mercredi 5 août 2015

La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et un Fusil




Réalisation : Joann Sfar
Scénario : Gilles Marchand et Patrick Godeau
d'après le roman de Sébastien Japrisot
Durée : 1 h 30
Interprétation : Freya Mavor, Benjamin Biolay, Elio Germano, Stacy Martin... 
Genre : Dans le décors

Synopsis :

Elle est la plus rousse, la plus myope, la plus sentimentale, la plus menteuse, la plus vraie, la plus déroutante, la plus obstinée, la plus inquiétante des héroïnes. La dame dans l'auto n'a jamais vu la mer, elle fuit la police et se repère sans cesse qu'elle n'est pas folle. Pourtant... 


Quarante-cinq ans après Anatole Litvak, c'est au tour de Joann Sfar de se frotter à l'adaptation de l'excellent bouquin de Sébastien Japrisot. A l'époque, le cinéaste d'origine russe développait avec habileté son langage cinématographique très hitchockien dans une fraîche et honorable adaptation. Aujourd'hui, Joann Sfar souhaite plus faire ressortir le côté troublant et cauchemardesque du livre en se rapprochant du cinéma de David Lynch. La démarche est assez logique car le livre possède également cette facette particulière, du moins dans sa première partie. Hélas pour nous, le cinéaste du Chat du Rabbin ne parvient pas à nous transporter malgré toutes ses bonnes intentions et surtout après une heure et demie de tentatives loupées. Sa mise en scène tourne à vide à cause d'un scénario trop mauvais pour tenir la route. Les acteurs comme le cinéaste sont complètement à côté de la plaque.

Ce film montre très rapidement les limites du talent de metteur en scène de Joann Sfar. Dans son premier film déjà le cinéaste maîtrisait bien plus l'image que le reste. Si ici son montage possède un rythme soutenu, la mayonnaise ne prend pas. Joann Sfar illustre visuellement tant bien que mal un scénario qui ne suit que platement et sans habileté la trame principale du livre. Les personnages et l'intrigue sont creux et surtout pas du tout développés. Les scénaristes ont survolés toute l'essence du bouquin. Tous les détails intéressants sont balayés pour se concentrer sur l'intrigue principale juste abracadabrantesque et finalement décevante. L’écriture est vide, aseptisée et transforme une histoire à la base au suspense troublant et scotchant en un patchwork sans âme et sans aucune énergie. On comprend pourquoi Joann Sfar ne s'attache pas au script et qu'il tente de son côté de rendre une atmosphère troublante. Malheureusement pour nous, lui non plus n'est pas intéressant. Rapidement il meuble avec des scènes et utilise de manière inefficace des effets. Si le scénario ne lui permet pas souvent d'étaler sa mise en scène, Joann Sfar n'est pas un cinéaste fait pour ce type de film.

Joann Sfar possède beaucoup de références au cinéma des années soixante, soixante dix mais se contente uniquement d'assembler des images pops et lisses que celles vénéneuses et troublantes attendues. Visuellement il est plus proche d'un François Truffaut aseptisé et que de David Lynch et rate le coche car il ne sait jamais utiliser à bon escient le vocabulaire cinématographique indispensable pour ce genre de défi et d'immersion. Pendant toute la durée du film, il nous attaque par tous les moyens photographiques et de montages pour créer quelque chose, une tension, une séquence ou une scène marquante mais rien ne fonctionne. Au final on suit un mauvais scénario avec un metteur en scène qui se réfugie plus dans le graphisme soigné et l'hommage que dans la tentative de faire son film. Par dessus, les dialogues sonnent vraiment faux : un vrai fiasco. Le rythme de montage très publicitaire et décousu ne donne aucune cohésion à l'ensemble. Tout n'est pas cohérent, on est dans un ensemble sans queue ni tête, absurde, décousu et vite agaçant. Rien ne fonctionne et on subit même un festival d'effets souvent clichés et tout le temps fades typés du cinéma sixties et seventies. Je ne sais pas si c'est la mise en scène ou le scénario qui est le plus raté des deux mais dans tous les cas ils ne s'accordent à aucun moment l'un à l'autre. Les deux ne sont pas bons et jamais sur la même longueur d'ondes. L'impression de voir un enchaînement de pubs et de séquences loupées qui ne servent à rien se ressent à l'image du temps qui se met à passer lentement. Si la photographie est réussie, les split screen sont ratés et ne servent à rien. Sans parler des images subliminales inutiles sur le corps dans la voiture et la scène de l’hôtel qui sont d'une nullité absolue autant dans l'écriture que dans la forme.

Le cinéaste utilise avec outrance et lourdeur la musique et fait pencher son exercice de style parfois dans une démonstration désespérante. La bande son est autant une musique composée qu'avec des morceaux pré existants. Je ne saurais dire si elle est mauvaise mais elle est surtout victime d'une très mauvaise utilisation. Jamais le montage ne la rend utile et convaincante. On a souvent l'impression comme pour la mise en scène que les musiques meublent juste le vide du scénario pour instaurer un semblant d'ambiance ou une once de trouble. On y croit pas car tout est en toc. Dans la mise en scène on peut percevoir des intentions louables, des plans et des effets même parfois fonctionnent mais en face d'autres sont si grotesques, si inutiles et utilisés de manière si abusives que tout retombe à plat. Tout finit par tourner en rond, on suit un metteur en roue libre qui se moque totalement de son (pitoyable) scénario. Dommage pour le spectateur qu'il n'y ai même pas un minimum de savoir faire de la part de Joann Sfar et même pas un moindre effort de la part des scénariste de faire un histoire qui tienne la route. La pitoyable direction d'acteur enfonce le clou définitivement vers la sortie de route définitive : une véritable catastrophe. Elio Germano en fait des tonnes mais ça peut passer quand on voit le jeu pitoyable de Stacy Martin, pourtant juste chez Lars Van Trier. Freya Mavor n'est pas si bien exploitée et ne joue pas toujours juste. Joann Sfar l'exploite pas assez. Le meilleur reste le chanteur Benjamin Biolay qui faisait déjà un bon « loup » dans Au bout du conte d'Agnès Jaoui. Je ne misais pas du tout sur lui avant mais il est vrai que sa voix fonctionne bien, il est peut-être à lui seul la seule bonne idée du film.


La dame dans l'auto avec des lunettes et un fusil est un excellent livre que je recommande contrairement à son adaptation cinématographique de 2015. Ce n'était pas un film pour Joann Sfar et encore moins un choix judicieux pour une commande. Réputé inadaptable, le troisième livre de Sébastien Japrisot était à proposé idéalement à un cinéaste comme Brian de Palma, les frères Coen ou encore Bong Joon Ho. Des cinéastes qui pouvaient en tirer un exercice de style intéressant et fidèle au livre à la fois. Ne perdez pas votre temps devant ce film et essayer plutôt de guetter une ressortie en support de la version de 1970 d'Anatole Litvak.  

Note : 2 / 10

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