vendredi 8 janvier 2016

Les Huit Salopards ( The Hateful Eight )



Réalisation et scénario : Quentin Tarantino
Durée : 2 h 45
Interprétation : Kurt Russell, Samuel L.Jackson, Jennifer Jason Leigh, Walton Goggins, Michael Madsen, Tim Roth, Demian Bichir, Bruce Dern, Channing Tatum... 
Genre : Agatha Christie version Tarantino

Synopsis

Quelques années après la Guerre de Sécession, deux diligences et deux chasseurs de primes se retrouvent dans une auberge à cause du blizzard. Ils vont devoir cohabiter ensemble le temps que la météo soit plus clémente mais la discussion les font se dévoiler. Ils se connaissent tous plus ou moins et ce ne sont pas tous des anges. Bien au contraire.

Sur une trame collée à un bouquin d'Agatha Christie et en hommage à The Thing de John Carpenter, Quentin Tarantino signe un huis clos superbement écrit et réalisé avec des personnages et des acteurs qui en font des caisses pour notre plus grand plaisir. Plus en retenu dans sa mise en scène et avec l’appui de fameux dialogues, le cinéaste signe un de ses meilleurs films. Les huit salopards est presque à la hauteur de ses deux films plus réussis pour moi : Reservoir Dogs et Jackie Brown

Quentin Tarantino a toujours été sur les pas de Sam Peckinpah avec son style dialogué qui se conclut à un moment ou à un autre par des explosions de violences et des fusillades mémorables. Seulement il ne faut pas chercher de l'intelligence et encore moins de politique dans les films de Quentin Tarantino car, quand ce n'est pas de la série Z, c'est de la série B (brillante) avant tout. Quand il essaie de faire un film plus intelligent, ça donne ses deux précédents films : de la soupe insipide et prétentieuse où l'on ne voit que son côté racoleur, prétentieux, bref un patchwork sans but et sans âme. Ici, rien à voir avec tout ça. Le cinéaste remet tout à plat et revient avec beaucoup moins d'ambition dans ce qu'il sait faire de mieux : écrire des dialogues au crescendo monstrueux. On retrouve donc le Tarantino de ses trois premiers films qui développe ses personnages, ses dialogues au service du suspense et la narration. On ne ressent plus du tout l'effet patchwork référencé de Kill Bill et de ses films suivants, plaisants ou non. Il refait du cinéma, du grand Tarantino avec une superbe photographie et une merveilleuse utilisation de la musique d'un Ennio Morricone, une nouvelle fois en grande forme. 

Son cinéma ici est beaucoup plus épuré et même anti spectaculaire au possible. C'est un peu le feuilleton, la série télé western Josh Randall version Tarantino où l'on retrouve bien sûr ses excès de violence et son grand guignolesque (trop appuyé parfois). Il se ballade tranquillement dans son script comme il le faisait dans Jackie Brown ou des éclairs d'audaces dans sa narration viennent donner un tout autre point de vue, une fraîcheur époustouflante au spectacle que l'on vient de voir. Bien sûr tout se termine dans un bain de sang comme attendu mais le plus intéressant reste comment. C'est un peu comme si le cinéaste avait étiré sur trois heures la séquence d'ouverture d'Inglourious Basterds en cluedo. Le titre pompé du film d'Aldrich n'a rien à voir avec une référence dans le film. Tant mieux car il l'avait déjà complètement pompé Les douze salopards pour Inglorious Basterds. Dans ce film il est plus proche de Dix petits nègres mais avec qu'un seul nègre dans l'histoire interprété par son acteur fétiche Samuel L Jackson une nouvelle fois au top. 

Bizarrement Tarantino n'entre jamais dans la caricature, le ridicule et en tire quelque chose de crédible et de tendu comme dans Reservoir Dogs. Les personnages sont excentriques, stupides, violents et ont tous un tour dans leur sac que l'on découvre avec lenteur et certain plaisir. Ils sont tous bien travaillés et ne sortent jamais du contexte ni de leur rang. Jennifer Jason Leigh fait un retour sur l'écran flamboyant en commençant dans le rôle de putching ball pour finir en Calamity Jane, Samuel L Jackson en Hercule Poirot qu'il faut pas chatouiller, Kurt Russell en brute épaisse reprenant un rôle à la Michael Madsen, Michael Madsen lui a le rôle du couillon pas si couillon, Tim Roth le rôle de Christoph Waltz avec une touche de John Cleese tordante, Walton Goggins en Billy The Kid stupide mais pas complètement ou encore un Channing Tatum qui a la French Touch pour le moins irrésistible. Bref une belle panoplie de rôles savoureux où Tarantino sait utiliser ses acteurs en creusant au plus profond du potentiel des personnages. Il sont tous sur le devant de la scène comme dans les plus grands huis clos et ses meilleurs films, même si on peut penser que certains ne sont pas exploités à fond, ils ne seraient pas du tout utile à la narration. Le scénario est parfait comme tel je trouve, même si l'intro possède un peu de flottement. Mais comme chez Peckinpah, on pardonne vite car c'est souvent les longueurs sont savoureuses. 

Sans le grand guignolesque de Django qui est un peu trop appuyé à mon goût, Les huit salopards serait un véritable bijou de Tarantino. Effectivement l'effet too much de la violence casse une petite partie du suspense magnifique établit pendant plus de deux heures. Dommage aussi que la narration par chapitre déjà vue ne soit finalement pas si utile que ça, trois chapitres auraient largement suffit. Bien sûr le spectacle est réservé aux fans du cinéaste, il ne signe pas un film Disney, il fait du cinéma qui tâche mais très cohérent. Ce que j'ai beaucoup apprécié par rapport à beaucoup de ses derniers films, c'est qu'on a un cinéaste qui n'utilise pas ses références pour illustrer ni raconter une histoire. Tarantino ne part pas dans tous les sens et signe du grand cinéma, qui plaise ou non. Il ne se contente pas d'assembler des bribes de caricatures de son style avec de la musique, des tirades de dialogues et des fusillades de partout qui ne tiennent pas debout. Il utilise enfin le génie de Richard Richardson, le directeur de la photo de Scorsese, avec un éclairage exceptionnel, et le talent d'Ennio Morricone sur un montage sublime. Il brave le simple clin d'oeil à Leone en ne le plagiant pas comme dans Kill Bill, étant donné que la partition de Morricone est originale. Tarantino a compris le coup de gueule du compositeur en disant qu'il faisait n'importe quoi. Il se rattrape merveilleusement. Tarantino pour la suite signe ses dialogues avec une structure qui sont purement sensationnel, peut-être son plus grand tour de force avec Jackie Brown

Plus sobre mais beaucoup plus tenu et intéressant que ses précédents films, Les huit salopards a le défaut d'être un poil long et gourmand dans ses explosions de violence, mais il n'en est pas moins le retour du Tarantino qui façonne, innove entre hommage, base narrative classique et solide plombé par son pur style. Ce film est un concentré de ce que j'attend d'un grand cinéaste et il l'a fait enfin après deux films très médiocres. J'en suis ravis même si je pense que beaucoup considérera ce Tarantino comme mineur. Comme d'habitude tout dépend de ce qu'on aime dans son cinéma. Pour moi c'est le pied presque total. 

Note : 9 / 10

PS : C'EST UN FILM QU IL FAUT VRAIMENT ALLER VOIR AU CINEMA ET NON SUR UN PETIT ECRAN !


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