture de ce livre, même pour ceux qui n'ont pas aimé le film. C'est à mon sens un livre indispensable à lire. 

jeudi 11 juin 2015

Le Convoi de la Peur ( Sorcerer )



Réalisation : William Friedkin
Scénario : Walon Green
Adapté du livre de Georges Arnaud
Durée : 2 h
Interprétation : Roy Sheider, Bruno Cremer, Francisco Rabal, Amidou...
Genre : Explosif oublié

Synopsis :

Quatre étrangers de nationalités différentes, chacun recherché dans son pays, s'associent pour transporter un chargement de Nitroglycérine à travers la jungle sud américaine. A tout moment le convoi peut exploser en mille morceaux, les imprévus météorologiques et les obstacles naturels deviennent alors une menace permanente.

Sorcerer est un film oublié pendant des années. Désormais il est connu pour son tournage, qui a été un des plus rudes pour l'ensemble de l'équipe, mais aussi pour un des échecs les plus cuisants au box office autant pour les studios Hollywoodiens que pour William Friedkin. A l'époque le film a surtout eu la mal chance de sortir le même jour que La Guerre des Étoiles de Georges Lucas et du coup a été déprogrammé des salles deux semaines après sa sortie, puis terminé aux oubliettes. Pourtant la volonté du cinéaste pour réaliser ce film remontait à très loin, un projet qui lui tenait beaucoup à cœur. Contrairement à l'auteur du livre, Henri-Georges Clouzot n'a pas été facile à convaincre pour délivrer les droits d'adaptations. Aujourd'hui la notoriété du cinéaste auprès des cinéphiles permet à ce film d'aventures de renaître et de ressortir. 

Avant de parler pleinement du film, je tiens à préciser que Le Convoi de la Peur est différent du film d'Henry Georges Clouzot Le Salaire de la Peur. Les deux films n'ont presque que le synopsis en commun. Le chef d’œuvre de Clouzot est une peinture sociale cruelle et passionnante dans sa première partie pour virer ensuite sur un magistral suspense dramatique et psychologique. Le film français est multi-langues, parfois limite documentaire, tout ce qu'il y a de plus atypique et d'un magnétisme toujours intact. Avec de manière irréprochable beaucoup de fond et de forme, le film de Clouzot est un très grand film, sans doute un des plus grands films (et français bien évidemment) de tous les temps pour ma part. La version de William Friedkin n'a pas du tout la même démarche et ne défend pas du tout le même fond. Si bien sûr le film souffre de la comparaison avec la version des années 50, c'est surtout un produit de mise en scène. Il faut l'apprécier pour cela avant tout. D'ailleurs pour résumer, c'est le scénario qui n'est pas à la hauteur du talent de Friedkin pendant une moitié du film. Le cinéaste de French Connection n'a jamais prétendu se frotter, se comparer au film de Clouzot mais plus à coller au livre original qu'il appréciait dans sa jeunesse. Ce qui fait du Convoi de la Peur un produit bien moins atypique et plus classique, du coup plus dans le moule des productions hollywoodiennes. Cela se voit dès l'introduction avec le schéma du scénario qui respecte sagement les codes du film d'aventures et d'action classique en montrant simplement les arrestations sans véritable originalité. Si le fond manque de relief, il aurait pu être plus approfondi et subtil avec une écriture plus soignée. C'est donc dans sa forme, très musclée et qui transpire bien la patte du William Friedkin de la grande époque, que le film garde de l'intérêt. Cela pour notre plus grand plaisir. 

Tout commence de manière déjà nerveuse où l'on a droit à des portraits des personnages principaux filmés à toute vitesse mais avec une écriture pas très efficaces. On retrouve un peu l'esprit d'un film comme l'Exorciste mais avec l'impression de suivre une série B laborieuse, qui a du mal à se mettre en selle. La première demie heure a du coup un peu de mal à décoller malgré la mise en scène appuyée du cinéaste. Le plus bizarre reste cette écriture brouillonne filmée de manière nerveuse du cinéaste, on a l'impression de n'avoir qu'un metteur en scène aux commandes. Heureusement une fois le convoi lancé dans la jungle le film devient beaucoup plus palpitant. Cette traversée est d'ailleurs tout l’intérêt du film et on comprend pourquoi alors le projet intéressait le cinéaste. Friedkin allie montage et suspense avec une sécheresse et un virtuose implacable et nous offre alors un morceau de bravoure inoubliable dans le genre. Un suspense intelligent et immersif nous fait y croire pour de bon. L'action, le suspense est mené avec un brio assez scotchant. En prime on a une scène d'anthologie qui reste dans les mémoires, celle de l'affiche du film : une scène folle avec le camion sur un pont qui se balance. Un suspense démentiel que je vous laisse découvrir car il faut la voir au moins une fois dans sa vie. A elle seule cette scène montre la force du film : un cinéaste nommé William Fiedkin qui est en pleine possession de sa mise en scène. C'est du grand art.

Le scénario reste sur le long mastoc et il est loin d'être virtuose et fort. Signé Walon Green, qui avait écrit auparavant un des chefs d’œuvres de Sam Peckinpah, La Horde Sauvage, le script vaut surtout pour cette traversée parfaitement écrite. A côté de cela, les personnages restent tous un peu ternes, convenus et avec des portraits psychologiques brouillons. Trop de dit ou pas assez ? Je ne sais pas trop mais l'ensemble manque globalement de force. On a l'impression qu'il manque quelque chose au début comme à la fin. Ces faiblesses coupent un peu la portée psychologique et dramatique qu'aurait pu atteindre le film et dont il a parfois la prétention de faire. Ce côté hybride donne au Convoi de la Peur un double tranchant : lorsque l'on est avant ou après cette traversée de jungle ça ne fonctionne pas vraiment. En ce qui concerne le casting vous pouvez apprécier des acteurs qui font bien le boulot. Si Roy Scheider est le plus connu de tous, j'ai trouvé que c'est Bruno Cremer qui y est le plus brillant. Il donne le plus de corps et d'émotions à son personnage qui pourtant n'est pas très bien écrit lui aussi. L'acteur francophone est peut-être la vraie grande surprise de ce film même si je n'ai jamais douté de son talent. Peut-être la seule car on savait que Friedkin était un grand cinéaste et l'histoire du film déjà exploité avec celui de Clouzot.

Sorcerer est une adaptation irrégulière mais une redécouverte néanmoins captivante et spectaculaire. Si Friedkin voulait Steve McQueen et Lino Ventura à la base, cela ne change pas grand chose car ce n'est pas l'interprétation et le charisme qu'il manque. C'est un scénario plus percutant et original. Mais le film est un beau morceau de bravoure dans la jungle et tient en haleine sur plus d'une heure. Seul moment où il possède un scénario à la hauteur de la mise en scène du cinéaste : c'est simplement excellent. Le reste est long et manque de cachet. La fin mis à part quelques surprises de violences, est un peu lisse, un peu loupée. On savoure pendant deux heures le travail d'un cinéaste du nouvel Hollywood en pleine forme par une formidable utilisation du montage et de la musique. Comme Spielberg, Scorsese, Coppola, Peckinpah, Aldrich ou encore Brian De Palma, Friedkin est dans le cœur des cinéphiles et Le Convoi de la Peur se montre comme un produit de bonne facture qu'il serait dommage de rater. Autant pour les fans du cinéaste, du nouvel Hollywood et du genre. 

Si ce n'est pas chose faite visionnez avant tout le film d'Henry Georges Clouzot Le Salaire de la Peur. Vanel et Montand sont exceptionnel et l'ensemble d'une force internationale et une portée intemporelle. Friedkin ici manque d'un scénario plus ou moins étoffé pour livrer un plus grand film. Cela aurait pu être bien mieux mais le résultat reste tout de même une agréable redécouverte tant un metteur en scène comme William Friedkin est rare sur les écrans. Un Friedkin mineur mais intéressant. 

Note : 6,5 / 10

P.S : Après des années de promesses, Sorcerer va enfin ressortir en blu ray et dans les salles en version restaurée sous la direction de William Friedkin. Un cycle à la cinémathèque permet de redécouvrir son oeuvre et ce film maudit. Il va ressortir dans l'été 2015 dans les salles françaises pour une ressortie et je recommande largement plus d'aller le voir dans l'obscurité pour en profiter pleinement. 

lundi 8 juin 2015

Une journée bien remplie



Réalisation et scénario : Jean-Louis Trintignant
Durée : 1 h 25
Interprétation : Jacques Dufilho, Luce Marquand, Franco Pesce...
Genre : Insolite culte

Synopsis :

En compagnie de sa mère, un boulanger part une journée en Side-Car trucider les neufs jurés qui ont condamné son fils.

Oui vous avez bien lu un synopsis aussi long, compliqué et alambiqué qu'un film de Quentin Tarantino sorti bien des années plus tard : Kill Bill. Le premier film de l'acteur Jean-Louis Trintignant n'est pas un exercice de style mais lui aussi un produit atypique. Une drôle de comédie dans tous les sens du terme que ce soit dans le fond comme dans la forme. Un film comme on en a jamais en France mais plus en Italie ou en Angleterre à cette époque là. Sans pour autant être parfait, Une journée bien remplie reste une perle funèbre avec très peu de dialogues, beaucoup d'humour noir, de burlesque et un Jack Dufilho absolument charismatique. Accrochez vos ceintures !

Le film est bien écrit, réalisé et rythmé sur une bande son inspirée et souvent très présente. On suit sur du Bach et du Verdi des scènes de meurtres calculées, originales et souvent jouissives. Toutes ces scènes sont orchestrées de manière aussi machiavélique que drôle et avec une certaine efficacité. Trintignant réalise avec un décalage régalant avec un suspense millimétré à l'image du timing du boulanger pour exécuter neuf personnes en journée dans toute une région. Le résultat est prenant. Si le film connaît un léger bas sur une dernière poursuite qui traîne dans les vingt dernière minutes, la démarche n'en est pas moins désopilante et surprenante. Le jeu des acteurs jouent à fond le décalage pour notre plus grand plaisir. Le scénario prend aussi le risque de surprendre avec des imprévus et des poursuites assez folles et complètement incensées. C'est juste bidonnant alors si vous n'aimez pas l'absurde passez votre chemin. Cependant cela reste de l'absurde bien orchestré et non complètement débridé à en perdre le fil de l'intrigue.

Bruno Nicolai signe à côté des morceaux classiques une bande originale qui ressemble aux musiques d'Ennio Morricone. Du coup cela ressemble un peu a un pastiche noir du western de Sergio Léone dont le film fait ouvertement référence souvent, c'est très drôle. Les quelques répliques qui sortent de la bouche des personnages restent en tête, des plans longs qui travaillent sur l'action, la démarche, les mimiques des personnages ainsi que le travail du son sont remarquables. Si le film pourrait aujourd'hui à première vue se démarquer avec un navet de l'époque pour son aspect plus couillu et mieux conservé, le film de Trintignant reste une réussite par sa constante justesse dans son registre. Il garde sans cesse l'inventivité et la sobriété pour traverser les années sans problème. Cet ovni est un genre de délire qui utilise la comédie policière, le film noir plus tendance funèbre, le burlesque et le western sans concession ni limites. Le décalage et l'inventivité gagnent en puissance de meurtre en meurtre, on en regretterai presque qu'il n'y ai que neuf jurés à liquider. Jusqu'au dernier plan, on sourit devant cet ovni assez noir très distrayant et original. Tout du long le spectacle reste délicieusement vachard et macabre. 

Le film est ressorti en dvd dans la collection introuvable Fnac que je recommande. Même pour ceux qui le possède déjà, c'est toujours mieux que la VHS car en plus la restauration est très bonne. J'avais découvert le film plus jeune et que je l'ai revu avec plaisir il y a peu de temps. C'est le premier (et le meilleur film) de l'acteur Jean-Louis Trintignant et un rôle en or pour Jacques Dufilho et sa tête si particulière. Parfois un film fait exception dans la comédie française et Une journée bien remplie est un exemple parfait. Seulement au vu de sa non renommée, c'est un de mes rares films cultes qui est complètement à redécouvrir pour beaucoup de monde. Dans ma génération surtout.

Note : 8,5 / 10

La dévédéthèque parfaite :


Ne nous fâchons pas de Georges Lautner, Kill Bill 1 & 2 de Quentin Tarantino, Mon Oncle de Jacques Tati et Monty Python Sacré Graal des Monty Pythons.  

Gravity



Réalisation : Alfonso Cuaron
Scénario : Jonas et Alfonso Cuaron
Durée : 1 h 30
Interprétation : Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris...
Genre : Attraction peu futée

Synopsis :

Le Docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne pour sa première expédition à bord d'une navette spaciale l'astronaute chevronné Matt Kowalsky. Lors d'une réparation à l'extérieur, la navette est détruite par des météorites. Stone et Kowalsky se retrouvent seuls, livrés à eux même dans l'univers.

Le film de science fiction tant attendu et souvent vanté, nommé chef-d’œuvre avant même sa sortie n'est en fait qu'une attraction 3D spectaculaire que durant sa première demie heure. La dernière heure peine à convaincre par son piètre scénario et la mise en scène éléphantesque d'Alfonso Cuaron n'arrange rien dans ce survival creux et vain. Ce film est une prouesse dans la technologie 3D mais n'a sa place que pour Disneyland ou un parc d'attraction à son égard car son intérêt cinématographique ne se résume uniquement pour quelques plans séquences sensationnels.

Le début du film est « terrific » comme nous le dit ouvertement notre cher vendeur de café favori (alias George Clooney). Les plans séquences que l'on connaît chez le cinéaste, le travail du cadre et de la 3D sont spectaculaires et immersifs. Seulement très rapidement le cinéaste y va vraiment avec les gros sabots et n'a plus rien à dire à part n'utiliser que les silences et la musique assourdissante à outrance. Recette efficace au début mais très vite éculée. Tout finit par vite tourner à vide formellement et rien ne parvient jamais à évoluer ou nous offrir autre chose que le jeu limité de Sandra Bullock. D'autant que pour la première fois le cinéaste a un scénario particulièrement vide, absolument pas novateur et en plus truffés de clichés et d'incohérences. On expédie des dépressifs dans l'espace maintenant. Une bonne déception donc pour ce film qui connaît un grand engouement exclusivement pour sa technique. Scénario connu actuellement hélas.

C'est plus un scénario too much à la James Cameron qu'à l'Alfonso Cuaron que nous connaissions jusque là que possède Gravity. Avec un tel postulat de base, le film n'aurait du durer que trois quart d'heure car ici on peut dire bonjour aux psychologies superficielles et incohérentes et dire au revoir au fond qui a des tripes. Le script refait un peu Alien sans Alien mais surtout sans Sigourney Weaver. Sandra Bullock n'a pas le charisme, ni le talent de l'alias Ripley. Désolé pour la comparaison facile, mais il faut avouer que c'est tout de même très maladroit de mettre une actrice au talent limité qui ne fait que parler, sans être drôle, ni touchante et encore moins attachante pendant toute le voyage. De plus elle dit aimer le silence alors qu'elle ne fait que parler et nous casse les oreilles. Sans un brun de second degré, tout est d'un sérieux qui est limite douteux quand le fantôme de George Clooney revient se prendre un petit café (évidemment) au milieu de l'aventure pour une entracte qui fait du bien autant à Sandra Bullock qu'à nous. Vous l'aurez compris j'aurai largement préféré que ce soit Clooney qui nous tienne compagnie durant ce film. Même en faisant une pâle copie de John McClane cela aurait sauvé un peu l'honneur. A la fin il n'y a pas de surprises, j'aurai bien plus préféré qu'elle n'y arrive pas. Cela aurait changé un peu de ce que l'on voit d'habitude et donné la seule touche d'originalité qu'il manque tout le long de ce film. Surtout que Cuaron peut se permettre d'être noir car il est souvent violent et surprenant dans ses précédents films. Peut-être pas avec son fils au scénario faut croire qui enlève tout fond. 

Je suis finalement ressorti de la séance avec plus de tournis et de déception qu'avec du suspense et des sensations. Cuaron est un excellent technicien (on le savait depuis son Harry Potter) mais ici tout est tellement réalisé pour que ce soit une attraction que l'ensemble tourne vite à vide. Le cinéaste n'a rien à montrer d'intéressant de plus que sa 3D dès le premier tiers du film qui n'a pas de scénario en sa faveur. Aucun fond, aucune ambiguïté et aucun charisme, Gravity n'est rien de plus un pétard mouillé qu'un film à retenir dans le genre. Le plus grand mystère de ce film reste pourquoi on l'a un peu partout comparé avec le film de Stanley Kubrick 2001 l’odyssée de l'espace ? Je ne comprend pas car cela n'a rien à voir. Même si c'est dans le côté sensoriel, j'en ris encore.

Note : 3,5 / 10


PS : Ce film ne vaut le coup qu'en salle de cinéma et en 3D. Inutile de le voir sur un petit écran ou la télévision, vous en perdez 90 % de son intérêt.  C'est à dire tout son intérêt.

dimanche 7 juin 2015

Fargo



Saison 1 :

Synopsis :

Lorne Malvo, tueur à gages et manipulateur hors pair verse le sang sur son passage. Notamment dans la petite ville du Minnesota en émoi suite à quelques cadavres laissés ici et là. Adjointe du shérif très futée, Molly Solverson mène son enquête. Parviendra t elle a faire éclater la vérité ?

Genre : Twin Peaks et Breaking Bad chez les Coen

Série inspirée du film des frères Coen Fargo.

A l'annonce de cette série, je ne cache pas que j'ai trouvé ça étonnant et même un peu commercial de faire bifurquer le chef-d’œuvre des Frères Coen en série. Ensuite quand j'ai appris que les deux créateurs étaient producteurs exécutifs et que Billy Bob Thornton et Martin Freeman seraient dedans : là, ça m'a tout de suite donné l'envie de la voir. Lorsque l'on voit le résultat tout doute est balayé dès le pilote, il faut avouer qu'en plus d'être superbement écrite et mise en scène cette série est simplement grandiose dans tous les sens du terme.

Même si ce ne sont pas les frères Coen aux commandes, on retrouve une série qui en garde l'esprit par son côté noir, violent et décalé mais aussi imprévisible. Un créateur et scénariste nommé Noah Hawley et trois réalisateurs s'unissent et s'affranchissent les codes des séries classiques pour signer un remarquable policier dans l'univers du film Fargo. Remplie de surprises, d'inventivités de mise en scène et d'une galerie de personnages plus ou moins attachants (complètement fous, débiles, charismatiques, intelligents ou antipathiques : vous avez le choix ! ) cette série possède un parfait compromis entre l'esprit original des frères Coen et l'inventivité que l'on peut attendre d'une série aujourd'hui. On se retrouve chez les frères Coen avec des traits scénaristiques et leur ton particulièrement appuyés pour notre plus grand plaisir. Tout est exagéré mais ne tombe jamais dans le ridicule ni la parodie car tout passe par une sublime mise en scène. Le thème musical de Fargo est reprit ainsi que le rythme lent et contemplatif parsemés de situations cocasses et noires.

Étendu sur dix épisodes la série reprend en quelques sortes les codes de la célèbre série Twin Peaks mais dans l'univers des Frères Coen. C'est simplement jouissif. On retrouve un peu le personnage de William H Macy dans celui interprété par Martin Freeman, la policière enceinte intelligente et attachante ou encore l'argent perdu laissé par Steve Buscemi ici retrouvé traités avec de belles habiletés. La série a également le très bon goût de ne pas se cacher derrière les références et le ton de manière trop respectueuse des frères Coen. Tout en étant respectueux le scénario propose des morceaux de bravoures superbes et marquants. Surtout en développant le génial Billy Bob Thornton en tueur très référencé au Javier Bardem de No Country For Old Men, plus bavard mais aussi plus violent. C'est une promesse plus que remplie car c'est aussi la grande force de la série. En face les policiers et la galerie de personnages stupides sont là pour nous rappeler que nous sommes toujours dans l'univers déjanté des Coen. Jamais niaise, ni parsemée de clichés, c'est avec une sobriété et une constante tension que la série surprend de bout en bout et ceci même avec le rythme lent. Jamais un générique n'est pareil, ni la durée, ni la construction scénaristique de l'histoire ce qui rend un côté bien plus imprévisible à l'ensemble. Le pilote et dernier épisode sont un peu plus longs que les autres, les épisodes 7 et 8 un peu plus lents dans le rythme et la narration mais tous gardent l'attention et le suspense par une superbe écriture. Le travail et la mise en scène au millimètre entretiennent un suspense lent et un magnétisme d'une redoutable efficacité. C'est jamais brouillon, souvent énigmatique et avec des répliques venue de nulle part, un peu à l'image de la série. Une véritable bouffée d'air frais qui se démarque de toutes les séries actuelles qui à côté de Fargo ne sont presque que des amuses bouches écrites et montées pour regarder l'épisode suivant. On est ici dans une série purement cinématographique et peut-être le meilleur exemple à donner et à suivre de cette mode envahissante.


Interprétation, écriture, mise en scène, musique, montage tout est brillant et magistral dans cette première saison. Le film et l'esprit des frères Coen sont tous deux respectés tout en proposant du spectacle de haut de gamme. Son lot de surprises, son efficacité et son humour noir mortel dans tous les sens du terme. Fargo pour moi c'est tout le meilleur de l'intégralité de la série Breaking Bad en terme de développement et de suspense. D'ailleurs on retrouve l'excellent Bob Odenkirk dedans également. Une série surprenante avec des acteurs et des dialogues exceptionnels qui ne se noient pas dans les rallonges, la psychologie et le suspense inutile. Pour ma part les répliques de Billy Bob Thornton vont certainement me hanter et me rassasier de serial killer pendant pas mal d'années. Vivement la saison 2 en espérant que le spectacle soit du même acabit.  En attendant, je confirme haut la main que ce bijou mérite son engouement et ses notes dithyrambiques au même titre que le film original des frères Coen. C'est dire le niveau. 

Note : 10/ 10





Saison 2 :

Genre : Coen et Tarantino à la sauce 70's

Après une monumentale première saison, cette seconde saison se faisait attendre de la part de pas mal de fans. Peut-être un peu trop car je la trouve un peu inférieure à la précédente alors qu'elle reste tout de même un grand moment de télévision. 

On revient dans le passé de la première saison, dans les années 70, des looks aux split screen en masse, tout est au rendez-vous pour nous replonger dans l'univers de Fargo. De beaux personnages toujours (ultra) violents que (ultra) bavards et (ultra) charismatiques nous sont présentés mais de manière un peu plus lisse et sage que dans la première saison. Le fond de la première saison suivait plus le discours fou du tueur interprété par Billy Bob Thorthon alors que dans cette saison, on flirte plus sur celui du flic incarné par le très bon Patrick Wilson. Du coup l'ensemble paraît un peu plus sage et respectueux mais pas moins dénué de qualité. 

Pas de panique pour autant, si tout est plus sage, la saison possède son lot de surprises et de belles scènes. On se retrouve avec une guerre de famille mafieuse comme dans Miller's Crossing avec un couple de losers assez génial (Kirsten Dunst et Jesse Plemons) et les policiers fidèles à l'esprit de Fargo. On retrouve un indien marginal à la Sam Peckinpah et un black bavard tout droit sorti d'un film de Quentin Tarantino, les dialogues à l'appui de la référence. C'est très souvent savoureux. 

Noah Hawley continue à osciller de manière assez virtuose dans le juste équilibre de l'hommage au cinéma des frères Coen et la série d'auteur. Si la mise en scène est plus sage que la précédente saison, on apprécie le savoir faire, les clins d'oeil et l'écriture qui fonctionnent et nous transportent dans une intrigue qui ne manque pas de surprise et de suspense. Encore une fois sans être niais et sans entrer dans les facilités, chaque épisode impose son rythme, son message et se met au service de l'histoire. Jamais on ne ressent un cahier des charges, la série est un long film qui se fait et nous fait plaisir, comme la première saison. On peut donc dire que la continuité est respectée.

Belles musiques, interprétations et dialogues solides, on ne regrette pas ce retour dans le passé quand on assiste à la fusillade finale, entre Sam Peckinpah et Steven Spielberg, ou encore l'épisode 8, savoureux huis clos porté par le personnage illuminé de Kirsten Dunst. La première saison était si exceptionnelle qu'il serait dommage de penser que celle ci ne vaille pas le coup d'oeil. Au contraire, il faut la voir car elle symbolise cet âge d'or actuel de la série télé ou tous les scénaristes du cinéma s’éclatent à écrire les histoires qu'ils veulent et aiment. Une partie de plaisir souvent partagée quand le résultat est à la hauteur de Fargo

Note : 8 / 10

Carrie au bal du diable ( Carrie )



Réalisation : Brian De Palma
Scénario : Lawrence D. Cohen
D'après le livre homonyme de Stephen King
Durée : 1 h 40
Interprétation : Sissy Spacek, Piper Laurie, Nancy Allen, John Travolta... 
Genre : Culte qui se bonifie

Synopsis :

Tourmentée par une mère névrosée et tyrannique, Carrie White n'a pas la vie rose. D'autant plus qu'elle est tête de turc des filles au collège. Elle ne fait que subir et ne peut rendre les coups jusqu'à ce qu'elle découvre qu'elle possède un étrange pouvoir surnaturel. 

S'attaquer à un film comme Carrie n'est pas simple. Cela peut-être très long comme court. Long pour tenter de mettre à plat l'extrême richesse psychologique et cinématographique du film, que des analyses plus ou moins passionnantes se chargent de nous nourrir un peu partout avec le temps. Court, le temps de visionner simplement le film et redécouvrir à chaque visionnage la maestria de Brian De Palma et la force formelle de sa mise en scène dans un film, ici dans toute sa splendeur. Aujourd'hui Carrie est un film toujours culte, un des plus grands et riches dans le genre horrifique mais aussi dans l'oeuvre de Brian De Palma. 

Pour l'anecdote, c'est Brian De Palma qui a lancé la carrière de Stephen King en adaptant son livre avec ce film. Stephen King ne peut pas lui enlever ce mérite bien que le scénario présente, comme d'autres des adaptations au cinéma par la suite, une version du livre à sa manière et différente. Le livre manipulait froidement, de manière implacable et forte les différents thèmes de l'adolescence. La violence, la découverte de soi ainsi que la place sociale et le fait d'avoir des pouvoirs fantastiques y sont entre autres développés. De Palma a su capter l'essence principale du roman pour la livrer de manière magistrale à l'écran, et particulièrement visuellement. De Palma hypnotise le spectateur avec son sens de l'image, de la musique et du montage qui est propre à son style. Il nous offre ensuite un ballet de sensations pour le moins exceptionnel et fait ensuite ce qu'il veut de son spectateur. Il nous manipule avec grande élégance en ajoutant progressivement les pièces de son puzzle du portrait psychologique de Carrie puis ensuite de la folie et de l'action avec la fameuse scène du bal. Dès premier plan, le cinéaste nous plonge en un mouvement de caméra dans la peau de Carrie. C'est ensuite suivi d'une scène de générique intrigante et fantastique qui nous fait définitivement entrer dans l'intimité de Carrie. Filmée comme un Climax le générique termine sur l'événement déclencheur (les premières règles) : peut-être un des plus habiles du cinéma. 

Carrie possède déjà ses pouvoirs et à son image ils sont discrets et restent énigmatique. Comme Carrie nous ne connaissons pas leurs forces et surtout leur utilisation, on cherche à les découvrir. Ils resteront peu dévoilés durant les deux tiers du film jusqu'à la fameuse scène du bal ou Brian De Palma sort lui aussi son pouvoir si cher : le Split Screen. En laissant en second plan les pouvoirs l’écriture crée un suspense de plus en plus bouillonnant pour exploser au moment de l'humiliation. Cette peur de l'inconnu et cette non maîtrise des pouvoirs que Carrie possède reste en toile de fond et grimpe comme la terreur avec un crescendo superbe. De Palma lui finit par étirer sa scène de bal folle et violente vers une formidable scène de terreur familiale et l'éducation. Tout le travail des plan de la mise en scène sont d'une formidable inventivité. De Palma est ici dans son style qui flirte entre le Giallo de Dario Argento, la série B horrifique et bien sûr la forme d'un film fantastique à la Hammer. 

De Palma mène la danse et nous orchestre un véritable ballet où valse une palette remplie d'émotions cinématographiques. Du début à la fin le rire, la satyre, la tristesse, la compassion, la tension et l'étrange s'associent tour à tour avec une virtuosité absolue. L'interprétation magnétique des acteurs (Sissy Spacek et Piper Laurie sont absolument remarquables), les mouvements de caméra accompagnés d'une partition folle de Pino Donaggio sont d'une intelligence et d'une habileté magistrale. Le vocabulaire visuel si unique à De Palma est ici au diapason, comme l'on retrouve dans les meilleurs films du cinéaste. Le spectateur est effectivement plongé dans un opéra cinématographique sanglant maîtrisé et hypnotique comme l'on trouve chez des cinéastes comme Stanley Kubrick, Jim Jarmusch ou encore Sergio Leone. Lentement le film joue avec nos nerfs, fait monter et descendre la tension, ajoutant son grain de sel constamment sur le travail spacio temporel. La scène du bal est d'un étirement remarquable ou même quand ça passe à l'action, tout est savamment dosé et écrit. Le fond très riche et particulièrement touchant et surtout comment ne pas être touché par le personnage de Carrie ? 

De Palma ne fait rien de gratuit, ne copie pas, n'utilise aucune facilité et encore moins des cliché. Tous les personnages et l'action sont particulièrement travaillés et ne tombent jamais dans le ridicule. La musique superbe et son thème rendent immortel l'ensemble qui en fait à mon avis un classique car le film a de la force du début à la fin sur tous les domaines. Il ne retombe jamais. Enfin pour son quatrième film le cinéaste coupe le cordon aux grandes références hitchockiennes souvent trop explicite de ses trois précédents films. Carrie est avec Phantom of the Paradise un des premiers films du début de sa carrière qui ne reprenait pas vraiment des narrations de classiques d'Hitchcock. Sinon autre que cela que retenir de Carrie ? Avant tout un souffle typiquement représentatif de la nouvelle vague des années soixante dix. Alors que Carpenter signait Halloween, Polanski Rosemary's Baby, Friedkin L'exorciste, Spielberg Les Dents de la Mer le cinéma offrait une vision de l'horreur sous un autre jour et le film de De Palma en fait partie. La version De Palma reste une des plus suggestive et émotionnelle, la plus hypnotique dans sa forme visuelle mais aussi sans doute la plus psychologique avec le film Repulsion de Polanski sorti quelques années auparavant. 

Tout en étant très fidèle à l'esprit de Stephen King, De Palma insuffle de la simplicité au film d'horreur ainsi qu'une peur bien plus effrayante que le fantastique habituel : l'Être humain. Le scénario introduit et ajoute au compte goutte la folie, la violence, la paranoïa, la jalousie, la vengeance de manière gracieuse et forte. Le plus horrible dans cette histoire restent que vous le vouliez ou non me croire ces garces qui harcèlent Carrie. Même si Carrie dégénère et engendre un massacre d'une violence physique et psychologique totale, on ne peut qu'avoir quand même de la compassion et de l'appréhension pour Carrie. Perdue sur le plan social, familial et personnel, tous les tourments de l'adolescence remontent à la surface et rendent la violence, la démarche et le côté émotionnel à un paroxysme rarement obtenu au cinéma. Un peu comme Taxi Driver de Martin Scorsese à la même époque des émotions viscérales sur le mal ressortent et grouillent au fond de nous. Une vision de la violence, de la société et de l'Homme tout a fait approfondie et effrayante. 

La religion en prend pour son grade également avec une Piper Laurie qui reste dans les annales autant pour sa prestation que pour son personnage extrême. On retiendra également bien évidemment le charme envoûtant de Sissy Spacek qui avait donné tant de peps au premier chef d'oeuvre de Terrence Malick La balade sauvage et quelques années plus tard au grand film de Robert Altman Trois femmes. A noter une des première apparition de John Travolta et la première collaboration du cinéaste avec Nancy Allen. Le film a eu un problème de promotion que De Palma regrettera et le succès du film à l'époque aussi : film d'horreur d'Halloween. Toujours étiqueté comme cela, le film reste culte et reconnu simplement parce que c'est un bon film alors que ce n'est pas un Slasher. C'est une toute autre approche de l'horreur comme heureusement d'excellents cinéastes qui adapteront Stephen King nous offriront par la suite. 

Que l'on trouve le film trop simple ou pas assez développé par rapport au thème ou au livre de Stephen King je peux comprendre. Ne vous fiez pas qu'à une seule lecture. Comme tout grand film il se savoure de diffusion en rediffusionCarrie pour moi reste avant tout un film de mise en scène par excellence. En plus d'être la consécration du style Brian De Palma avec une atmosphère et une maîtrise unique il reste sans doute un des meilleurs  films sur l'adolescence. Un cinéaste qui utilise toutes les lettres de noblesses du cinéma ce n'est pas si courant et il frappera encore par la suite. Carrie est un des cinq meilleurs films de De Palma soit tout simplement un des meilleurs films du cinéma. 

Note : 10 / 10

La dévédéthèque parfaite

Christine de John Carpenter, Pulsions de Brian de Palma, Shining de Stanley Kubrick et Taxi Driver de Martin Scorsese.