Réalisation
: Bong Joon-Ho
Scénario
: Bong Joon-Ho et Kelly Masterson.
Durée
: 2 h
Distribution
: Chris Evans, Song Kang Ho, Ed Harris, John Hurt, Tinda Swinton...
Genre : Gangs of
RER.
Synopsis :
2031. Une nouvelle ère
glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du
Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la
Terre sans jamais s'arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal
fendant la glace, s'est recréée une hiérarchie des classes contre
laquelle une poignée d'hommes entraînés par l'un d'entre eux tente
de lutter. Car l'être humain ne changera jamais...
Après différents
exercices de styles plus que brillants, le cinéaste Bong Joon-Ho
confirme avec Snowpiercer qu'il est actuellement le
réalisateur qui réussi le mieux à mélanger les genres avec tant
de virtuosité. Si bien sûr d'autres cinéastes brillent également
en la matière, Bong Joon-Ho possède les scripts les plus riches,
denses, originaux et inventifs. Une nouvelle fois à l'écriture du
scénario avec la collaboration de Kelly Masterson (7h58 ce samedi
là), le cinéaste coréen de The Host nous offre un
blockbuster d'auteur international qui fait mesure d'ovni dans une
époque où le cinéma est trop souvent aride en originalité. Rien
que pour cela, Snowpiercer est un film à ne pas rater.
Inspiré d'une bande
dessinée éponyme, Snowpiercer se situe entre un Spartacus
de Stanley Kubrick (lutte des classes) et un Soleil vert de
Richard Fleischer (côté science fiction, anticipation) le tout dans
une arche de Noé. Énormément de pistes et de thèmes passionnants
sont abordés dans ce scénario. Ce dernier dépeint une critique
virulente de la société en général, de sa violence, de ses vices,
de sa politique et de l'espoir de ses différentes classes. Une
peinture pessimiste de l'Homme et de son pouvoir, ses rapports de
forces et sa hiérarchie, le tout magnifiquement dépeint avec un
sens virtuose du détail, de façon très crédible. En plus d'être
abondamment riche, le scénario est d'une extrême habileté
rythmique et narrative, digne d'un grand classique du cinéma. La
mise en place est très efficace, mais tellement rapide qu'elle
pourrait décourager certains : le film plongeant le spectateur dès
les premières minutes dans une violence qui pourrait lui faire
penser à un énième vulgaire film de violence gratuite. La suite
pourtant est une fabuleuse aventure onirique et cinématographique.
La conquête progressive des wagons du train est un exercice de style
virtuose où suspense, humour, action, émotion et satyre sont
magistralement assemblés. Plusieurs visionnages s'annoncent
indispensables pour capter et saisir plus de détails.
A la fois accessible,
ambigu et très suggestif, Snowpiercer ne tombe jamais dans la
facilité, le too much et encore moins la niaiserie. Tout est traité
dans une grande pudeur, sincérité et élégance. Le cinéaste de
Mother prend le temps de faire des pauses dans l'action et de
donner encore plus d'ampleur à son scénario afin de rendre les
différents tons à son film qui est un véritable éventail à
émotions. Également très bien maîtrisé dans son rythme, on ne
ressent aucune longueur grâce à une intrigue impalpable et remplie
de rebondissements régalant (la scène du tunnel par exemple). Un
peu comme le début du film, le final peut décevoir par la rapidité
du dénouement, et le face à face succinct entre Winston et Curtis.
S'il doit certainement exister une version un peu plus longue, pour
ma part cette fin est juste magistrale et d'une cohérence parfaite.
Le cinéaste n'en fait pas des tonnes et ne prend pas le public pour
un idiot.
Côté interprétation,
ma plus grande surprise est Chris Evans. Ce dernier compose ici une
des plus grandes prestations d'acteurs de ces dernières années.
Sans que le film ne lui offre un « rôle à oscar » il
délivre une prestation à la fois grandiose et subtile où il est à
la fois impérial, vulnérable et torturé dans le rôle du meneur
aussi ambigu qu'attachant. Le choix d'Ed Harris a déjà été
utilisé par d'autres cinéastes dans le domaine du machiavélisme
(Peter Weir, David Cronenberg), et s'avère une nouvelle fois payant,
en effet, il dégage un charisme époustouflant. Tilda Swinton marque
les esprits dans son personnage aussi abominable moralement que
physiquement. L'habitué au cinéaste et irrésistible Song Kang-Ho
compose un numéro de fée clochette explosif aussi dopé que
roublard. On appréciera également le grand acteur John Hurt en
guise d'hommage dans le rôle de Gilliam. Le reste du casting est
également aussi régalant que judicieux, dont même le trop souvent
oublié Jamie Bell.
Bong Joon-Ho nous plonge
dans un fabuleux huis clos, une épopée sociale qui oscille en
permanence entre le thriller, le film d'aventures et d'anticipation.
Réalisé avec une grande maestria, Bong Joon-Ho réussit une
merveilleuse alliance de la culture du cinéma hollywoodien et du
cinéma asiatique tout en conservant sa touche particulière. Le
cinéaste est toujours aussi habile avec l'émotion, le thriller et
la psychologie marquée de ses personnages. La mise en scène est
sensible, juste et intelligente avec un fascinant sens de l'image et
un travail sur l'espace surprenant. Ce huis clos est paradoxalement
très aéré par sa narration (beaucoup d'événements) et oppressant
(effet carcéral garanti). La bande originale, très belle, donne de
l'ampleur et du relief, mais n'appuie jamais trop lourdement les
actions comme on peut le voir trop souvent dans la plupart des films
actuels. La violence est un sujet tabou comme chaque fois : ici elle
est esthétique sans être particulièrement sublimée ni enlaidie.
Le travail de l'image fait parfois penser à des vignettes de bande
dessinée. Hormis les effets spéciaux (sur l'extérieur du train)
qui vieilliront certainement assez vite, la photographie est
particulièrement belle.
Après son court métrage
réussi dans Tokyo, Bong Joon-Ho confirme son talent dans le
huis clos. Si Le transperceneige est actuellement le film du
cinéaste contenant le plus de violence physique, cette dernière
n'est pas gratuite et ajoute une touche de crédibilité. Les
cassures de rythmes, les contre-pieds narratifs peuvent dérouter les
plus adeptes aux blockbusters classiques. A croire que le cinéaste
s'est donné le défi de déformer toutes les ficelles du genre. Ce
film est à l'image des autres films du cinéaste : un ovni
passionnant. Il est certainement son film le plus risqué mais aussi
son plus réussi, en tout cas du même gabarit que Memories of
Murder et Mother.
Sans faire du Malick ou
du grand film contemplatif, le cinéaste coréen démontre que le
grand cinéma peut parfois se trouver dans les salles grand public.
Un blockbuster habile et très intelligent (oui vous avez bien lu les
mots « habile » et « intelligent » dans la
même phrase que « blockbuster ») aussi bien dans le
fond que dans la forme. Le cinéaste insuffle son grand talent de
conteur et de metteur en scène dans un blockbuster dont il reforge
avec brio toutes ses lettres de noblesses. Pour ma part, Le
transperceneige est également actuellement le meilleur film sur
le thème de la fin du Monde, surtout par son côté inventif. Cette
conquête de cette arche de Noé des temps modernes est certainement
un des plus grands exercices de style que j'ai eu l'occasion de voir
au cinéma. Un tour de force impressionnant qui fait clairement de
Bong Joon-Ho un des plus grands cinéastes contemporains.
Ce film figurerait pour
ma part dans le top dix des meilleurs films des années 2000.
PS : Le montage américain
a coupé la fameuse séquence de l'école. A voir comment ils se sont
débrouillés...
Note : 10/10
La dévédéthèque parfaite dans le même thème :
Soleil vert de Richard Fleischer, Spartacus de Stanley Kubrick et La planète des singes de Franklin J Schaffner.
La dévédéthèque parfaite dans le même thème :
Soleil vert de Richard Fleischer, Spartacus de Stanley Kubrick et La planète des singes de Franklin J Schaffner.
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