Réalisation et scénario :
Guillaume Nicloux
Durée : 1 h 30
Interprétation : Isabelle
Huppert, Gérard Depardieu...
Genre : Deux gueules
d’atmosphères
Synopsis :
Isabelle et Gérard se retrouvent dans
la vallée de la Mort, en Californie, pour un étrange rendez-vous.
Ils ne se sont pas revus depuis des années et répondent à
l'invitation de leur fils Michael qui s'est suicidé avant l'écriture
de la lettre. Malgré l'absurdité de la situation, ils décident de
suivre le programme initiatique imaginé par Michael.
Sans transcender dans un genre ou une
piste en particulier, Guillaume Nicloux signe ici un film atypique,
aussi atmosphérique que contemplatif. Le cinéaste français négocie
avec beauté et intelligence la rencontre entre deux monstres du
cinéma français. Depardieu et Huppert sont superbes dans un décors qui l'est tout autant, visuellement comme symboliquement.
Si le scénario n'ouvre que des pistes
d'interprétations et n'en referme pas, ces dernières sont
toujours amenées de manières subtiles, intrigantes et
intéressantes. Une belle mise en scène et une utilisation du décors
de la vallée de la mort installent magistralement la psychologie des
personnages fascinants et magnétiques. On se ballade
agréablement dans un parcours initiatique tortueux à la fois simple et énigmatique. Sans prétention le film lorgne dans le cinéma de Wenders,
Malick, Aronofsky, Antonioni, Lynch ou encore Godard mais Guillaume
Nicloux ne pompe nulle part, il compose. Il se ballade dans ces genres et styles et quand il y fait
parfois références, elles restent toujours sobres et utiles à la narration. La maîtrise de son
film est absolue, notamment par la présence des deux acteurs à l'écran. Ils portent bien entendu le film avec des dialogues drôles et touchants, tous très bien écrits. A l'appui on a droit à un beau travail du cadre et de l'image ainsi qu'une superbe musique bien utilisée et qui aurait peu être signée Angelo Badalamenti.
Le cinéaste joue également sur la dérision avec les deux têtes d'affiches dans son scénario. Il rend même certains
passages irrésistibles et savoureux. Voici sans doute le grand secret de
la réussite de Valley of Love : celui de ne pas se prendre au sérieux. Du coup il se démarque de n'importe quel autre film d'auteur bien
plombant et en plus rarement aussi malin que les pistes que Nicloux abordent. Ici on reste dans du cinéma accessible tout en l'étant
sur des thèmes difficiles comme la mort, la culpabilité et le deuil. Exercice périlleux mais
brillant de la part du cinéaste qui ne tombe jamais de son exercice d'équilibriste. Cependant ce qui empêche Valley of
love d'être un très grand film est de ne pas vraiment exploser
dans un genre, une piste. Il reste au final bien trop brouillon dans son fond et sa démarche pour
convaincre. La ballade en vaut largement la peine tout de même car c'est du cinéma
assez pur. Sans clichés, ni références, sans genre et encore
moins tape à l'oeil. Le film est agréablement dépouillé de fioritures et avec une introspection à tous les étages pertinente et fine.
Pour ce qui est du fond, ce film est à la fois étrange
et fascinant. Un peu comme les deux personnages, on se pose
beaucoup de questions et on est surpris par des événements incroyables. Le
scénario est très intéressant sur le thème du deuil et de la rédemption. La narration démultiplie les pistes mystiques, fantastiques ou psychologiques sans jamais les caricaturer ou les lancer. Le
scénario de Nicloux est à l'image de sa mise en scène, lent, progressif et épuré. Un peu comme si
Robert Altman avait écrit un scénario pour Darren Aronofsky. Toutes
les pistes à la fin sont coupées de manière plutôt brutales si elles n'ont pas été traitées
avec étrangeté auparavant. Cette sensation n'est absolument pas frustrante, au contraire elle permet de magnifier les deux personnages, leur donner toute leur
richesse psychologique et émotionnelle. Le film est riche dans les pistes d'interprétations, mais pour faire simple on a droit a un vieux
couple séparé qui se retrouve et qui s'aime encore. Ils ont un fils en
commun de leur relation qui s'est suicidé. Tous les deux ont une
culpabilité différentes de ne pas l'avoir véritablement connu et
se sentent plus ou moins responsable de la mort de Michael.
Ne comptez pas sur le cinéaste pour
nous donner l'explication car tout est vraiment abordé mais rien est clair ni de défini. C'est au spectateur de réfléchir. Constamment
le film joue avec les limites entre illusion et réalité, drame et
comédie, introspection personnelle et enquête plus matérielle ce qui
donne un charme unique. Nicloux joue avec les valeurs, les limites si chères au cinéma. Valley of Love est un beau morceau de bravoure cinématographique, intelligent et immersif. Si ce n'est pas un chef d’œuvre par le
manque de développement, de point de vue et de prise de risque, ce film est
tellement hypnotisant, contemplatif et atmosphérique qu'il reste dans les mémoires. Pour
l'ambiance, les paysages et le duo Huppert et Depardieu qui remplit
toutes ses promesses je conseille ce film surtout aux cinéphiles. Pour ma part j'ai été très agréablement
transporté par ce film sur tous les points sans penser pour autant être devant un chef d'oeuvre.
Note : 7, 5 / 10
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