samedi 27 février 2016

The Revenant




Réalisation : Alejandro Gonzalez Inarritu
Scénario : Mark L. Smith et Alejandro Gonzalez Inarritu
Tiré du roman de Michael Punke
Durée : 2 h 30
Interprétation : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter...
Genre : Malick fait de la série B

Synopsis

Hugh Glass est attaqué sauvagement par un ours et grièvement blessé. Essayer de le sauver risquerait la vie de ses coéquipiers, il est laissé pour mort. Quand il voit son fils se faire assassiner par un de ses coéquipier, il refuse de mourir et va se venger pour trouver la rédemption. 

Je ne vais pas comparer ce film avec Le convoi sauvage de Richard C. Sarafian car l'histoire a beau être la même, ou du moins inspiré du même livre, le scénario, la mise en scène et les pistes sont trop différentes que cela ne serait pas constructif pour parler de The revenant. Les deux versions restent intéressantes à découvrir même si je reste assez partagé sur le film d'Inarritu. 

The Revenant est un film qui transpire dans sa forme ce que l'on attend d'un cinéaste comme Inarritu : nous bluffer. Ce film est effectivement bluffant, stupéfiant pour sa photographie. Cette dernière est tout ce qui a de plus démentielle et nous en met plein la vue du premier au dernier plan. Il y a un an pile les acteurs monumentaux portaient une pâle copie d'un scénario de ce qu'aurait pu être un grand Robert Altman dans Birdman du même Inarritu. Dans The Revenant rebelote sauf que cette fois c'est cette fameuse photographie qui tire à chaque plan le virtuose des plans séquences (et le film) vers le haut. Pour les autres points positifs je serais assez rapide, c'est l'interprétation qui est impeccable. Particulièrement celle de Tom Hardy et des seconds rôles qui ont de plus en plus de grade comme Domhnall Gleeson et Will Poulter. Comment ça j'oublie DiCaprio ? Non. Je reviendrais sur son cas plus tard même si son personnage se remet très vite de ses blessures pour y croire. L'histoire se passe sûrement à Lourdes, un flop dans l'eau et la rééducation est miraculeuse, digne de Christian Bale dans le dernier Dark Knight. En très peu de temps il fait du cheval et bat son ennemi (Tom Hardy en plus) lui en pleine forme.  

Ce qui m'a déplu dans ce film, c'est tout d'abord cette mise en scène ultra maniérée du cinéaste. C'est très agaçant de voir des mouvements de caméra répétitifs, pseudo philosophiques et qui cherchent à tout pris à faire durer le temps le plus longtemps pour nous épater. De plus on sent à chaque plan que le cinéaste veut nous en mettre plein la vue et qu'il fait un très grand film. La scène de l'ours en est le parfait exemple et résume en elle même le film. C'est un duel permanent où l'homme veut avoir le dernier mot sur la nature. Il n'ira pas plus loin sauf pré montrer la détermination de DiCaprio à se venger. C'est long et vain. Le cinéaste utilise dans son montage lourdement une musique pas si sensationnelle que ça et ça ne fonctionne pas. De plus thématiquement tout devient très vite lourd avec ses armes qui se terminent toujours en premier plan chaque fois que l'on voit un conflit ou un homme apparaître à l'écran. Inarritu a toujours ses mêmes obsessions pour les armes qui pour le coup reviennent comme un Boomerang et rendent ses messages vraiment contradictoires, caricaturaux. Beaucoup de lourdeurs donc, un manque de finesse m'a également rendu l'immersion très aléatoire, beaucoup trop pour me convaincre. Le spectaculaire finit par tourner à vide et reste trop intermittent pour me convaincre. Tout comme Gravity ou Interstellar, on a à faire à un cinéaste qui envoie du lourd par sa technique et sa maîtrise absolue de l'image. S'il va chercher une forme sensorielle absolue, il a hélas un scénario qui n'est absolument pas à la hauteur. 

Au final j'ai un peu l'impression d'avoir vu un remake de Traqué de William Friedkin sous la forme du Malick du Nouveau Monde. Sauf que Inarritu essaie d'en tirer un film qui marque le spectateur par n'importe quel moyen à chaque plan. Il préfère glisser des effets numériques moches dans une sublime photo naturelle que de rendre intelligible son script. Il oublie son scénario qui n'est est une série B maquillée en film de vengeance philosophique. Il n'en est absolument rien. Le personnage de DiCaprio est contradictoire. Ses épreuves sont un peu les douze travaux de Léo pour axe narratif du film et c'est un peu faible, si ce n'est pas pour dire beaucoup. Tout n'est qu'un marathon de survie remplie d'épreuves éprouvantes physiquement certes mais qui manque vraiment de liant et de finesse avec la vie sauvage et la nature de l'Homme. La psychologie de Glass est contradictoire et bien trop peu exploitée. Un type qui va chez les indiens, les défend, tombe amoureux, a un fils avec une indienne est montré à la caméra comme un assoiffé de sang, pro américain et si borné dans sa vengeance que ça ne fonctionne pas du tout. Surtout au premier degrés. En y repensant c'est un peu mettre Donald Trump faire une campagne à la Nicolas Hulot : il y a un truc qui cloche. Certains y trouveront du fond, moi je n'y trouve que la limite du scénario. Une fausse nuance qui permet de rendre uniquement en avant l'aspect formel et ne prendre aucune dimension morale ou psychologique. Je pense clairement que le scénario n'est pas bon, que c'est un film de vengeance très classique et vain. Il manque de ressources, de profondeur, de finesse et aussi simplement de fond. DiCaprio fait le boulot bien entendu, il aura peut-être son Oscar pour s'être mit dans un cheval éviscéré par lui-même. Son rôle aux conditions éprouvantes et sa poisse à la compétition sont une belle publicité pour le film et ses nominations. Ce serait presque une imposture car il est loin de montrer l’étendue de son talent. Son personnage est le cliché des personnages qu'il incarne depuis quinze ans : l'homme qui perd ses repères avec des troubles qui le mène à sa perte. S'il remporte l'Oscar tant mieux pour lui même si pour ma part il l'a déjà depuis Shutter Island. S'il gagne prions pour que les années suivantes il n'y ait pas une mode de rôles calibrés de la sorte pour viser les nominations. 

Sur le plan de la photo c'est donc une grande réussite. Je pense que c'est la plus belle photographie que j'ai vue depuis Le Nouveau Monde, justement du même Emmanuel Lubezki. Pour le reste même si je pense que The Revenant mérite absolument le coup d'oeil (dans le sens propre du terme), c'est un film qui propose des sensations. C'est une qualité qu'on ne peut pas lui enlever. Pour ma part c'est la démarche que je trouve beaucoup plus hétérogène. Se prendre autant au sérieux et prétentieux avec un scénario si mince et faussement philosophique et politique est pour ma part plus proche d'un ratage qu'une réussite. Le cinéaste n'est ni Cimino ni Boorman et encore moins Malick et cela même s'il tente de le montrer par tous les moyens. Inarritu renoue cependant plus avec ses anciens thèmes qu'il avait laissés de coté dans Birdman. Parfois c'est saisissant, souvent moins. Une chose est sûre, le cinéaste a changé de fusil d'épaule par rapport à ses premiers films comme Amours Chiennes et 21 Grammes. De pur film de scénario il est passé au pur film de mise en scène quitte à en oublier ses scripts. S'il a le mérite de se renouveler et de procurer des grands moments de cinéma, je trouve qu'il manque simplement d'une colonne vertébrale à son film. Il lui manque à son film de vengeance la double lecture que possède Old Boy  de Park Chan Wook à l'époque. C'est une question de goût comme toujours mais pour ma part The Revenant est un film qui a le plus gros défaut que peut avoir un classique : se prendre bien plus grand qu'il ne l'est du début la fin. 

Note : 4 / 10




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