jeudi 23 avril 2015

Good Kill



Réalisation et scénario : Andrew Niccol
Durée : 1 h 40
Interprétation : Ethan Hawke, Bruce Greenwood, January Jones, Zoë Kravitz...
Genre : Brûlot bouillonnant

Synopsis :

Le commandant Tommy Elgan est un pilote de chasse reconverti en pilote de drone. Douze heures par jour il combat les talibans derrière sa télécommande à une base à Las Vegas. Le reste du temps Tommy reste avec sa femme et ses enfants qu'il perd de plus en plus en vue. Suites à de nouvelles directives de plus en plus radicales, Tommy se remet en question et se demande s'il ne génère pas davantage de terroristes qu'il n'en extermine.

Andrew Niccol revient avec un sujet brûlant avec son dernier film Good Kill. Si le cinéaste n'obtient pas le virtuose, l'inventivité et le cynisme de ses deux grands précédents films que sont Bienvenue à Gattaca et Lord of War, il signe un pamphlet particulièrement nuancé sur la guerre technologique de nos jours. Que le film plaise ou pas, il soulève toutes les questions qu'American Sniper de Clint Eastwood sur le même thème n'abordait pas. Ethan Hawke brille dans un film maîtrisé et qui porte surtout à la réflexion.

La première heure du film est d'une grande efficacité que ce soit dans le scénario et la mise en scène. Dans l'anti américanisme, l'anti guerre ou la psychologie tendue et ambiguë de ces soldats tout est réalisé d'une impressionnante montée en ébullition. Le crescendo de la violence des missions est également de plus en plus insoutenable pour le spectateur. Dommage que la dernière demie heure soit plus sage dans le fond comme dans la forme. Je regrette que les intentions du scénario n'aillent pas plus loin dans les pensées et les actes du personnage de Tommy, elles paraissent même sectionnées. Cependant elles restent assez intéressantes dans le thème de la violence et de la vengeance. La fin, faussement bonne, a le grand mérite de déranger intérieurement notre vision de la justice, de la Guerre et de sa violence.

Good Kill marque surtout par les questions universelles et modernes qu'elles bousculent en nous. Niccol ouvre des pistes et veut avant tout montrer que les américains sont aussi, voir plus horribles et sanguinaires que leurs ennemis. Avec leurs moyens, ils se permettent même de tuer en masse pour bêtement « protéger les Etats-Unis d'Amérique ». C'est le conflit avec la nouvelle technologie à distance qui agite la lâcheté et les remords chez l'homme qui est certainement le plus pertinent, le plus intéressant dans ce film. L'immersion du spectateur du personnage de Tommy est très réussie. Avec vulnérabilité, le cinéaste dépeint un homme qui a un self control douteux et surprenant qui donne une ampleur et une densité essentielle au film. L'entourage nuance bien les portraits et les messages même si on retrouve bien entendu les clichés, les caricatures. Malgré tout le cinéaste joue avec ces derniers et s'en sert pour bien équilibrer ses idées et démontrer qu'avant tout la guerre est ce qu'il y a de pire pour tout le monde et pour l'Homme. Il n'y a aucune solution. A l'image d'Outrages de Brian De Palma, si nous ne sommes pas dans un grand film de Guerre, Good Kill est un brûlot efficace et pertinent contre les États-Unis mais surtout la guerre de manière générale. Dans les deux camps, la mal évolue à l'image de la technologie, de manière foudroyante et se propage de manière insondable et sourde sur les victimes encore vivantes. Un combat sans fin dans une époque où la violence prend une dimension virtuelle de plus en plus grande, au dessus du simple bain de sang et des tensions psychologiques de la Guerre Froide. L'impression que tout devient surtout de plus en plus incontrôlable.

Après le film d'Eastwood qui se contentait de suivre un texan idiot et borné dans ses actes républicains, Good Kill fait du bien et largement plus intelligent. Si la forme et les messages ne sont pas aussi subtils, tranchés et incisifs que les meilleurs films du cinéaste, il reste dans Good Kill quand même de la richesse dans ses pistes de réflexions, ce qui est toujours rare dans les salles de nos jours. Le cinéaste s'est fait produire par un français, celui de Démineurs de Kathryn Bigelow à l'époque, car les États-Unis ne voulaient pas le faire. Sans être inoubliable, l'ensemble du film est d'une facture plutôt honnête et efficace. Good Kill reste aujourd'hui indispensable à voir dans le genre comme pour le sujet. 


Note : 7 / 10

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