samedi 27 septembre 2025

Une Bataille après l'autre

Paul Thomas Anderson restera toujours une bonne raison pour aller dans une salle de cinéma. Que l'on accroche ou pas au film, cela reste une des rares propositions et leçons de mise en scène dans le cinéma contemporain. Peut-être le seul et dernier cinéaste qui reste en marge du système hollywoodien comme l'était Stanley Kubrick. 

Après un chef d'œuvre à la déstabilisante perfection (Phantom Thread) et une parenthèse drôle et tendre amère (Licorice Pizza), le cinéaste se repenche sur le style Pynchon qu'il avait adapté il y a dix ans dans le tortueux Inherent Vice

Une Bataille après l'autre remet au centre toutes ses précédentes réalisations et rebat ses nombreuses cartes scénaristiques. Moins prétentieux que The Master, aussi rythmé que Boogie Nights et Magnolia et tout aussi dissonant que Punch Drunk Love on se retrouve surtout dans une revisite d'un genre : le film d'action. 

Car oui ce film est avant tout un film d'action avec comme articulation sarcastique (ou gesticulation déambulatoire) le monde politique, et sociétal, américain actuel. Le scénario séduit par son audace et le mélange des différents genres comme l'était Emilia Perez de Jacques Audiard l'année dernière. Sans pause, les émotions se diffusent sous une généreuse couverture d'action, sans cesse soutenue par le montage si parfait, cette indéniable signature du cinéaste.

Paul Thomas Anderson redessine donc le cinéma des frères Coen d'antan (The Big lebowski, No country for old men) dans un thriller familial d'action où les traits des caricatures font éclater la colère et le militantisme d'une nation à bout de nerfs, épuisée et constamment sur ses gardes. On peut le rapprocher cette année avec l'humour de Bong Joon Ho et son Mickey 17 de la même trempe. Sauf que chez Anderson c'est plus abouti et moins foutraque car il assume totalement son genre en première lecture. Si on peut aussi faire le rapprochement avec l'approche du cinéma de Bigelow, je me penche plus sur la référence évidente d'un des meilleurs film de Lumet avec River Phoenix : A bout de Course. Si vous ne l'avez pas vu, foncez !

On se retrouve donc dans un hybride assez dingue que l'on retrouvait avant chez les frères Coen avec le formalisme d'un Michel Mann entre Heat et Collatéral. Et puis une nouvelle fois le casting propulse le plaisir au sommet. Léonardo DiCaprio comme d'habitude est superbe, irrésistible et drôle à souhait. Sean Penn horrible personnage qui sort de Small Soldiers de Joe Dante puis Benicio Del Toro toujours classe et parfait, dans un personnage que je vous laisse découvrir. Mais cette fois il y a surtout plusieurs personnages féminins forts : il faut avouer que cela démarque le film des précédents du cinéaste. Jusqu'à maintenant Paul Thomas Anderson les gardait plus en second plan, surtout avant la sublime partition de Vicky Krieps dans Phantom Thread

Sans être son chef d'œuvre, Une bataille après l'autre reste un fameux shoot de cinéma à l'ancienne qui fait plaisir aux cinéphiles ainsi qu’aux spectateurs en quête de sensations nouvelles. Paul Thomas Anderson reste toujours dans un cinéma tout aussi musical que sensoriel. Et c'est un véritable virtuose du montage. Rien que pour ça, ça rembourse le prix du billet ! 

Comme pour Tarantino et ses salopards, Anderson et ses tourmentés nous offrent ici un film culte instantané qui détonne sur les écrans de cinéma. Ces derniers sont faut l’avouer en déclin, peinant à nous proposer régulièrement du grand spectacle. 

Ici les scènes de poursuites sont plus que satisfaisantes. Franchement ça fait juste du bien de voir un film avec de la mise en scène et de la personnalité. 

Un film après l'autre, Paul Thomas Anderson signe une immense filmographie à l'image de sa folie, de son audace et de son authenticité. Et son dixième film ne déroge pas à la règle. 

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