samedi 1 novembre 2014

Une nouvelle amie



Réalisation et scénario : François Ozon.
Adapté librement de la nouvelle The new girlfriend de Ruth Rendell.
Durée : 1 h 45
Interprétation : Romain Duris, Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz...
Genre : Comédie psychologique tordue

Synopsis :

A la suite du décès de sa meilleure amie, Claire fait une profonde dépression, mais une découverte surprenante au sujet du mari de son amie va lui redonner goût à la vie.

François Ozon est un des seuls cinéastes français qui propose toujours des nouvelles idées, des films avec du fond, de la nuance, du trouble et avec des intrigues jamais tissées de fil blanc. Le cinéaste cherche toujours à proposer une nouvelle chose à chacun de ses nouveaux films, tout en ne se reposant pas sur ses acquis et son style particulier, souvent réjouissant. Surtout Ozon ne se regarde pas filmer comme la plupart des cinéastes d'auteurs, d'ailleurs c'est peut-être pour cela qu'il n'a jamais eu de succès aux Césars. Deux ans après son exercice de style virtuose avec Dans la maison, il revient donc avec Une nouvelle amie, une autre adaptation libre dont le cinéaste signe comme toujours le scénario. Pour notre plus grand plaisir, Ozon signe encore un de ses meilleurs films et une nouvelle fois il réussit avec maestra un exercice de style brillant proche d'un Brian De Palma de la grande époque (comme pour Dans la Maison) mais sur le terrain et avec des thèmes chers à Roman Polanski et surtout à Pedro Almodovar (dont l'affiche et d'ailleurs assez inspirée du style). Le résultat est fantastique autant dans le fond que dans la forme, c'est troublant, tourmenté, drôle, respectueux et touchant comme il se doit de l'être sans jamais en faire trop dans tous les domaines et les pistes empruntées.

Une nouvelle amie est un film au genre assez inédit, un produit typiquement du cinéaste. Un ovni magnifique à la fois beau et troublant, d'une grande justesse et d'une intensité dramatique sobre et efficace. On a l'habitude de voir des drames psychologiques, mais là on serait plus dans la comédie psychologique accompagné par des pointes de thriller et de mélodrame. On a l'impression de voir le meilleur du cinéma de chez Almodovar. Les bons sentiments et le too much remplacés par le trouble et un ton plus clinique, plus sensible à la place. Ozon améliore ce qui est si unique et atypique du cinéaste espagnol et le réussi. Par dessus, Ozon s'essaye à un exercice de style qui s’avérait absolument casse mirettes sur les intentions mais qui fonctionne parfaitement grâce à une interprétation exceptionnelle de ses acteurs principaux, une mise en scène et un scénario implacable. Si des fois ça va un peu vite, étant donné que ce sont des ressorts plutôt comiques, le style d'Ozon est à son apogée. Comme souvent Ozon appuie les traits de son écriture pour mieux nous régaler, ici proche parfois de son Huit Femmes. Ses différents changements de tons, de genres sont amenés et interprétés de manières si justes, habiles, drôles et le tout traîtés avec une grande subtilité que le film fonctionne à finalement tous les niveaux.

Le film est d'une grande richesse psychologique. Sous la forme d'un grand mélodrame, Ozon ajoute du trouble Hitchockien, comme l'identité de ses personnages. Le cinéaste alterne entre imagination, les degrés des dialogues, les sentiments et les différents ressentis avec des notes morbides, d'hallucinations, du désir ou encore de mélancolie qui ajoute du piment et de l’ambiguïté comme rarement on peut voir au cinéma. Nous sommes servit à volonté dans le trouble et la nuance. On savourera tous le long sans modération donc ce trouble psychologique à travers les yeux et les pensées incertaines de Claire (Anaïs Demoustier formidable). Le film soulève bien des sujets tabous que l'actualité jallone depuis quelques temps avec le mariage pour tous, mais il y a surtout une vision, un regard fascinant sur l'ambiguïté des personnages. Ozon joue d'une manière absolument magnifique sur l'identité, la suggestion et surtout éclate tout stéréotype possible avec une histoire comme celle çie, qui aurait pu facilement n'être qu'une accumulation de clichés plus ou moins drôlement détournés. Une nouvelle amie n'est pas du tout cela, c'est du vrai cinéma absolument pas anecdotique qui sait alterner des ingrédients d'humour et dramatique sur une franchise, une honnêteté et une émotion puissante et viscérale qui fait un bien fou. 

On savait Romain Duris bon acteur avec son interprétation massive dans De Battre mon coeur s'est arrêté, il réussit ici un tour de force à l'image du film, celui à la fois d'être drôle, troublant et touchant à la fois. Anaïs Demoustier est d'une très grande justesse, apportant par son expression toutes les émotions nécessaires. Elle est la parfaite liaison entre le spectateur et la psychologie que propose le scénario. On appréciera comme souvent ces derniers temps un Raphaël Personnaz au poil, moins caricatural qu'il n'y paraît et bien troublant lui aussi. Une osmose totale se ressent entre les comédiens principaux. Sans mettre de bons sentiments, ni rajouter du glauque ou de l'humour potache, Ozon conte son histoire en nous offrons toujours pile ce qu'il faut dans ses proportions d'émotions. Il en fallait pas plus pas moins dans la dernière demie heure quand le scénario s'ouvre sur des pistes, des ambiguïtés qui laissent à penser pour un final aussi gracieux et ambigu. Le cinéaste propose ses ambitions et ses essais virtuoses sur un beau conte honnête, touchant et respectueux sur le deuil et le thème du transgenre. Ce n'est non sans twists et non sans subtilités qu'Ozon réussit sa fin gentiment ouverte. Sans aucun moment être pompeux, le cinéaste respecte avec une grande intelligence tous les thèmes, les personnages de son histoire tout en aimant nous les saborder avec un plaisir certain et communicatif. L'introduction est extrêmement bien brossée et importante pour y déceler les plupart des ambiguïtés. Ne prenez pas le film en cours de route. Les décors tournés entre la France et le Canada donnent une atmosphère particulière au film qui permet de nous dépayser et nous transporter dans un décors atypique et intriguant aussi. On notera pour finir un excellent thème musical qui sublime et fustige l’atmosphère de cet ovni à la passion troublante, dévorante et passionnante. Là aussi c'est digne d'un Polanski et d'un Almodovar réunis au sommet. Ozon est un grand et se trouve à la hauteur de ses modèles.

On passe donc un peu dans tous nos états devant ce nouveau coup de maître de François Ozon qui s'avère être un des cinq meilleurs films de l'année, le meilleur film de l'hexagone depuis un bon moment. Certainement depuis Dans la maison d'ailleurs pour ma part et j'avoue ne pas être un inconditionnel du cinéaste. Plusieurs visionnages s'imposent tant le film déborde de richesse, de rebondissement et d'ambiguïté. Je ne saurai que vous recommander d'aller le voir en salles car c'est du très grand cinéma avec toutes les lettres de noblesses du mot. C'est accessible pour tous (enfin à partir des grands adolescents) et le tout est mené d'une main de maître.

Une nouvelle amie mérite un succès commercial non pas uniquement car il en a les ingrédients et qu'il est excellent, mais surtout parce que c'est bien plus intelligent, subtil, honnête que ce ce que l'on peut voir habituellement. Bien plus que la plupart des films portés par un buzz médiatique, ou par un larmoyant lacrymal pour faire pleurer les chaumières. On remarquera la encore une fusion confondante et passionnante entre le cinéma commercial et d'auteur où le cinéaste excelle une nouvelle fois sur tous les tableaux. Dans le paysage bien terne du cinéma français, Une nouvelle amie est une pépite qui brille à mes yeux et j'espère brillera dans les votre. Merci à Monsieur Ozon pour ce moment de grand cinéma.


Note : 9,5 /10

Aucun commentaire: