Première partie :
Celles qui voulaient se souvenir
Réalisation et
scénario : Kiyoshi Kurosawa
Durée
: 1h50
Distribution
: Kyôko Koizumi, Hazuki Kimura, Yû Aoi...
Genre
: Psycho-thriller de mœurs
Synopsis : Dans la
cour d'école d'un paisible village japonais, quatre fillettes sont
témoins du meurtre d'Emili, leur camarade de classe. Sous le choc
aucune n'est capable de se souvenir de l'assassin. Asako, la mère
d'Emili, désespérée de savoir le coupable en liberté, convie les
quatre enfants chez elle à les mettre en garde : si elles ne se
rappellent pas du visage du tueur, elles devront faire pénitence
toute leur vie. Quinze ans après Sae et Maki veulent se souvenir.
Cette première partie
contient les deux premiers portraits d'une série japonaise de cinq
épisodes. Si dans la forme le rendu final est sûrement un peu
tronqué, cela ne dérange pas beaucoup tant l'intrigue à la base
est prenante. Si ce n'est pas l'idée du siècle bien sûr, cette
intrigue bénéficie d'un scénario qui part en contre pied du
thriller hollywoodien formaté que l'on a l'habitude de voir, comme
pour pas mal de bons films asiatiques vous me direz. Seulement,
Shokuzai vaut le coup d'œil encore une fois pour ce charme assez
unique et propre à ce cinéma mais aussi parce qu'il n'est pas
destiné uniquement à son public asiatique. Le scénario et le
cinéaste nous délivre des portraits de femmes en guise d'enquête,
c'est tout simplement captivant.
Les réalisateurs
asiatiques nous offrent
souvent des perles cinématographiques. Je pense notamment à mon
préféré Bong Joon Ho avec Memories of murder ou encore Mother qui
sont des polars peu conventionnels et absolument magnifiques. Kiyoshi
Kurosawa n'est ici pas aussi virtuose que Bong Joon Ho mais
nous permet tout de même de plonger dans
le quotidien des témoins, enfermés dans leur culpabilité et
leur souvenir, d'une manière lente et angoissante. Un cinéaste
talentueux nous tient donc en haleine avec un scénario et une mise
en scène intéressants qui prennent le temps de faire monter la
tension afin de nous emballer. Les différents portraits nous font
rapidement oublier l'intrigue policière au point de ne presque plus
y penser. Nous sommes plongés dans un cinéma à la fois
fantastique, clinique, et le tout dans un registre assez malsain.
Beaucoup de thèmes psychologiques se dégagent des portraits
habilement écrits et dépeints avec une étrangeté fascinante.
Si le film a un certain
charme, je souligne malgré cela que l'interprétation n'est pas
toujours brillante. Il faut dire que les dialogues ne sont pas là
pour les aider, ces derniers étant même mauvais lorsqu'ils ne sont
pas fades. Techniquement, la photographie est digne d'un téléfilm.
L'ensemble des plans n'est pas toujours homogène et la patte
personnelle en pâti.
Malgré ces défauts, le
montage est intéressant et le scénario est agréablement étalé
(comme une série télé donc), l'engagement de nous captiver est
donc tenu. Si le cinéaste nous dépeint une vision pessimiste de la
société japonaise grâce à des caricatures plus ou moins
grossières, il nous envoûte et nous transporte avec son ton
fantastique. C'est l'essentiel car cela me donne envie de voir la
suite, si ce n'est pour l'intrigue principale ce sera pour ces
portraits psychologiques très intéressants.
Note : 7 / 10
Deuxième partie :
Celles qui voulaient oublier
Réalisation et
scénario : Kiyoshi Kurosawa
Durée
: 2 h 30
Distribution
: Kyôko Koizumi, Sakura Ando, Chizuru Ikewaki...
Genre :
Psycho-thriller de mœurs
Synopsis :
Contrairement à Sae et Maki, Akiko et Yuka veulent oublier le drame.
La mère d'Emili cherche toujours pénitence envers elles et
recherche toujours le meurtrier quinze ans après.
Après une première
partie envoûtante malgré ses défauts, Shokuzai celles qui
voulaient oublier propose cette fois trois portraits avec bien
entendu à la fin celui de la mère d'Emili: Asako Adachi. Les
portraits ont été classés du plus au moins glauque même s'ils
gardent tous un côté malsain dans le jeu sadique d'Asako. Une
nouvelle fois les peintures collent parfaitement à la psychologie du
personnage présenté. Il faut peu de temps pour découvrir les
personnages d'Akiko et de Yuka, plus antipathiques et atypiques que
ceux du premier volet. Ces deux portraits sont réalisés avec
simplicité, avec pas mal d'ambiguïtés dans celui de d'Akiko, et
pas mal d'humour noir dans celui de Yuka.
Très psychologique
encore une fois, ces portraits se fondent sur le traumatisme causé
par ce fameux meurtre. Pénitence ou pas, chacune sont touchées par
cette journée qui est clairement l'axe du film. Cette galerie de
personnages est clairement le vrai charme de Shokuzai. L'audace de
passer du thriller classique au film à sketchs d'études
psychologique n'est pas si commun. Le traitement est le même que
dans le premier volet, le scénario est toujours bien ficelé et
surtout captivant.
Dans le dernier portrait,
celui d'Asako, l'intrigue policière reprend sa place principale.
Malheureusement, ce portrait un peu trop alambiqué ne laisse que
très peu de place au hasard dans le dénouement final. Cependant,
étant donné que la culture japonaise croit beaucoup au destin, cela
fonctionne. Le genre passe donc du thriller psychologique au thriller
familial que l'on a vu plus habile et virtuose ailleurs. Je ne
spolierais donc pas le final mais la découverte du tueur n'est pas
ce qu'il y a de plus intéressant ni de plus riche dans ce film.
Les portraits sont
beaucoup mieux écrit, denses et développés que le dénouement. Ces
femmes sont enfermées non seulement dans leurs différents
traumatismes (dont un en commun) et dans une société misogyne. Si
les dialogues sont assez fades une nouvelle fois (dut à une mauvaise
traduction peut-être ?), la mise en scène est toujours justement
menée ainsi que son scénario. Les acteurs sont égaux à eux-même.
Ce double film reste
captivant par ce rythme feuilletonnesque à la fois rapide et
prenant. Malgré pas mal de faiblesses niveau direction d'acteur,
dialogues, intrigue policière ou même technique, Shokuzai est
réalisé par un cinéaste qui nous hypnotise. Complètement opposé
au cinéma très formaté que l'on a l'habitude de voir actuellement,
tout est extrêmement linéaire : ça commence par un point A pour
finir a un point B en prenant le temps de nous embarquer, sans trop
mâcher le boulot au spectateur. Pas de flash-back et d'effets à
n'importe quelles sauces stylistiques non plus. Je ferai même la
remarque que pour un film asiatique tout cela est agréablement
sobre.
Une honnêteté et un ton
fantastique digne des premiers films cliniques de Polanski ou
Cronenberg (à la sauce légèrement orientale) se dégagent dans les
meilleurs moments de ces portraits. On ne peut pas dire que Shokuzai
soit un chef-d'œuvre, il a même l'allure technique d'un téléfilm
mais il a beaucoup de charme et c'est suffisant pour vous dire que
c'est assurément un diptyque à découvrir.
Note : 7 / 10
P.S : Au Japon, les films
ont étés présentés sous la forme d'une mini-série de cinq
épisodes diffusée à la télévision en Janvier 2012. (Secrets de
tournages / Allociné).
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