Réalisation : Christian Petzold
Scénario : Harun Farocki et Christian
Petzold
D'après l'oeuvre d'Hubert
Montheilhet
Durée : 1 h 45
Interprétation : Nina Hoss, Ronald
Zehrfeld, Nina Kunzendorf
Genre : Le retour de Nelly de Guerre
Synopsis :
Au lendemain de la Seconde Guerre
Mondiale, Nelly est une miraculée d'Auschwitz. Sans
visage, elle redemande au chirurgien son ancien et souhaite retrouver
Johnny, son mari. Elle s'aperçoit que Johnny l'a trahie et ne la
reconnaît pas pensant que sa femme est morte dans les camps.
Voici le genre de film passionnant et
bouleversant qui mérite plusieurs diffusions pour en saisir les
multiples sens de lecture et différentes pistes de réflexions. Loin des machines à Oscars et des drames
conventionnels, Phoenix est un peu une reprise de Sueurs froides
d'Alfred Hitchcock exploitant le filon sentimental et dramatique chez
une population allemande traumatisée et en totale reconstruction.
Sensible, émouvant, intelligent et interprétation de Nina Hoss
remarquable, Phoenix est un grand film qui vaut d'être vu.
On pense aux Yeux sans visage de
Georges Franju puis à Seconds de John Frankenheimer ou même à la
relecture du film d'Hitchcock de Brian De Palma Obsession. Sans trop
s'appuyer sur ses différentes références, le cinéaste en tire un
film hautement psychologique et émotionnel, un film unique dont rien est
calculé et encore moins anecdotique. Tout y est surprenant et
soulève régulièrement de nouvelles pistes de troubles et
d'interprétations différentes sur les faits historiques mais également psychologiques. Si certains trouveront le jeu de dupes trop
long et exagéré, pour ma part il permet de rendre le personnage de
Johnny hautement plus ambigu que dans sa présentation car deux des thèmes du film des plus
importants sont portés autour de lui, ceux du déni et du non dit.
Coupable pas coupable ? Pour l'argent ou pas ? Si ce dernier montre
officiellement une attitude de lâche, tout est bien plus intelligent
et absolument pas manichéen.
Personne n'ose reparler de cette
période hormis rendre hommage à ses victimes. D'ailleurs dans la
mise en scène de Johnny pour l'arrivée de la nouvelle Nelly, personne
ne lui posera des questions sur son passé comme il l'a prédit. L'entourloupe aurait pu
fonctionner. Petzold réalise avec sensibilité un film juste et
d'une densité émotionnelle formidable aidée par l'interprétation
absolument renversante de Nina Hoss. A travers ses regards l'actrice transmets toutes ses émotions aux spectateurs comme dans le cinéma muet mais sans en faire trop, elle est d'une justesse époustouflante et touchante. Un talent trop rare transcendant émotionnellement le personnage de Nelly du début à la fin. Sur un filon d'histoire d'amour abîmée on trouve un scénario qui joue
habilement sur le non dit et une quête passionnante sur l'identité
et reconstruction d'une personne après un traumatisme. On retrouve beaucoup de symboles plus ou moins subtils mais tous traités avec une
honnêteté et un sensibilité qui ne vous laisse pas indifférent.
Sur une musique Jazzy bien travaillée
et bien dosée, on notera sur la très belle mise en scène une
magnifique photographie. A l'image du film elle est sans fioritures, simple et d'une grande beauté. Ce film allemand est un petit chef
d'oeuvre qui ne laisse pas indifférent malgré un rythme assez lent qui peut déconcentrer un peu parfois. Cependant il est pourvu d'une grande maîtrise technique et des émotions. Phoenix est
ce que l'on attend d'un grand moment de cinéma, avoir des émotions
ainsi que des pistes de réflexions passionnantes. Que ce soit sur la
reconstruction, le choc psychologique, historique, des cultures ainsi
que le regard allemand (pour une fois) de la seconde Guerre le film
de Christian Petzold se doit d'être vu. Il est rempli de métaphores
entre le peuple juif et allemand, l'homme et la femme, la conscience
morale et culturelle de l'époque mais aussi d'aujourd'hui.
Le final est sublime, soulevant
l'émotion bien sûr à son paroxysme ainsi que l'un des dilemmes les
plus durs : la volonté d'avancer en prenant une indépendance totale
vis à vis de son passé ou au contraire reprendre son passé, se le
réapproprier, le guérir et avancer avec. Phoenix n'est pas qu'un
film de réflexion pour autant, c'est un formidable drame
sentimental, un des plus bouleversants que j'ai vu depuis des années.
Bien entendu, il ne restera pas longtemps à l'affiche alors je ne
peux que vous recommander de vous jeter dessus, à la condition de ne
pas être trop déprimé à l'entrée de la séance.
Note : 9,5 / 10