vendredi 7 novembre 2014

'71



Réalisation : Yann Demange.
Scénario : Gregory Burke.
Durée : 1 h 35
Interprétation : Jack O'Connell (II), Paul Anderson (III), Richard Dormer...
Genre : Chaos qui rend K.O.

Synopsis :

Belfast 1971. Après un entraînement expéditif à l'armée, Gary se retrouve envoyé sur le Front. La situation dégénère, il va retrouver seul prit au piège en territoire ennemi. Il va devoir se battre jusqu'au bout pour essayer de rentrer sain et sauf à la base.

Sans pour autant renouveler le genre du film de guerre immersif, '71 survole de très loin ses prédécesseurs car il réunit toutes les qualités que possède le cinéma anglais à la place du sentimentalisme et du patriotisme hollywoodien. La mise en scène de Yann Demange qui signe là son premier long métrage est un véritable coup de poing. Il illustre un scénario volontairement confus mais béton dans la manipulation des sensations, ce cinéaste impressionne en plongeant le spectateur auprès de ce jeune soldat qui se jette littéralement dans la gueule du loup, exactement comme dans n'importe quel Guerre. '71 est un film de guerre finalement très survival dans la forme mais dont le suspense est aussi impressionnant qu'angoissant et insoutenable. Jusqu'à la fin de ce véritable coup de feu cinématographique, on est prit aux tripes par un scénario, un tour de force qui en ferait briller les yeux de John Carpenter.

Tout commence par une immersion rapide et approximative pour Gary, comme pour le spectateur, de l'armée, des ordres et des opérations avant de se retrouver en plein Front et d'une émeute d'un réalisme effrayant. Comme Gary, nous sommes très rapidement embarqués dans cette Guerre vite transformée en chasse à l'homme impitoyable, quelque soit son camps. L'important et le but reste rapidement la survie, un peu comme l'état d'esprit de tous les personnages de ce conflit. Déjà vu, déjà montré le scénario ne s'attarde pas sur le conflit, la guerre et place tout cela rapidement en toile de fond, comme prétexte et comme sentiment d'injustice d'être envoyé comme Gary directement à l'abattoir. Le film met  donc rapidement en avant le suspense, même entre ces différents hommes particulièrement déshumanisés mais bien nuancés entre émotions et animal impitoyable. Sans jamais être lourd, ni pompeux, le scénario et la mise en scène n'en fait jamais trop, restant abstrait et constamment sobre, dans la justesse. Le scénario habilement éclaté intrigue et effraie véritablement. Il développe une paranoïa, fait naître la grande trouille que l'on pourrait avoir dans une situation pareille. Avec une mise en scène incroyablement tenue et anti-spectaculaire, le public plonge rapidement dans le sentiment de la terreur pure, une immersion viscérale dans l'arène de la Guerre. Ce sera un sentiment universel de la terreur, de la trahison et de violence qui va être développé de manière grandiose.

Sans faire un plaidoyer ouvert sur la guerre, le cinéaste n'y va pas de main morte par son vocabulaire cinématographique violent, parfois un peu gore, mais sans jamais être gratuit pour autant. Avec une photographie et une bande son très travaillées, le spectateur plonge dans un profond malaise, un suspense insoutenable qui nous saisit par la gorge comme un loup et nous ne lâchera qu'à notre dernier souffle. Les acteurs sont tous époustouflants et bien dirigés, ils y sont tous sont charismatiques et touchants. Les dialogues brillants apportent un plus indéniable qui fait toute la différence avec les films du genre. Le cinéaste ne suit pas la mode et travaille avec un montage non sur-découpé et cela fait également du bien. Je ne peux que saluer ce très bon travail. Ce survival intelligent prend donc aux tripes et dérange constamment, avec cette absence totale de règle et de hiérarchie. Notons une interprétation impressionnante des jeunes acteurs comme d'habitude chez les British. C'est du même acabit qu'un film comme Eden Lake de James Watkins. Comme le film de Demange traite de la Guerre, on pense plus à un panache de Frères de sang de Kang Je-Kyu, où se croise Les Fils de l'Homme d'Alfonso Cuaron, Bloody Sunday de Paul Greengrass avec une pincée du Vent se lève, un des grands chefs d’œuvres signé Ken Loach. Niveau suspense, Fincher a de quoi trembler. 

Sans être un chef-d'oeuvre, '71 est un film qui prend aux tripes, qui malmène son spectateur de manière universelle mais aussi de manière viscérale et frontal. Intelligent, efficace, honnête et nuancé, voilà du cinéma qui retourne l'estomac tant en ayant une mise en scène sensible ce qui donne un véritable coup de poing cinématographique à ne pas manquer. Comme d'habitude, ce film souffre d'une maigre distribution et ne passe que dans très peu de salles. En plus de cela ce sera complètement masqué par le phénomène Interstellar. Peut-être est ce cela le plus terrible finalement. Dommage car c'est un des grands films de cette année, et surtout la révélation d'un cinéaste prometteur. 


Note : 9 /10  

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