Réalisation : Joann Sfar
Scénario : Gilles Marchand et Patrick Godeau
d'après le roman de Sébastien Japrisot
Durée : 1 h 30
Interprétation : Freya Mavor, Benjamin Biolay, Elio Germano, Stacy Martin...
Genre : Dans le décors
Synopsis :
Elle est la plus rousse, la plus myope, la plus sentimentale, la plus menteuse, la plus vraie, la plus déroutante, la plus obstinée, la plus inquiétante des héroïnes. La dame dans l'auto n'a jamais vu la mer, elle fuit la police et se repère sans cesse qu'elle n'est pas folle. Pourtant...
Quarante-cinq ans après Anatole
Litvak, c'est au tour de Joann Sfar de se frotter à l'adaptation de
l'excellent bouquin de Sébastien Japrisot. A l'époque, le cinéaste
d'origine russe développait avec habileté son langage
cinématographique très hitchockien dans une fraîche et honorable
adaptation. Aujourd'hui, Joann Sfar souhaite plus faire ressortir le
côté troublant et cauchemardesque du livre en se rapprochant du
cinéma de David Lynch. La démarche est assez logique car le livre
possède également cette facette particulière, du moins dans sa
première partie. Hélas pour nous, le cinéaste du
Chat du Rabbin ne parvient pas à nous transporter malgré toutes ses
bonnes intentions et surtout après une heure et demie de tentatives
loupées. Sa mise en scène tourne à vide à cause d'un scénario trop
mauvais pour tenir la route. Les acteurs comme le cinéaste sont
complètement à côté de la plaque.
Ce film montre très rapidement les
limites du talent de metteur en scène de Joann Sfar. Dans son premier film
déjà le cinéaste maîtrisait bien plus l'image que le reste. Si
ici son montage possède un rythme soutenu, la mayonnaise ne prend
pas. Joann Sfar illustre visuellement tant bien que mal un scénario
qui ne suit que platement et sans habileté la trame principale du
livre. Les personnages et l'intrigue sont creux et surtout pas du
tout développés. Les scénaristes ont survolés toute l'essence du
bouquin. Tous les détails intéressants
sont balayés pour se concentrer sur l'intrigue principale juste
abracadabrantesque et finalement décevante. L’écriture est vide,
aseptisée et transforme une histoire à la base au suspense
troublant et scotchant en un patchwork sans âme et sans aucune
énergie. On comprend pourquoi Joann Sfar ne s'attache pas au script
et qu'il tente de son côté de rendre une atmosphère troublante.
Malheureusement pour nous, lui non plus n'est pas intéressant.
Rapidement il meuble avec des scènes et utilise de manière inefficace des effets. Si le scénario ne lui permet pas souvent d'étaler sa mise en scène, Joann Sfar n'est pas un cinéaste fait pour ce type de
film.
Joann Sfar possède beaucoup de
références au cinéma des années soixante, soixante dix mais se
contente uniquement d'assembler des images pops et lisses
que celles vénéneuses et troublantes attendues. Visuellement il est plus proche d'un François Truffaut aseptisé et que
de David Lynch et rate le coche car il ne sait jamais utiliser à bon
escient le vocabulaire cinématographique indispensable pour ce genre
de défi et d'immersion. Pendant toute la durée du film, il nous attaque par
tous les moyens photographiques et de montages pour créer quelque
chose, une tension, une séquence ou une scène marquante mais rien
ne fonctionne. Au final on suit un mauvais scénario avec un metteur en
scène qui se réfugie plus dans le graphisme soigné et l'hommage que dans la tentative de faire son film. Par dessus, les dialogues sonnent
vraiment faux : un vrai fiasco. Le rythme de montage très
publicitaire et décousu ne donne aucune cohésion à l'ensemble.
Tout n'est pas cohérent, on est dans un ensemble sans queue ni tête, absurde, décousu et vite
agaçant. Rien ne fonctionne et on subit même un festival d'effets
souvent clichés et tout le temps fades typés du cinéma sixties et
seventies. Je ne sais pas si c'est la mise en scène ou le
scénario qui est le plus raté des deux mais dans tous les cas ils ne
s'accordent à aucun moment l'un à l'autre. Les deux ne sont pas bons et jamais sur la même longueur d'ondes. L'impression de voir un
enchaînement de pubs et de séquences loupées qui ne servent à
rien se ressent à l'image du temps qui se met à passer lentement. Si la photographie est réussie, les split screen sont ratés
et ne servent à rien. Sans parler des images subliminales inutiles sur le corps dans la voiture et la scène de l’hôtel qui sont d'une nullité absolue
autant dans l'écriture que dans la forme.
Le cinéaste utilise avec outrance et
lourdeur la musique et fait pencher son exercice de style parfois dans
une démonstration désespérante. La bande son est autant une musique composée
qu'avec des morceaux pré existants. Je ne saurais dire si elle est
mauvaise mais elle est surtout victime d'une très mauvaise
utilisation. Jamais le montage ne la rend utile et convaincante. On a
souvent l'impression comme pour la mise en scène que les musiques meublent juste le vide du scénario pour
instaurer un semblant d'ambiance ou une once de trouble. On y croit pas car tout est en toc. Dans la
mise en scène on peut percevoir des intentions louables, des plans et des
effets même parfois fonctionnent mais en face d'autres sont si grotesques, si inutiles et utilisés de manière si abusives que tout
retombe à plat. Tout finit par tourner en rond, on suit un metteur en roue libre qui se
moque totalement de son (pitoyable) scénario. Dommage pour le
spectateur qu'il n'y ai même pas un minimum de savoir faire de la part de Joann
Sfar et même pas un moindre effort de la part des scénariste de
faire un histoire qui tienne la route. La pitoyable direction d'acteur
enfonce le clou définitivement vers la sortie de route définitive : une véritable catastrophe. Elio
Germano en fait des tonnes mais ça peut passer quand on voit le jeu pitoyable de Stacy
Martin, pourtant juste chez Lars Van Trier. Freya Mavor n'est pas si bien
exploitée et ne joue pas toujours juste. Joann Sfar l'exploite pas
assez. Le meilleur reste le chanteur
Benjamin Biolay qui faisait déjà un bon « loup » dans
Au bout du conte d'Agnès Jaoui. Je ne misais pas du tout sur lui
avant mais il est vrai que sa voix fonctionne bien, il est peut-être à lui seul la seule bonne idée
du film.
La dame dans l'auto avec des lunettes
et un fusil est un excellent livre que je recommande contrairement à
son adaptation cinématographique de 2015. Ce n'était pas un film
pour Joann Sfar et encore moins un choix judicieux pour une commande.
Réputé inadaptable, le troisième livre de Sébastien Japrisot
était à proposé idéalement à un cinéaste comme Brian de Palma, les frères
Coen ou encore Bong Joon Ho. Des cinéastes qui pouvaient en
tirer un exercice de style intéressant et fidèle au livre à la
fois. Ne perdez pas votre temps devant ce film et essayer plutôt de guetter une ressortie en support de la version de 1970 d'Anatole Litvak.
Note : 2 / 10
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