Réalisation : Yann Demange.
Scénario : Gregory Burke.
Durée : 1 h 35
Interprétation : Jack O'Connell
(II), Paul Anderson (III), Richard Dormer...
Genre : Chaos qui rend K.O.
Synopsis :
Belfast 1971. Après un entraînement
expéditif à l'armée, Gary se retrouve envoyé sur le Front. La
situation dégénère, il va retrouver seul prit au piège en
territoire ennemi. Il va devoir se battre jusqu'au bout pour essayer
de rentrer sain et sauf à la base.
Sans pour autant renouveler le genre du
film de guerre immersif, '71 survole de très loin ses prédécesseurs
car il réunit toutes les qualités que possède le cinéma anglais à
la place du sentimentalisme et du patriotisme hollywoodien. La mise
en scène de Yann Demange qui signe là son premier long
métrage est un véritable coup de poing. Il illustre un scénario
volontairement confus mais béton dans la manipulation des
sensations, ce cinéaste impressionne en plongeant le spectateur
auprès de ce jeune soldat qui se jette littéralement dans la gueule
du loup, exactement comme dans n'importe quel Guerre. '71 est un film
de guerre finalement très survival dans la forme mais dont le
suspense est aussi impressionnant qu'angoissant et insoutenable.
Jusqu'à la fin de ce véritable coup de feu cinématographique, on
est prit aux tripes par un scénario, un tour de force qui en
ferait briller les yeux de John Carpenter.
Tout commence par une immersion rapide
et approximative pour Gary, comme pour le spectateur, de l'armée, des
ordres et des opérations avant de se retrouver en plein Front et
d'une émeute d'un réalisme effrayant. Comme Gary, nous sommes très
rapidement embarqués dans cette Guerre vite transformée en chasse à
l'homme impitoyable, quelque soit son camps. L'important et le but
reste rapidement la survie, un peu comme l'état d'esprit de tous les
personnages de ce conflit. Déjà vu, déjà
montré le scénario ne s'attarde pas sur le conflit, la guerre et place tout cela
rapidement en toile de fond, comme prétexte et comme sentiment d'injustice d'être envoyé comme Gary directement à l'abattoir. Le film met donc rapidement en avant le suspense, même entre ces différents hommes
particulièrement déshumanisés mais bien nuancés entre émotions et
animal impitoyable. Sans jamais être lourd, ni pompeux, le scénario
et la mise en scène n'en fait jamais trop, restant abstrait et
constamment sobre, dans la justesse. Le scénario habilement éclaté
intrigue et effraie véritablement. Il développe une paranoïa,
fait naître la grande trouille que l'on pourrait avoir dans une
situation pareille. Avec une mise en scène incroyablement tenue et
anti-spectaculaire, le public plonge rapidement dans le sentiment de
la terreur pure, une immersion viscérale dans l'arène de la Guerre.
Ce sera un sentiment universel de la terreur, de la trahison et de
violence qui va être développé de manière grandiose.
Sans faire un plaidoyer ouvert sur la
guerre, le cinéaste n'y va pas de main morte par son vocabulaire
cinématographique violent, parfois un peu gore, mais sans jamais
être gratuit pour autant. Avec une photographie et une bande son
très travaillées, le spectateur plonge dans un profond malaise, un
suspense insoutenable qui nous saisit par la gorge comme un loup et
nous ne lâchera qu'à notre dernier souffle. Les acteurs sont tous
époustouflants et bien dirigés, ils y sont tous sont charismatiques et
touchants. Les dialogues brillants apportent un plus indéniable qui
fait toute la différence avec les films du genre. Le cinéaste ne suit pas la mode et
travaille avec un montage non sur-découpé et cela fait également du
bien. Je ne peux que saluer ce très bon travail. Ce survival
intelligent prend donc aux tripes et dérange constamment, avec cette
absence totale de règle et de hiérarchie. Notons une interprétation
impressionnante des jeunes acteurs comme d'habitude chez les British.
C'est du même acabit qu'un film comme Eden Lake de James Watkins.
Comme le film de Demange traite de la Guerre, on pense plus à un
panache de Frères de sang de Kang Je-Kyu, où se croise Les Fils de
l'Homme d'Alfonso Cuaron, Bloody Sunday de Paul Greengrass avec une
pincée du Vent se lève, un des grands chefs d’œuvres signé Ken
Loach. Niveau suspense, Fincher a de quoi trembler.
Sans être un chef-d'oeuvre, '71 est un
film qui prend aux tripes, qui malmène son spectateur de manière
universelle mais aussi de manière viscérale et frontal.
Intelligent, efficace, honnête et nuancé, voilà du cinéma qui
retourne l'estomac tant en ayant une mise en scène sensible ce qui
donne un véritable coup de poing cinématographique à ne pas
manquer. Comme d'habitude, ce film souffre d'une maigre distribution
et ne passe que dans très peu de salles. En plus de cela ce sera
complètement masqué par le phénomène Interstellar. Peut-être est ce cela le plus terrible finalement. Dommage car c'est un des grands films de cette année,
et surtout la révélation d'un cinéaste prometteur.
Note : 9 /10
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