Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Mardik Martin et Earl
Mac Rauch
Durée : 2 h 40
Interprétation : Robert De Niro,
Liza Minnelli, Lionel Stander, Barry Primus...
Genre : Musical Noir
Synopsis :
Après sa victoire sur le Japon, New
York est en liesse. Jimmy Doyle, saxophoniste et jeune soldat,
rencontre Francine Evans, jeune chanteuse au Starlight Club en pleine
fête. Le hasard et leur métier les font se rencontrer de nouveau.
Ils vont s'aimer, faire une carrière ensemble, connaître la gloire
puis finir par se séparer. Ils se retrouveront seulement dix ans
plus tard.
New York New York fut un tel échec
financier à sa sortie en salles que l'on a retenu à tort que cela du film
pendant des années. La presse avait accueilli le film assez tièdement,
le public quant à lui ne voulait plus du tout voir ce genre depuis des années.
Par la suite la notoriété de Robert De Niro et de Martin Scorsese
redonnera heureusement une second chance à ce très grand film qui est bien plus
qu'un musical banal. Sous sa carapace de film musical se cache un
grand Scorsese, sa première fresque avant Les Affranchis, Casino Gangs of New York et
Le Loup de Wall Street. Le cinéaste signe donc une magnifique fresque intemporelle, très sentimentale et violente sur la vie d'artiste. Le
cinéaste en profite par la même occasion pour rendre hommage à l'âge d'or des comédies
musicales des années quarante et cinquante avec de superbes numéros et chansons.
Même si c'est un commande, ce film
tenait à cœur à Martin Scorsese car c'était déjà un grand
cinéphile. Il faut tout de même avouer que cette commande était quand même à la base assez
ingrate de la part des studios car la comédie musicale était
dépassée. Le genre était éteint auprès du grand public depuis des années et faisait des flops financiers depuis au moins quinze années.
Surtout pour le public et la presse qui n'a pas vraiment apprécié et eu la curiosité de voir un des
cinéastes les plus provocateurs de leur époque avec Taxi Driver faire une comédie musicale "old school". Les
apparences sont trompeuses comme on dit car New York New York est un très grand drame avec une violence sentimentale
particulièrement forte et émouvante. Malgré ses propositions et
ses tournages très nombreux, De Niro souhaitait absolument être de nouveau avec Martin Scorsese pour interpréter le rôle de Jimmy. Perfectionniste, l'acteur s'est transformé en
saxophoniste avec l'aide de Clarence Clemons. Il est
impressionnant une nouvelle fois par son jeu et ses improvisations au
saxo qui restent en tête. En face de lui, on retrouve la fille d'un
des mentors du cinéaste et de la comédie musicale : Liza
Minnelli. Elle est excellente et trouve avec Cabaret de Bob Fosse son
meilleur rôle. Les deux acteurs donnent toute la profondeur possible
à leurs personnages, au couple et au potentiel du scénario. Poignant,
émouvant, le spectacle est tout aussi violent que les gangsters ou névrosés habituels du cinéaste. On
est dans du pur cinéma de Martin Scorsese qui nous donne un magistral avant
goût d'un de ces chefs-d’œuvre émotionnel hélas toujours bien trop méconnu Le temps de
l'innocence.
Martin Scorsese dans sa mise en scène
garde une forme relativement classique. Un académisme qui met en relief
l'interprétation et le scénario. Mais quand je parle d'académisme ce n'est absolument pas celui qui est pompeux, lisse ou celui des oscars. Non celui des grands comédies musicales où chaque plan sont
d'une élégance, d'une émotion, d'une idée qui font décoller le film vers le haut, presque le chef d'oeuvre ici. On est baigné dans une superbe
photographie dans des décors de studios particulièrement
travaillés pour un pur moment de bonheur. Tout est un vibrant hommage à la fois personnel et passionné
au genre musical. Le cinéaste s'est entouré de Boris Leven le décorateur de nombreuses
comédies musicales dont West Side Story de Robert Wise et Jerome
Robbins. Il utilise des cadrages souvent très carrés en
hommage aux films de Cukor, Minnelli, Stanley Donen et Gene Kelly et fait durer des numéros pour faire passer le temps à la narration du
scénario. Ce n'est pas tout car c'est aussi pour faire un dernier adieu au genre à son public amateur de comédie
musicale. Le fait en plus d'avoir Liza Minnelli, fille de Vincente Minnelli
et de Judy Garland confirme l'hommage absolu.
Ne nous trompons pas pour autant car
c'est aussi un film d'un grand réalisme. Le cinéaste comme
d'habitude fait confiance à l'improvisation et une nouvelle fois ça paye. Les deux tiers du films sont d'ailleurs des scènes improvisées. On
pourrait presque dire que seules les parties chantées sont répétées
auparavant. New York New York reste avant tout un film sur la musique. Les deux
personnages sont musiciens, se rencontrent par la musique, feront
carrière dedans mais se sépareront également à cause d'elle. Une
histoire d'amour rude et poignante sur toute une époque où les
artistes sont en compétition au point d'en sacrifier leurs
sentiments. Scorsese passionné de Powell ne se manque pas de faire
des clins d'oeil aux fameux Chaussons rouges, comme tout au long de sa carrière d'ailleurs. On retrouve beaucoup de
références assez savoureuses mais le tout prend au tripes quand on
voit la hargne et la force des deux acteurs se battre en duel pendant
presque trois heures tout en émotion et violence psychologique. New York New York
est un superbe film sur la musique mais aussi un superbe drame
sentimental. Le tout est mené comme un combat de Boxe savoureux
avant qu'il fasse Raging Bull. De Niro est presque aussi abominable qu'en Jake La
Motta, il est bien plus manipulateur et vicieux ici.
Scorsese fait souvent disputer le couple dans une voiture quand ils sont isolés de leur public ou de leurs proches. On retrouve des images assez glaçantes des coulisses du show biz, des coulisses du succès, des collaborations entre mari et femme. On retrouve la vie, les pensées, les influences de beaucoup d'artistes tout le long de cette fresque sublime. Beaucoup de symboliques, d'analyses de références se dégagent et nous poussent à un autre visionnage. C'est un film fameux sur
le couple, très bien écrit et dirigé avec beaucoup de subtilités et qui dégage une dimension tragique particulièrement forte et amère. New York New York est une fresque dense qui se termine ni comme un Happy End comme la chanson peut le suggérer, ni comme une fin
complètement pessimiste. Je dirais plus comme nostalgique, triste et belle à la fois, un peu comme le testament d'une relation et la sensation d'avoir vu cinématographiquement le dernier film musical
typiquement dans la trempe des années quarante et cinquante.
Scorsese qualifie que son film est un « musical très noir »
et il résume parfaitement le tout. Pour ma part il reste et restera
toujours un des plus grands films du cinéaste. Le titre n'est pas hasardeux non plus, Scorsese et New York c'est une longue histoire. Celle là est incontournable.
Note : 9,5 / 10
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire