vendredi 16 août 2013

Room 237



Réalisation : Rodney Ascher
Durée : 1h47
Distribution : Jay Weidner, Buffy Visick, Scatman Crothers...
Genre : Not shining

Synopsis : Room 237 mêle les faits et la fiction à travers les interviews des fans et des experts qui adhèrent à certaines théories.

Que l'on soit fan ou pas de Stanley Kubrick, on ne peut ne pas lui reconnaître son statut de cinéaste visionnaire, virtuose doté d'une très grande intelligence. La plupart de ses films sont des chefs d'œuvres intemporels qui allient film d'auteur et film grand public. Tous sont parsemés de significations, plus ou moins extrêmes, sur les vices de l'Homme en général. Son film d'horreur culte Shining fait parti de la liste de ses chef-d'œuvres.

C'est donc avec une grande curiosité que je suis allé voir Room 237, un film documentaire peu distribué dans les salles, dans lequel des grands fans du film sont censés « analyser » le film.
L'avertissement au début nous certifie que toutes les interviews sont indépendantes des points de vue du cinéaste, des acteurs, distributeurs et producteurs du film, et c'est bien vrai, les différents protagonistes ne s'appuient sur rien de sensé, et leurs monologues se focalisent au final sur des détails plus ou moins fumeux.

Les intervenants (inconnus au bataillon et non présentés) ne s'attardent que sur des détails. Semblables à des étudiants en cinéma sous acide, ils nous servent une analyse de film image par image. Chose que tout le monde peut faire devant n'importe quel film en faisant dire n'importe quoi au réalisateur. Sans introduction, Room 237 ne prend même pas la peine de nous présenter le film, et les différentes versions qui existent. Rodney Ascher glisse quelques images de films du cinéaste (Eyes Wide Shut en particulier), ainsi que de vieux films et archives assez illustratifs des théories fumeuses développées, le tout sur une musique horrible faite en trois minutes au synthé. Visuellement on dirait un document amateur fait en deux jours. La qualité audio est mauvaise, l'image laide : un comble pour un film qui s'intéresse autant au détail de l'image.

Sans fil conducteur, ce documentaire est surtout un recueil de témoignages non construits et pas captivants pour un sou. Les intervenants exposent parfois des points de vue intéressants, mais l'abondance de détails énumérés les uns après les autres ne cachent au final qu'un manque d'analyse en profondeur. Pour donner quelques exemples, ils nous font remarquer les faux-raccords, mais ne nous expliquent pas leur utilité, de même avec les symboles freudiens. Deux témoignages pointent du doigt l'Holocauste et le génocide des indiens mais s'avèrent vite plus superficiels que révélateurs. On se retrouve vite à analyser des petits détails qui mènent à un jeu comme « des chiffres et des lettres » : Les comptes sont peut-être bons pour arriver à 42 mais rien de plus (42 = Holocauste, oui mais le sens ?). Rien de bien cousu donc. Le pire est que l'intervenant ne va parfois même pas jusqu'au bout de son idée !

Absolument rien n'est approfondit et encore moins pertinent. Même lorsqu'on flirte avec les axes principaux du film, le n'importe quoi et le grotesque prennent le dessus. L'intervenante tente de nous impressionner avec sa théorie (ou plutôt celle de son fils) de l'homme au visage fendu en deux par la foudre (what the fuck ?). La paranoïa atteint son apogée avec la chambre qui aurait un rapport avec la thèse du complot d'Apollo 11. Kubrick aurait filmé en studio le premier pas sur la Lune. Ces rumeurs sont aussi bancales que ce documenteur. Au lieu de faire une analyse plus simple (du film et non d'une pauvre boîte de conserve), on préfère donc faire avaler des couleuvres au public, comme par exemple avec un skieur qui serait en fait un Minotaure, ou encore une double lecture du film dans le sens propre du terme complètement ridicule. Outre une idée d'illuminé (le blogger de l'analyse du film n'a pas voulu répondre à l'intervenant) on remarquera surtout que le film analysé est la version américaine, et non la version européenne qui est la version définitive de Kubrick. Je terminerai en beauté si je puis dire, Stanley Kubrick serait un Dieu qui sculpterai sa tête dans les nuages pour le plan d'ouverture de son film !

Grâce à Room 237, Kubrick doit se retourner dans sa tombe ! C'est d'un amateurisme effrayant, les théories sont totalement farfelues ou carrément fumeuses. Si l'envie prenait un spectateur qui n'a pas vu Shining d'aller quand même voir ce documentaire, il ne saurait au final même pas de quoi parle le film de Kubrick si ce n'est d'une famille dans un hôtel. Je regrette le manque d'intervenants sérieux comme des grands cinéastes, des spécialistes de Kubrick ou même des acteurs du tournage, qui auraient pu confirmer ou infirmer certaines des théories exposées. Room 237 possède surtout le paradoxe de parler de la puissance des images, mais de ne travailler quasiment jamais avec. J'en suis ressorti avec le dégoût d'avoir perdu temps et argent, 10€50 pour des discussions de bar qui tournent très vites à vide, ça fait cher le café ! Cela mis à part, si on peut sauver un peu du fond ce ne sera pas le cas de la forme : Room 237 est sûrement le documentaire le plus moche que j'ai eu l'occasion de voir.

J'attends toujours une vraie analyse du cinéma de Kubrick autant que le photoshop de la tête du cinéaste dans les nuages. Passez votre chemin sur ce recueil de témoignages plus fumeux qu'autre chose. L'unique point positif de ce documentaire est qu'il nous rappelle qu'il est important dans un film de faire attention aux images et aux détails que le cinéaste nous offre avec soin méticuleux. Si vous cherchez une analyse de ce film, je vous conseille plutôt de lire (ou relire) la bibliographie de Freud, ce sera toujours plus pertinent.

Note : 02 / 10


« DES ''BALIVERNES'' SELON L'ASSISTANT-REALISATEUR
Pourtant, selon Leon Vitali, l'assistant de Stanley Kubrick sur Shining et présent pendant les 13 mois de tournage qui se sont majoritairement déroulés à Londres, ces théories sont la plupart du temps farfelues. Interrogé par le New York Times, il précise qu'il était ''plié en deux'' pendant la projection de Room 237 et évoque des ''balivernes''.
Pour le fameux pull de Danny, Leon Vitali explique que Stanley Kubrick voulait un vêtement ''fait maison'' et la costumière Milena Canonero est revenue avec un pull ordinaire et a déclaré : ''Et pourquoi pas ça ?''. Pour ce qui est du calumet évoqué par Bill Blakemore, l'assistant réalisateur affirme que Stanley Kubrick ne l'a pas choisi comme d'une référence au génocide indien mais parce que la boite de levure avait des couleurs ''brillantes''.
Leon Vitali est lui sûr d'une chose : Stanley Kubrick n'aurait pas écouté 70 à 80% de Room 237. Il n'y aurait vu que du ''pur charabia''. »


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