samedi 24 août 2013

Shokuzai

Première partie : Celles qui voulaient se souvenir



Réalisation et scénario : Kiyoshi Kurosawa
Durée : 1h50
Distribution : Kyôko Koizumi, Hazuki Kimura, Yû Aoi...
Genre : Psycho-thriller de mœurs

Synopsis : Dans la cour d'école d'un paisible village japonais, quatre fillettes sont témoins du meurtre d'Emili, leur camarade de classe. Sous le choc aucune n'est capable de se souvenir de l'assassin. Asako, la mère d'Emili, désespérée de savoir le coupable en liberté, convie les quatre enfants chez elle à les mettre en garde : si elles ne se rappellent pas du visage du tueur, elles devront faire pénitence toute leur vie. Quinze ans après Sae et Maki veulent se souvenir.

Cette première partie contient les deux premiers portraits d'une série japonaise de cinq épisodes. Si dans la forme le rendu final est sûrement un peu tronqué, cela ne dérange pas beaucoup tant l'intrigue à la base est prenante. Si ce n'est pas l'idée du siècle bien sûr, cette intrigue bénéficie d'un scénario qui part en contre pied du thriller hollywoodien formaté que l'on a l'habitude de voir, comme pour pas mal de bons films asiatiques vous me direz. Seulement, Shokuzai vaut le coup d'œil encore une fois pour ce charme assez unique et propre à ce cinéma mais aussi parce qu'il n'est pas destiné uniquement à son public asiatique. Le scénario et le cinéaste nous délivre des portraits de femmes en guise d'enquête, c'est tout simplement captivant.

Les réalisateurs asiatiques nous offrent souvent des perles cinématographiques. Je pense notamment à mon préféré Bong Joon Ho avec Memories of murder ou encore Mother qui sont des polars peu conventionnels et absolument magnifiques. Kiyoshi Kurosawa n'est ici pas aussi virtuose que Bong Joon Ho mais nous permet tout de même de plonger dans le quotidien des témoins, enfermés dans leur culpabilité et leur souvenir, d'une manière lente et angoissante. Un cinéaste talentueux nous tient donc en haleine avec un scénario et une mise en scène intéressants qui prennent le temps de faire monter la tension afin de nous emballer. Les différents portraits nous font rapidement oublier l'intrigue policière au point de ne presque plus y penser. Nous sommes plongés dans un cinéma à la fois fantastique, clinique, et le tout dans un registre assez malsain. Beaucoup de thèmes psychologiques se dégagent des portraits habilement écrits et dépeints avec une étrangeté fascinante.

Si le film a un certain charme, je souligne malgré cela que l'interprétation n'est pas toujours brillante. Il faut dire que les dialogues ne sont pas là pour les aider, ces derniers étant même mauvais lorsqu'ils ne sont pas fades. Techniquement, la photographie est digne d'un téléfilm. L'ensemble des plans n'est pas toujours homogène et la patte personnelle en pâti.

Malgré ces défauts, le montage est intéressant et le scénario est agréablement étalé (comme une série télé donc), l'engagement de nous captiver est donc tenu. Si le cinéaste nous dépeint une vision pessimiste de la société japonaise grâce à des caricatures plus ou moins grossières, il nous envoûte et nous transporte avec son ton fantastique. C'est l'essentiel car cela me donne envie de voir la suite, si ce n'est pour l'intrigue principale ce sera pour ces portraits psychologiques très intéressants.

Note : 7 / 10



Deuxième partie : Celles qui voulaient oublier



Réalisation et scénario : Kiyoshi Kurosawa
Durée : 2 h 30
Distribution : Kyôko Koizumi, Sakura Ando, Chizuru Ikewaki...
Genre : Psycho-thriller de mœurs

Synopsis : Contrairement à Sae et Maki, Akiko et Yuka veulent oublier le drame. La mère d'Emili cherche toujours pénitence envers elles et recherche toujours le meurtrier quinze ans après.


Après une première partie envoûtante malgré ses défauts, Shokuzai celles qui voulaient oublier propose cette fois trois portraits avec bien entendu à la fin celui de la mère d'Emili: Asako Adachi. Les portraits ont été classés du plus au moins glauque même s'ils gardent tous un côté malsain dans le jeu sadique d'Asako. Une nouvelle fois les peintures collent parfaitement à la psychologie du personnage présenté. Il faut peu de temps pour découvrir les personnages d'Akiko et de Yuka, plus antipathiques et atypiques que ceux du premier volet. Ces deux portraits sont réalisés avec simplicité, avec pas mal d'ambiguïtés dans celui de d'Akiko, et pas mal d'humour noir dans celui de Yuka.

Très psychologique encore une fois, ces portraits se fondent sur le traumatisme causé par ce fameux meurtre. Pénitence ou pas, chacune sont touchées par cette journée qui est clairement l'axe du film. Cette galerie de personnages est clairement le vrai charme de Shokuzai. L'audace de passer du thriller classique au film à sketchs d'études psychologique n'est pas si commun. Le traitement est le même que dans le premier volet, le scénario est toujours bien ficelé et surtout captivant.

Dans le dernier portrait, celui d'Asako, l'intrigue policière reprend sa place principale. Malheureusement, ce portrait un peu trop alambiqué ne laisse que très peu de place au hasard dans le dénouement final. Cependant, étant donné que la culture japonaise croit beaucoup au destin, cela fonctionne. Le genre passe donc du thriller psychologique au thriller familial que l'on a vu plus habile et virtuose ailleurs. Je ne spolierais donc pas le final mais la découverte du tueur n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant ni de plus riche dans ce film.

Les portraits sont beaucoup mieux écrit, denses et développés que le dénouement. Ces femmes sont enfermées non seulement dans leurs différents traumatismes (dont un en commun) et dans une société misogyne. Si les dialogues sont assez fades une nouvelle fois (dut à une mauvaise traduction peut-être ?), la mise en scène est toujours justement menée ainsi que son scénario. Les acteurs sont égaux à eux-même.

Ce double film reste captivant par ce rythme feuilletonnesque à la fois rapide et prenant. Malgré pas mal de faiblesses niveau direction d'acteur, dialogues, intrigue policière ou même technique, Shokuzai est réalisé par un cinéaste qui nous hypnotise. Complètement opposé au cinéma très formaté que l'on a l'habitude de voir actuellement, tout est extrêmement linéaire : ça commence par un point A pour finir a un point B en prenant le temps de nous embarquer, sans trop mâcher le boulot au spectateur. Pas de flash-back et d'effets à n'importe quelles sauces stylistiques non plus. Je ferai même la remarque que pour un film asiatique tout cela est agréablement sobre.

Une honnêteté et un ton fantastique digne des premiers films cliniques de Polanski ou Cronenberg (à la sauce légèrement orientale) se dégagent dans les meilleurs moments de ces portraits. On ne peut pas dire que Shokuzai soit un chef-d'œuvre, il a même l'allure technique d'un téléfilm mais il a beaucoup de charme et c'est suffisant pour vous dire que c'est assurément un diptyque à découvrir.

Note : 7 / 10


P.S : Au Japon, les films ont étés présentés sous la forme d'une mini-série de cinq épisodes diffusée à la télévision en Janvier 2012. (Secrets de tournages / Allociné).

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