lundi 30 novembre 2015

Knight of cups



Réalisation et scénario : Terrence Malick
Durée : 1 h 50
Interprétation : Christian Bale, Cate Blanchett, Natalie Portman, Antonio Banderas, Imogen Poots, Isabel Lucas, Teresa Palmer, Armin Mueller-Stahl... 
Genre : Crise existentielle selon Malick 

Synopsis

Rick est un scénariste sur le déclin à Hollywood qui a perdu sa femme et songe à changer de vie, prendre un nouveau départ. 

On ne peut pas être objectif quand on fait une critique d'un film de Terrence Malick. Surtout depuis Le Nouveau Monde car son cinéma est devenu presque essentiellement sensoriel, loin de tout ce que l'on voit d'habitude. Comme pour Tree of Life, le style Malick bat son plein dans Knight of Cups. Bien ou pas bien ? A vous de voir mais pour ma part je suis partagé même si globalement j'ai trouvé ça mieux que Tree Of Life

C'est un peu comme si Malick refaisait La grande Bellezza dans l'univers de vide et d'ennui de Sofia Coppola. Je trouve le fond du film simple et un peu light, cependant chez Malick, on a droit a un flot de son style dans la forme. Même si c'est un peu la même recette à chaque fois avec une utilisation extrême du Jump Cut sur de la belle musique classique, c'est du pur cinéma expérimental dont seul le cinéaste a le secret. 

On retrouve une magnifique photographie sur une musique qui l'est toute autant avec des tonnes de pensées désorganisées en voix off. Le spectateur doit se débrouiller avec pour assembler les morceaux, ou pas, c'est à lui de choisir. C'est un peu un pensum foutraque autant doté de souffle novateur que répétitif et parfois superficiel. On déteste ou adhère et comme d'habitude je suis le cul entre deux chaises. J'ai préféré ce film à Tree Of Life, simplement parce que le sujet est moins ambitieux mais aussi car il est plus sobre. On est pas bercé du début à la fin par une musique religieuse, il y a des silences, des cassures de rythme et une organisation en thème plus classique mais finalement plus intelligente et moins prétentieuse. Le film ne se veut pas magistral c'est aussi ce qu'il y a de plus séduisant. 

Knight of Cups est exactement comme Tree Of Life donc si vous n'aimez pas le film primé à Cannes, ne tentez pas l'expérience. Cependant cette crise existentielle est traitée avec plus de sobriété ce qui donne une meilleure approche contemplative. C'est différente de la démonstration un peu à sens unique du sens de la vie de Tree of life. Sans être parfait, j'ai trouvé Knight of Cups intéressant avec autant de belles séquences que de parties  plus superficielles et lourdes. On peut retrouver des choses intéressantes dans les conquêtes de Rick qui cherche à retrouver sa femme interprétée par Cate Blanchett. Comme d'habitude, ses noms prestigieux au casting sont anecdotiques. Je recommande uniquement pour les fans du pur style Malick. Allez y pour la réflexion et sa forme du film, oubliez le fond qui est encore une fois, bien light et peu subtil. Je préférais quand le cinéaste était moins prolifique car il y avait le fond et la forme au même niveau. 

samedi 28 novembre 2015

Macbeth




Réalisation : Justin Kurzel
Scénario : Todd Louiso, Jacob Koskoff et Michael Lesslie
Tiré de l'oeuvre de William Shakespeare
Durée : 1 h 55
Interprétation : Michael Fassbender, Marion Cotillard, David Thewlis, Paddy Considine, Jack Reynor, Sean Harris...
Genre : Massacre ennuyant


Synopsis


Macbeth, chef des armées en Ecosse au 11 ième siècle, sort victorieux de la Guerre qui fait rare dans tout le pays. Sur son chemin, trois sorcières lui prédisent qu'il deviendra Roi. Comme envoûté par la prophétie, Macbeth et son épouse montent un plan machiavélique pour régner sur le trône, au point d'en perdre la raison. 

Il est très dur de se frotter à Shakespeare pour n'importe quel cinéaste, surtout quand on réalise un si mauvais film que Les Crimes de Snowtown. Heureusement cette version de Macbeth possède bien plus de qualités que le précèdent film du cinéaste, même si ce n'est pas une réussite non plus. Du rouge et de la fureur, oui il y en a, mais c'est tout hélas. 

Il y a d'abord une superbe photographie, des tentatives visuelles et une démarche qui font plaisir à voir. Si le film est très attractif et tient la route c'est surtout car il a un des meilleurs acteurs du monde dans le rôle titre. Fassbender est un de ces grands acteurs qui ont de la présence à l'écran, sur la scène, même quand ils ne jouent pas. Heureusement car le gros problème de ce film est justement dans la non direction d'acteur du début à la fin. Ils récitent tour à tour leurs répliques sans s'interrompre, se regardant limite dans le blanc des yeux, comme un vieux et sale cliché du film d'auteur. Le résultat  alterne donc les scènes d'actions et de violences chorégraphiées avec du très mauvais théâtre filmé. Les dialogues ne sont pas réactualisés, brouillons et manquent de puissance. 

Du coup ça sonne faux et le spectacle visuel devient rapidement ennuyeux. Tous les enjeux du scénario sont pauvres et reposent uniquement sur le pauvre Fassbender. Le scénario est une version appauvrie et plus violente de l'oeuvre de Shakespeare. Sur les filmographies du réalisateur et des scénaristes je vois qu'ils préparent tous l'adaptation au cinéma du jeu Assassin's Creed. Je trouve ça bien plus cohérent et logique que de massacrer la pièce de Shakespeare qui n'a rien demandée. Cette version de Macbeth est une curiosité éprouvante à la belle photo mais sans aucune direction et un scénario trop pauvre pour convaincre. Tout le casting et la technique sont au top et au service d'un réalisateur et de scénaristes qui n'ont pas vraiment de talent. On saluera plus l'ambition que la réussite. 

mercredi 25 novembre 2015

Strictly Criminal ( Black Mass )



Réalisation : Scott Cooper
Scénario : Mark Mallouk et Jez Butterworth
Tiré du livre de Dick Lehr et Gerard O'Neill
Durée : 2 h 
Interprétation : Johnny Depp, Joel Edgerton, Benedict Cumberbatch, Peter Sarsgaard, Kevin Bacon, Juno Temple, Dakota Johnson...
Genre : Classique

Synopsis

Le film retrace l'histoire vraie de l'alliance contre nature entre le gangster James "Whithey" Bugler et le policier John Connolly à la base unit pour battre la Mafia Italienne. En s'entraidant, Bugler est devenu le grand gangster de Boston des années 70 jusqu'à la fin des années 80. 

Il y avait tout pour faire un bon film. Que ce soit au niveau de la technique, du sujet, des reconstitutions ou du casting, Strictly Criminal est un film de haut vol. Même Johnny Depp (qui a laissé son mode Jack Sparrow fatiguant au vestiaire) est au rendez-vous pour l'une des ses plus impressionnantes prestations. Seulement il est tellement dommage ce que soit un cinéaste si classique qui se penche sur un sujet comme celui-çi. A l'image de la musique, la transparence de la mise en scène illustre platement un scénario qui a du mal a trouver le bon équilibre entre polar et film dossier.

Si le cinéaste ne cherche pas à faire du Scorsese ou du film de gangster à la mode et c'est une bonne chose. Seulement son travail se limite à du savoir faire propre mais finalement très sage et avec trop peu d'ambition. Des scènes ne sont pas développées comme il le faudrait en terme de mise en scène. Les scènes sont à l'image des personnages assez statiques et juste des pions, on ne vibre à aucun moment pour eux. Du coup le film passe un peu à côté du potentiel car dans le film dossier, le scénario ne brille pas et dans le polar, il étincelle dans les quelques éclats de jeu de Johnny Depp. Tout le reste est du déjà vu, ennuyeux et dépourvu d’intérêt. Les quelques séquences qui décollent un peu sont les changements d'époques, mais le rythme des séquences ressemblent à celle de Blow de Ted Demme, toujours avec Johnny Depp. 

Beaucoup de films de gangsters sortent mais peu se démarquent. Il faut que ce soit un grand réalisateur ou un sujet en or pour que ça tienne la route. Après A Most Violent Year sorti en début d'année, Black Mass a le même soucis, celui d'avoir un cinéaste qui a des références mais aucune personnalité. Au résultat les deux films nous ennuient, nous frustrent plus qu'ils ne nous divertissent. Johnny Depp est le seul en grande forme dans ce film car ce premier rôle lui permet de faire des envolées par rapport aux seconds rôles. Tant mieux pour la carrière de l'acteur qui manque de rôles comme celui-çi depuis maintenant une dizaine d'année. Si le film est bien léché il ne restera pas dans les mémoires car il se contente de raconter platement une histoire qui méritait un bien meilleur traitement. Un film dispensable. 

Note : 4 / 10

This is not a love story ( Me and Earl and The Dying Girl)



Réalisation : Alfonso Gomez-Rejon
Scénario : Jesse Andrews 
tiré de son roman homonyme
Durée : 1 h 45
Interprétation : Thomas Mann (II), Olivia Cooke, RJ Cyler, Jon Bernthal...
Genre : Teen Movie référencé 

Synopsis

Greg est un lycéen introverti, adepte de l'autodérision, qui compte bien finir son année de Terminale le plus discrètement possible. Il passe la plupart de son temps avec son ami Earl à refaire ses propres versions des grands classiques du cinéma. Mais sa volonté de passer inaperçu est mise à mal lorsque sa mère le force à revoir Rachel, une ancienne amie de maternelle, atteinte de leucémie. 

A l'image du personnage principal, le film passe complètement inaperçu : il est seulement distribué dans dix salles en France. Pourtant ce Teen Movie mérite vraiment le coup d'oeil. Du début à la fin plane un amour pour le cinéma évident, que ce soit celui de Martin Scorsese ouvertement, mais aussi celui du bricolage, le "suedage" cinématographique de Michel Gondry ou celui de Wes Anderson avec son scénario qui oscille entre humour et émotion. Influencé, référencé mais sincère et juste, ce film fonctionne et brille à bien des égards. 

Pendant une heure on a un rythme soutenu où le cinéaste tient la parfaite distance entre l'humour et le drame, la dérision et le grave et y trouve un équilibre très intéressant. La dernière demie heure entre plus dans l'émotion. Il perd un peu de son énergie mais ne tombe pas dans le pathos et la facilité pour autant. Il manque juste un peu de personnalité et des références moins appuyées pour donner une authenticité, une identité plus forte à l'ensemble mais aussi pour réussir un grand tour de force. Ce qui nous empêche pas d'être touché et sensible à l'histoire pour autant. 

Si le scénario reste dans les codes du genre, le grand charme provient surtout de sa forme. On apprécie une bande son soignée et cohérente, une mise en scène nerveuse, juste et inventive et le charme certain du casting. Le scénario est tout de même bien écrit, très drôle et très juste à la fois et le casting au capital sympathique aide aussi pas mal à la réussite. Thomas Mann est impeccable et Olivia Cooke très convaincante dans un rôle pour le moins difficile. On retrouve également Jon Bernthal dans un rôle de prof bien sympa. 

S'il n'atteint pas le niveau génial Little Miss Sunshine, This is not a Love Story peut sans aucun doute se ranger à côté de Juno, Sing Street ou encore Dope. Je le conseille fortement aux amateurs de Teen Movie et aux cinéphiles car il y a vraiment des passages irrésistibles. 

lundi 16 novembre 2015

La dernière tentation du Christ (The Last Temptation of Christ)



Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Paul Schrader
tiré du roman de Nikos Kazantzakis
Durée : 2 h 40
Interprétation : Willem Dafoe, Harvey Keitel, Barbara Hershey, Harry Dean Stanton, Verna Bloom, Paul Greco, David Bowie...
Genre : Vision personnelle

Synopsis :

Jésus doute et cherche à s'échapper à la mission qu'il découvre des angoisses en lui. Un Jésus dont la part humaine se rebiffe devant cette nature divine avant de l'accepter. 

A l'origine c'est Barbara Hershey sur le tournage de Boxcar Bertha en 1972 qui donna le livre de Kazantzakis à Martin Scorsese en lui disant : "Si un jour tu fais ce film, je jouerai Marie-Madeleine". C'est dans un concours de circonstances que sa parole fut tenue, soit plus de quinze années plus tard. Ce film était le premier projet personnel du cinéaste qui a mit des années à se monter. Avec un budget très modeste de 5 millions de dollars, le film a souffert d'une sortie controversée par le monde Catholique. Des extrémistes Catholiques ont été plus loin que les simples manifestations en commettant des attentats dont un au cinéma Saint Michel à Paris.  

"Le film est une vision personnelle s'appuyant sur le roman de Nikos Kazantzakis" prévient le cinéaste et même l'affiche du film à sa sortie. Il a fallut, et il faut encore hélas, toujours justifier ce que l'on fait, surtout quand il est question de la religion. Menace de mort à l'intention de tous les membres de l'équipe technique, des manifestations, un flop commercial et de la polémique plus sur le sujet que sur le film, le film a eu droit en plus à une critique presse très dure à sa sortie. D'ailleurs toujours aujourd'hui c'est un film oublié et négligé à tort dans la filmographie de Martin Scorsese. Alors que pourtant ce projet a été le plus dur à produire pour le cinéaste, tout comme pour Gangs Of New York. Peut-être son film le plus intéressant de sa filmographie, le plus essentiel, à l'image du travail de Paul Schrader au sommet de son style. 

Quand j'ai vu le film la première fois, j'avais trouvé un Scorsese assez hermétique, pas facile d'accès mais très intéressant et bien réalisé. En le revoyant, je l'ai beaucoup plus apprécié même si c'est facile d'avouer que c'est le film du cinéaste le plus hermétique. Seulement on ne doute pas de la sincérité du cinéaste et on ressort de cette expérience avec le plus de pistes de réflexions que d'habitude. Scorsese devait à l'origine être prêtre mais il s'est réfugié dans le cinéma. Il filme avec une très grande force et sincérité des scènes de l'Evangile et calque directement des scènes de doute, de tourments qui ne laisse pas indemne et qui nous touche, encore plus clinique, franche et glaciale que ses autres films. C'est très audacieux et crédible. Comme souvent chez Schrader et Scorsese, la sagesse et la folie sont souvent ensemble de la partie, ici elles sont extrapolées de manière si flagrante que l'on a une vision d'un homme perdu par sa mission et son identité. Le personnage de Jésus est montré comme un personnage scorsesien qui pose toute les questions sur le bien, le mal, le pour et le contre à plat. 

En 1982, Paul Schrader a signé deux versions du scénario. Martin Scorsese et Richard Price ont en signés six avant le tournage. S'ils ne sont pas crédités au générique, ce sont bien eux qui sont aussi responsable du résultat. Schrader a tout assemblé et à la base ne voulait pas aller si loin dans la démarche. Justement la fin du film change la donne avec la réincarnation de Jésus dans une vie d'un homme normal. C'est un formidable et palpitant moment de cinéma ou Scorsese réécrit respectueusement l'histoire et n'oublie pas de montrer que Jésus était un homme avant tout avec ses faiblesses et ses qualités. Le film s'appuie sur l'Histoire connue de Jésus Christ et ne possède pas vraiment d'intrigue. Il est d'ailleurs complètement dénué de suspense, mais truffé de philosophie, de psychologie et de visions tout à fait pertinente et parfois passionnante. 

La critique avait reproché au cinéaste de ne faire que des lourdeurs stylistiques et visuelles sur la vie du Christ. Je ne suis absolument pas d'accord. Scorsese respecte son personnage et même la religion, il offre juste un point de vue que les Chrétiens ne veulent pas imaginer, ni écouter. Je trouve la démarche très réussie et parfois même hallucinante. Tous les tourments que peut avoir un être humain sont traités par le scénario. Si le film manque de provocation c'est parce qu'il se contente de ne presque que nous faire poser des questions sur l'utilité de la religion, du culte. Il ne propose finalement tout ce qu'il faut sur un sujet pareil. Il demande aux public de réfléchir sur un sujet pour pas mal interdit et forcément ça ne plaît pas à tous le monde. 

Pour ce qui est de l'aspect formel, hormis les permanentes improbables de certains acteurs (en tête Harvey Keitel), c'est une réussite. La mise en scène est belle, avec de magnifiques idées, loin d'être tape à l'oeil et à la mode. N'est ce pas Mel Gibson ? On retrouve le savoir faire des films italiens et les grandes productions hollywoodiennes des péplums des années 40. La musique de Peter Gabriel, plus sobre que d'habitude, fait gagner une atmosphère très athée au film, nécessaire au point de vue. Willem Dafoe est dans son plus grand rôle, les acteurs autour toujours formidables de justesse. On remarquera une très belle composition de la photo et surtout le Scorsese où il y a le plus de rouge, que ce soit dans l'éclairage ou la composition artistique. Le montage est lent, entre le contemplatif et la vitesse nécessaire pour filmer les scènes qui demandent le plus d'énergie. Quand on pense que c'est un si petit budget, c'est une démonstration incroyable. 

Pour ma part La dernière tentation du Christ est le film de Scorsese que je trouve le plus important tout simplement parce qu'un grand cinéaste signe ce que personne ne veut faire et fait. C'est un film qu'on aime ou pas, comme souvent chez le duo Scorsese/ Schrader. Le film est loin d'être une superproduction et ne possède pas la forme d'un grand Scorsese, ni le détail et la vitalité de la plupart de ses films. Cependant il est incroyable par toutes ces pistes qu'il aborde et nous pose à réfléchir pendant deux heures quarante sur un Homme interpellé par la divinité. Il est conseillé d'avoir pas mal de culture chrétienne pour apprécier pleinement du film. J'avoue ne pas tout avoir saisis, aussi parce que le film est très riche. Je me suis dit assez souvent que celui qui n'a pas de connaissance de la Bible et de l'Histoire de Jésus serait tour à tour désorienté et trouverait une provocation vraiment flagrante de l'image de Jésus. Un illuminé porté par la folie en quelque sorte, ce qui est aussi dans la démarche du scénario. 

Je conseille cette aventure cinématographique honnête et au fond vraiment passionnant. Dommage que Scorsese soit plus passionnant par les questions abordées que dans la façon de les amener en restant trop sage dans sa démarche narrative. Cependant, il est presque impossible de penser que La dernière tentation du Christ pouvait prendre une autre tournure. A la fin de la projection vous n'avez pas vu un film comme les autres : vous êtes chamboulés de questions. Tout fonctionne même si j'ai l'impression d'avoir plus vu un film passionné que passionnant demeure, il reste peut-être un des films des plus intéressants que j'ai eu l'occasion de voir. 

Note : 7 / 10

dimanche 15 novembre 2015

Les Affranchis ( Goodfellas )




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Nicholas Pileggi et Martin Scorsese
Tiré du roman Wise Guys de Nicholas Pileggi
Durée : 2 h 20
Interprétation : Ray Liotta, Lorraine Bracco, Robert De Niro, Joe Pesci, Paul Sorvino...
Genre : Fresque magistrale

Synopsis

La vie d'Henry Hill qui a toujours voulu être un gangster depuis son enfance jusqu'à sa chute. 

Il y a tant à dire sur ce chef d'oeuvre et rien à la fois tant tout à déjà été répété mainte fois dessus. Entre fresque documentaire et polar violent moraliste, Les Affranchis est le sommet du style de Martin Scorsese. Après avoir abordé le genre avec Mean Streets et Raging Bull, Les Affranchis est devenu un des meilleurs films sur la mafia mais également du cinéma. Que ce soit par sa précision, son fond et sa forme, le cinéaste atteint ici des sommets de maestria dans son autopsie de la société et de l'âme humaine. Le cinéaste se hissait à l'époque officiellement comme un des plus grands cinéastes avec Chaplin, Kubrick, Welles, Kurosawa ou encore Hitchcock. 

Si le cinéaste à l'origine n'était pas plus emballé de refaire un film de gangster, c'est John Powell qui le persuada de le faire, tout simplement parce que c'était un projet personnel qui était original. Scorsese a donc collaboré avec le romancier Nicholas Pileggi pour pousser plus loin l'écriture du scénario. Ils ont également fait des recherches autour du vrai Henry Hill pour en tirer le maximum de détails sur sa vie personnelle. Dans le scénario on y découvre la narration et les dialogues purement scorsesiens. Tous les deux sont organisés et orchestrés de manière parfaites et détonantes. Tout est au sommet de leur efficacité, de leur finesse et bien entendu au service de son propos. On suit une fresque sur ces marginaux qui se croient au dessus de tout le monde, dans leur monde avec les avantages et surtout les revers, le piège qui se referme sur eux, que ce soit psychologiquement ou socialement. 

Devant le film de Scorsese, le spectateur est à la fois émerveillé par la précision d'horloger du cinéaste sur des détails de cette vie d'affranchis de la société que par le charisme des scènes et de ses personnages qui se dévoilent devant ses yeux. C'est pour mieux nous choquer que le cinéaste nous invite donc à s'immerger dans ce quotidien drôle et chaleureux du début à la fin où règne tout le long la mort et l'imprévisibilité de la situation. Avec un rythme virtuose, rarement la tension au cinéma n'a jamais été aussi bien étudiée dans un film. Surtout quand elles sont presque composées de scènes du quotidien, un peu comme le Making of d'un Tony Montana plus raisonnable et moins solitaire. On retrouve la patte Scorsesienne dans des scènes devenues cultes comme celle avec Joe Pesci et Ray Liotta avec le Qu'est ce que j'ai de drôle ? ou le célèbre repas dans la cuisine avec la mère Scorsese elle même avant d'aller tuer et enterrer un cadavre pas complètement mort dans le coffre de la voiture. La tension avec l'humour noir n'a jamais été aussi complémentaire. Au final Scorsese nous raconte une tragédie bien plus ambiguë qu'à l’accoutumée. Il raconte avec vitesse, précision, violence, humour et tension les coulisses de la mafia tout en gardant sa constante frénésie en arrière plan. Comme dans Casino plus tard, la paranoïa est bien présente qui fait monter en plus le suspense moral chez le spectateur et influe sur la température du film. La dernière demie heure, dont le quotidien est bien installé dans notre esprit, est un moment de cinéma incroyable où l'on peut ressentir, la fièvre, la paranoïa et la fin d'une vie qui part en éclat. Entre drogue et la nostalgie, Scorsese montre une génération de gangsters qui est dépassée pour laisser place à une autre. Le final est mordant à souhait, ça balance chacun pour sauver sa peau et la peur de finir comme n'importe quel plouc arrive. La dernière réplique est d'ailleurs à l'image du film, drôle et effarante à la fois. 

Les Affranchis est une longue étude de la Mafia, bien moins accessible et classique que celle montrée du Parrain de Francis Ford Coppola, autre grande référence du genre. Le film alterne sans cesse des fractures du temps. On est désorienté, manipulé avec une voix off aussi tranchante que chaleureuse. Le ton du film est cruel, noir et d'une moralité, d'un humour féroce implacable. On admire une très grande force du montage et de la narration qui nous transportent littéralement. Tout est rythmé, efficace et les scènes du quotidiens qui sont montées comme un grand polar noir d'une grande méticulosité. Car oui Les Affranchis est un avant tout l'anti-policier par excellence. On y voit dedans tout ce que l'on ne voit que ce que l'on voit généralement pas dans tous les autres. Aucunes séquences de braquages filmées, encore moins de spectaculaire, ni même de point de vue de la police et de la Loi contrairement à Casino et Le loup de Wall Street. Nous sommes comme le personnage principal, sans cesse sur les nerfs et la surprise. Tout est dans le hors champs et hors scénario, nous ne côtoyons que le mal très nuancé. La crainte que le piège se referme sur nous à n'importe quel moment nous guette d'un moment à l'autre du début à la fin. Sachant en plus que chez Scorsese cela peut être à tout moment que ce soit du côté des méchants comme des bons, comme dans la plupart de ses films.  

Ironique, violent et d'une grande dextérité dans tous les chemins qu'il entreprend, Scorsese signe ici ce qui va le suivre dans la suite de sa filmographie : faire une étude du vice des Hommes dans la société. Casino reprendra la démarche des Affranchis avec une intrigue plus classique côté tragédie mais avec une forme plus épique. Plus tard Le Loup de Wall Street démontrera également que l'excès d'argent et de drogue font des monstres mais qui sont les seuls à faire tourner la Bourse mondiale toujours avec sa maestria formelle. Tout est parti des Affranchis, petit film indépendant qui n'a pas eu de grand succès, ni beaucoup de prix mais un immense culte pour des milliers de passionnés de cinéma. Cela aurait pu partir huit ans plus tôt si le duo Scorsese / De Niro avait réalisé Scarface qui a un peu la même démarche. Scorsese est avec Les Affranchis moins impressionnant que Casino mais dans le fond bien plus précis et surtout beaucoup plus pertinent et efficace que Le Loup de Wall Street

Pour ce qui est de la forme pas besoin de s'attarder, c'est du grand art. Superbe bande son une nouvelle fois dans un montage et une mise en scène magistrale et brillante. La distribution est impeccable, avec des acteurs sensationnels dans leurs rôles. Ce sont les meilleurs rôle de Ray Liotta et de Lorraine Bracco qui auront des carrières hélas ratées par la suite. Pesci est flippant à souhait et De Niro excellent une nouvelle fois dans le personnage secondaire de Jimmy Conway. Cependant bien qu'il soit souvent considéré comme un grand film Les Affranchis n'est pas un film grand public. Non pour sa violence mais pour son ensemble qui finalement est un parti pris assez particulier. On peut adorer comme on peut s'ennuyer devant car tout se joue par le style, les thèmes et surtout ce que vous attendez du film. Si vous attendez un scénario classique vous n'êtes pas à la bonne porte, d'ailleurs ne sonnez pas trop souvent chez Scorsese. Vous êtes comme dans un Scorsese, prit dans un tourment dont on ne sort pas indemne. Devant un Sorsese on est plongé dans une aventure cinématographique totale que l'on peut ressentir intensément ou de loin. C'est aussi ça le cinéma et qui fait la différence avec les bons et grands films. C'est surtout de là ou l'on reconnaît les grands cinéastes des bons. Scorsese avec ce film est peut-être dans ce qu'il fait de mieux. Un véritable chef-d'oeuvre dont personnellement je ne me lasse pas. Ce film m'a fait aimer le cinéma et l'oeuvre du cinéaste et ce n'est pas prêt de changer. 

Note : 10 / 10 

Film à ranger dans sa dévédéthèque

Le Parrain (trilogie) De Francis Ford Coppola, L'impasse de Brian de Palma, Casino de Martin Scorsese. 

jeudi 12 novembre 2015

Le fils de Saul ( Saul Fia )



Réalisation : Laszlo Nemes
Scénario : Clara Royer et Laszlo Nemes
Durée : 1 h 40
Interprétation : Geza Rohrig, Levente Molnar, Urs Rechn...
Genre : Demi choc. 

Synopsis

Octobre 1944, Auschwitz-Burkenau. Saul Auslander est membre du Sonderkommando, ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camps et forcé d'assister les nazis dans leur plan d'extermination. Il travaille dans l'un des Crématoriums quand il découvre le cadavre d'un garçon dans les traits duquel il reconnaît son fils. Alors que le Sonderkommando prépare une révolte, il va alors tenter d'accomplir l'impossible : sauver le corps de l'enfant des flammes et lui offrir une véritable sépulture. 

Objectivement, je pense que Le fils de Saul est un bon film. D'abord parce qu'il ne tombe à aucun moment dans le piège d'être trop démonstratif, ni trop mièvre et naïf dans le sujet délicat qu'il traite. Aussi et surtout parce qu'il possède des morceaux de bravoures qui ne laisse pas indemne, force d'un grand film. Ce film est une expérience, une immersion forte et mémorable au plus proche de ce prisonnier cerné par la mort dans tout ses états. Un choc à ne pas conseiller aux âmes sensibles et à tout public. 

Tout le long du film on est dans un format d'image quatre tiers, net devant flou derrière et on suit quasiment tout le temps le personnage de Saul en plan très serré. On est comprimé dès le départ par tous les moyens techniques possibles de la mise en scène et intégralement guidé par la bande son. Travail cinématographique remarquable au passage. La violence et l'enfer sont dans le hors champs et rôdent en permanence, rendant l'impossible à filmer, possible à nous imaginer. C'est la grande audace et la force du film mais hélas aussi sa limite. Je trouve qu'une fois la demie heure passée, la mise en scène a déjà épuisée son concept, son énergie et sa force. Pourtant puissant dans sa forme, le film perd en intérêt et rend une copie dont il manque finalement l'audace nécessaire pour aller au bout de son propos. Le scénario file droit dans l'objectif de cet homme qui incarne la raison et la foi dans ce camps nazi, avec plus ou moins d’ambiguïté. 

Finalement, j'ai trouvé le film trop long car il campait trop sur ses positions, qu'elles soient cinématographiques ou narratives. Le début est brillant et fort, on est vraiment embarqué par ces plans séquences virtuoses d'un réalisme terrifiant. Le concept choc et puissant ne retrouvera que l'ampleur du début sur le dernier plan, formidable. Tout le milieu du film est formellement réussi mais il stagne et n'a pas grand chose à raconter. On est à la limite du documentaire et du jeu vidéo ce qui est plutôt frustrant. Un court métrage aurait mieux fait l'affaire et fait gagner de la puissance à l'ensemble. Pessimiste évidemment Le Fils de Saul l'est, et du début à la fin. Il ne faut pas avoir le moral à plat pour le voir. Du moins ce n'est pas conseillé. Dans tous les cas je trouve que c'est un film plus important que brillant. Important car c'est une façon d'aborder le sujet intéressante et forte. Non brillant car je trouve que si le film porte ses plans et séquences chocs, il manque de finalement de prise de risque autant dans la forme que dans le fond. Le cinéaste pouvait rendre ce cinéma vérité peut-être moins réel formellement mais tenter de rendre symbolique et plus maniéré le personnage de Saul. Au risque d'être plus critiqué mais d'être moins ennuyeux aussi. Soit tout l'inverse d'un film comme Birdman sorti cette année. Une expérience à vivre mais loin d'être véritablement excitante. 

J'ai du coup eu l'impression globale de regarder un demi film choc. A la sortie de la séance, je n'ai gardé en tête que deux scènes clés : celle de la découverte du gamin et le final. Le reste est un acheminement habile et avec une ambiguïté par moment fascinante, mais au concept limité et inutilement rallongé. Dommage mais le film vaut vraiment le coup d'oeil car c'est le film le plus impressionnant formellement que j'ai eu l'occasion de voir sur la Shoah, hors documentaires et témoignages. 

Note : 6 / 10

mercredi 11 novembre 2015

Dope



Réalisation et scénario : Rick Famuyiwa
Durée  : 1 h 40
Interprétation : Shaimek Moore, Kiersey Clemons, Tony Revolori, Zoe Kravitz, Blake Anderson, Forest Whitaker...
Genre : Feel very good movie

Synopsis

Malcolm, geek et fan du Hip Hop des années 90, vit à Inglehood, un quartier chaud de Los Angeles. Avec ses deux amis Diggy et Jibs, il jongle entre lycée, musique et entretien pour l'Université. Une invitation à une soirée Underground va entraîner Malcolm dans une mésaventure avec des dealers de drogue et s'attirer des ennuis. 

Dope fait parti du genre de films dont on est fier d'avoir vu au cinéma. D'abord parce qu'il est excellent mais surtout parce qu'il est rare de voir un film indépendant si généreux et énergique à la fois sur les écrans. A la sortie de la séance, on est content d'avoir encouragé sa sortie en salles même si cela ne suffit malheureusement pas pour lui donner le succès qu'il mérite. 

Le film de Rick Famuyiwa possède une sacrée ADN sur le papier. C'est un peu Il était une fois le Bronx de Robert De Niro de nos jours plongé dans l'univers de Spike Lee et de Michel Gondry. Une pincée du meilleur des teen movies et des séries actuelles et nous voilà devant une merveille de comédie indépendante. Le scénario est vif, rempli d’énergie à l'image de la mise en scène. Tout va droit au but sans oublier de nous surprendre assez souvent, que ce soit dans l'action comme dans l'humour. 

Tourné avec très peu de moyens, le film regorge de spectaculaire avant tout par son montage qui sait maîtriser parfaitement la justesse et le ton endiablé du début à la fin. Entre hommage aux années quatre vingt dix brillant, comédie de gangsters efficace et teen movie plutôt fin, Dope possède surtout une enveloppe qui fait sa grande force : la bande son de Pharell Williams. Elle est monumentale et donne le coup de peps supplémentaire au savoureux travail du cinéaste.  Très bien interprété, Dope possède le ton et la franchise qu'il manque à beaucoup de productions dans son genre. C'est un film comme Little Miss Sunshine qui fonce droit au but  à tous les degrés et qui donne envie de regarder pleins de films de ce genre. Dommage qu'ils soient si rares d'ailleurs. 

Dans ce film on ne se moque pas du malheur des autres, on rit dans un milieu qui ne l'est pas et on est loin de tomber dans la mièvrerie. Dans cet univers violent, tout regorge de bonne humeur et d'un message sur l'apparence plutôt malin et frais. Porté par une superbe photographie, le spectateur est diverti royalement par une intrigue qui brille dans tous les points qu'il accoste dans son genre. Si le film n'innove pas vraiment cinématographiquement et se distingue en deux parties distinctes qui manquent peut-être un peu de liants entre elles, il est explosif et généreux. Dope est une moment rare de cinéma qui donne avant tout la patate, et rien que pour ça c'est hautement recommandable !

Note : 9,5 / 10

dimanche 8 novembre 2015

Loin des Hommes



Réalisation et scénario : David Oelhoffen
librement adapté de la nouvelle d'Albert Camus "L'hôte".
Durée : 1 h 35
Interprétation : Viggo Mortensen, Reda Kateb, Vincent Martin...
Genre : Film d'école

Synopsis

1954. Daru, instituteur isolé en Algérie, doit escorter Mohammed, paysan accusé du meurtre de son cousin pour le livrer au commissariat le plus proche pour être jugé. Seulement les villageois veulent faire justice eux même. En pleine Guerre d'Algérie, ces deux Hommes perdus vont se retrouver. 

Que ce soit la photographie, la musique de Nick Cave, le scénario ou le jeu des acteurs, tout est léché dans Loin des Hommes. Peut-être même trop pour convaincre finalement.car l'impression de regarder un film d'école prône tout le long. Un léger arrière goût de frustration reste même si le film reste de bonne qualité globalement. Seulement malgré la forme, il n'atteint que partiellement ses objectifs philosophiques et historiques pour en sortir bluffé.

Je n'ai pas lu la nouvelle de Camus mais le scénario est très sage et garde une approche très linéaire et littéraire. David Oelhoffen manque de rentrer un peu plus vivement dans le sujet ainsi que dans le développement de ses personnages. C'est un peu le même problème que son scénario de L'affaire Sk1, il est terne et démontre les thèmes de manière trop plate et conventionnelle. Sa mise en scène est belle mais redondante et trop contemplative pour le peu d'idées qu'il nous offre. Seul le personnage de Daru est finalement le plus intéressant. 

Du coup on se rabat souvent sur les deux acteurs épatants que sont Viggo Mortensen et Reda Kateb. Ils sont justes et portent souvent les moments les plus creux de la mise en scène. La première heure peine à décoller en rythme mais reste séduisante tout même par l'instauration de l'atmosphère avec la musique et les paysages. Ensuite on passe du western au film de guerre plus violent avec de l'action et de la tension. Bizarrement ici tout prend forme et les messages marchent mieux qu'ailleurs. Alors que logiquement ce serait plutôt l'inverse car les autres scénettes sont là pour nous émouvoir et nous faire réfléchir. C'est dans une partie où la nuance est la plus faible que l'émotion fonctionne le mieux, c'est un peu dommage. La dernière demie heure perd ensuite de sa force quand il ne nuance pas assez entre le côté français et algérien, même si l'aventure vaut largement le coup d'être suivie. 

Malgré les défauts que je cite, Loin des Hommes est formellement soigné avec un sujet intéressant et je pense très sage et fidèle à l'aspect littéraire. Cinématographiquement, c'est juste beau et contemplatif mais il manque un réalisateur plus engagé derrière tout ça. Cela que ce soit au niveau du scénario que de la mise en scène. Le cinéaste se contente de filmer deux grands acteurs et de lancer quelques pistes philosophiques et un peu de mélancolie sur la fin. Ce qui reste le plus dommage est qu'un film aussi beau et honnête soit il, il n'en reste qu'une copie d'un collégien bien illustrée. Un peu plus d'audace et de personnalité seraient les bienvenus, avec du Terrence Malick on aurait eu droit à un superbe film.

Note : 5,5 / 10

Avril et le Monde Truqué




Réalisation : Franck Ekinci et Christian Desmares
Scénario : Franck Ekinci et Benjamin Legrand
Dessins de Jacques Tardi
Durée : 1 h 40
Avec les voix de : Marion Cotillard, Philippe Katerine, Jean Rochefort, Olivier Gourmet, Marc André Grondin, Bouli Lanners... 
Genre : Fantastiques aventures

Synopsis :

En 1941, depuis 70 ans les savants disparaissent mystérieusement, y compris les parents d'Avril. Avril a grandi dans ce monde bloqué dans la technologie du 18 ième siècle. Avec son chat parlant, elle recherche le sérum victime de la disparition de ses parents. Elle va devoir affronter tous les dangers et résoudre tous les mystères par la même occasion.

Je n'ai jamais lu du Jacques Tardi, étant donné que je ne suis pas vraiment bande dessinée. Ce que je peux dire, c'est que j'ai simplement adoré son univers. C'est à la fois drôle, sombre, intelligent et avec des petites touches de naïveté par moment bienvenues. Un parfait équilibre que le scénario réussit à tenir également du début à la fin. Un film à ne pas rater.

L'idée et l'univers sont palpitants et le traitement l'est presque autant dans son ensemble. On aimerait voir un épisode de Tintin sur grand écran avec autant de réussite. Les graphismes, les dialogues, les personnages sont excellents, tous sont portés par une mise en scène tout ce qui a de plus brillante. Avec de l'idée, de l'humour et de l'action, elle est  à l'image de la musique, pleine d'énergie, généreuse et d'une grande élégance dans son genre. Le scénario est excellent, même si son final est un peu plus mathématique et moins énigmatique que le reste, il est saisissant et ne manque pas d'inventivité. 

Au niveau des voix, c'est un sans faute. Hormis techniquement la prise de son de Jean Rochefort, pas très bonne. Tous les personnages ont une voix impeccable, surtout le choix de Philippe Katerine en chat qui est franchement géniale. Je ne peux et veux pas en dire plus sur le film car il faut le voir. Je souligne aussi la grande qualité de la bande originale que j'ai adoré. D'ailleurs je ne trouve pas beaucoup de défauts à ce film sauf qu'il soit si peu distribué. Le film surfe un peu dans la même vague qu' A la poursuite de Demain de Brad Bird en bien plus réussi sur le script. Deux films sortis cette années que l'ont doit voir selon mon humble mon avis. 

Un peu comme Ernest et Celestine, on ne peut que saluer la réussite totale de cette animation française. On ne peut remercier et saluer le travail qu'en allant le voir en salles. Des bons films de ce genre ne méritent pas une promotion si faible. Encouragez le en vous précipitant dans les salles tant qu'il passe car tout simplement c'est un des meilleurs films de l'année. 



Note : 9,5 / 10

jeudi 5 novembre 2015

La couleur de l'argent ( The Color Of Money )



Réalisation : Martin Scorsese 
Scénario : Richard Price et Ron Shelton
Tiré du roman de Walter Tevis
Durée : 1 h 55
Interprétation : Paul Newman, Tom Cruise, Mary Elizabeth Mastrantonio, John Turturro, Forest Whitaker...
Genre : Suite classe

Synopsis

Un champion de billard, ex-arnaqueur invétéré, est devenu représentant d'alcools. Quand il fait la connaissance d'un jeune joueur de billard prometteur, les démons remontent à la surface. Suite de L'arnaqueur de Robert Rossen toujours avec Paul Newman dans le rôle titre. 

Autant être clair de suite, ce film est une commande pour le cinéaste après le regain de confiance avec le succès commercial surprise d'After Hours. Scorsese accepte de le réaliser surtout pour rassurer les studios pour obtenir la production de La dernière tentation du Christ. A la base pas vraiment emballé de faire une suite au chef d'oeuvre de Robert Rossen L'arnaqueur, le cinéaste termine le tournage plus tôt que prévu et réussit par la suite à avoir le financement. Le film fut un succès commercial et cette suite reste toujours sympathique aujourd'hui, surtout pour la classe intemporelle de Paul Newman ici au premier plan avec le billard. 

Le film n'inspirait pas Scorsese car évidemment il ne pouvait modifier le scénario à sa manière. Le cinéaste se lâche donc sur les parties de billards et quand on voit le film, cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Toutes ces parties sont magistralement filmées dans un montage purement scorsesien. Avec une grande lucidité, ce montage fait monter le suspense et le spectaculaire nécessaire dans un scénario trop sage. Scorsese insuffle sa célèbre énergie donc mais aussi une délicatesse plutôt élégante pour équilibrer et trouve le bon juste milieu. Que les oppositions soient verbales ou dans le jeu elles se passent entre tensions et adresse tout le long. Le tout est une forme d'hommage plutôt classe à Paul Newman et au sport du billard. 

Si l'intrigue est plutôt classique, le scénario est plutôt bien écrit dans son opposition entre la jeune et l'ancienne génération. Les scénaristes ont repris hélas un peu trop sagement l'intrigue du premier opus, ce qui a sans doute poussé le cinéaste à tourner le film en hommage plutôt qu'en film à part entière. Les ressorts sont un peu mous et le manque de rebondissements se font ressentir. Heureusement qu'il y a un cinéaste habile pour meubler tout ça. Représentant de la jeune génération on retrouve Tom Cruise, juste avant son explosion médiatique avec Top Gun de Tony Scott. Le jeune acteur et son énergie sont très bien canalisés par le cinéaste face au vieux renard de Paul Newman. Tout se ménage, s'équilibre parfaitement bien entre eux deux et on observe aucun déséquilibre flagrant. Même si bien entendu on est plus charmé par la classe et la stratégie de Paul Newman. On retrouve autour d'eux des seconds rôles solides et savoureux. Le cinéaste en profite pour rendre hommage au billard ainsi qu'au premier film. Il ne cherche à aucun moment à le plagier car Scorsese respecte le film de Rossen comme le grand Paul Newman qu'il a la chance d'avoir avec lui.

La couleur de l'argent est un film mineur dans la filmographie du cinéaste car il paraît un peu ingrat sur le papier. D'abord c'est une suite d'un grand film et il souffre d'une musique un peu vieillotte, tout comme le format des films commerciaux des années 80. Heureusement, le film ne souffre pas de la comparaison car les deux films ne sont pas comparables. Voilà l'intelligence du film et quand on revoit aujourd'hui le film il reste un habile divertissement bien plus élégant et précis qu'il n'y paraît. Scorsese a saisi à l'époque parfaitement l'essence du scénario. Le film traverse le temps pas si mal et reste un suite plutôt sympathique. Certains disent que ce film est le plus mauvais du cinéaste. Peut-être que c'est vrai mais à ce compte là je veux bien plus souvent de ses mauvais films. Combien de productions de ces années là sont devenues quelques années après des navets ? Pour ma part je trouve que le contrat est rempli car La couleur de l'argent plaît au grand public et aux cinéphiles, aux fans du premier opus, de Paul Newman et même de Tom Cruise. Franchement quoi demander de plus pour un film de commande ? De plus on ne s'ennuie pas. 

La couleur de l'argent reste pour moi une belle rencontre entre deux géants du cinéma que sont Martin Scorsese et Paul Newman autour d'une belle partie de billard. Je n'en demande pas plus. A chaque fois que je le revois, j'aime retrouver cette équipe, cette atmosphère sportive et le travail honnête du cinéaste. Et si j'ai à conseiller un bon film avec Paul Newman, je n'ai pas honte à citer celui ci avec ses grands classiques. 

Note : 6,5 / 10 

After Hours




Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : Joseph Minion
Durée : 1 h 35 
Interprétation : Griffin Dunne, Rosanna Arquette, Verna Bloom, Cheech Marin...
Genre : Cauchemar underground

Synopsis

La nuit infernale d'un jeune informaticien, employé de banque et grand admirateur d'Henry Miller, dans le quartier bohème de Soho, à New York. 

Martin Scorsese commençait à sérieusement se poser des questions après ses nombreux échecs commerciaux et la tournure que prenaient les productions hollywoodiennes des années 80. Après le bide commercial de La Valse des pantins, le cinéaste se donnait le défi de faire un dernier film. Si le succès n'était pas au rendez-vous, il s'était alors juré d'arrêter définitivement le métier de metteur en scène. Griffin Dunne lui propose alors After Hours, une comédie new yorkaise complètement déjantée et  très underground. 

C'est alors qu'il a eu le feu vert pour réaliser le projet qui lui tenait vraiment à cœur de La dernière tentation du Christ. Malheureusement la production s'arrêta quelques mois après et le tournage abandonné. Entre temps, After Hours s'était retrouvé dans les mains de Tim Burton. Quand Tim Burton apprit que Martin Scorsese était sur le projet avant lui, il lui laissa le projet. Tim Burton, admiratif du travail de Scorsese pensa que ce projet était pour lui. Coup de bol pour Scorsese et pour nous, After Hours fut un immense succès commercial et relança la carrière du cinéaste. 

Drôle de film que cet After Hours qui n'a pas vraiment de catégorie. C'est un peu un film de Woody Allen qui se serait égaré dans les thèmes à la Scorsese dans le milieu du Pop Art. Un genre de trip aux ressorts burlesques et effrayants qui oscille entre cauchemar et absurde  du début à  la fin. Étouffant, oppressant, noir et très drôle à la fois, cette comédie noire est un film assez déroutant et d'une très grande maîtrise. Une nouvelle fois on retrouve Scorsese, New York et la nuit dans une aventure rocambolesque qui s'étire longuement pour le meilleur et pour le pire. Déstructuration dans le montage, de la mise en scène et de l'espace temporel, le film est efficace et déroutant à la fois dans le genre. Tout est très bien négocié par un cinéaste qui s'éclate et qui nous fait plaisir à utiliser intelligemment les codes du cinéma. Un ovni qui ne laisse pas indifférent. 

Le scénario est une réussite, surtout par l'enchaînement de péripéties drôles et dramatiques. Les dialogues sont souvent drôles et les personnages donnent la part belle aux comédiens, tous très bons et qui se font plaisir. Le spectateur compatit et passe une nuit comme celle de ce pauvre Griffin Dunne qui nous fait bien de la peine. Le plus intéressant reste cinématographiquement le travail de Scorsese avec son montage et sa mise en scène efficace et sèche qui instaurent un malaise et un humour déstabilisant par rapport aux œuvres plus classiques. Si certains peuvent trouver que le film a prit un coup de vieux, c'est je pense parce qu'ils ne sont pas rentrés dedans. Je trouve que le charme principal de ce film est son atmosphère, unique et sous substance. La superbe bande son d'Howard Shore y est pour beaucoup. Scorsese quinze ans plus tard accentuera le trip dans le domaine des urgences avec l'atypique A tombeau ouvert.  

On est donc avec After Hours dans une comédie cauchemardesque plutôt seventies que eighties qui vaut le coup d’œil. After Hours est une comédie aussi drôle qu'effrayante, qui montre que Scorsese est un metteur en scène qui se renouvelle sans cesse et surtout qui a de l'humour. Par chance le film a réussit à refaire monter la côte de Scorsese auprès des studios à l'époque. Pas assez pour de suite réaliser La dernière tentation du Christ mais de quoi lui proposer La couleur de l'argent, un film de studio essentiel qui fut un également un carton. After Hours reste toujours un de ses films les plus original et scorsesien à la fois, en plus d'être un de ses plus drôles. A voir pour se faire son avis car on rentre ou pas dans le trip. Pour ma part, j'y replonge avec le même plaisir à chaque fois. 

Note : 8 / 10

mercredi 4 novembre 2015

Martin Scorsese : L'exposition à la Cinémathèque de Paris



On a souvent du mal à trouver des avis sur les expositions de manière générale. Y compris celle de Martin Scorsese à la Cinémathèque de Paris du 14 octobre 2015 au 14 février 2016. Après une expo sur Stanley Kubrick excellente, une de Tim Burton très décevante, pour moi celle de Scorsese vaut vraiment le détour et mérite même que l'on s'y attarde un petit peu dessus. Que vous soyez fan absolu du cinéaste de Raging Bull ou simple curieux, vous ne regretterez pas cette plongée dans l'univers du plus grand cinéaste (et) cinéphile en activité. 

L'exposition est très bien faite et ne se consacre pas à analyser et énumérer platement les anecdotes des tournages. Effectivement internet et les nombreux entretiens avec le cinéaste sont très riches à ce propos, ainsi qu'à la portée de n'importe quel curieux ou fan. Cette exposition est essentiellement composée de documents et de biens personnels du cinéaste. Etant donné sa grande filmographie, il était impossible de faire comme Kubrick, un compartiment par film. Le chemin se partage donc en plusieurs grands thèmes, tous purement Scorsesien, dans lesquels on s'approprie de manière ludique et non massive l'essentiel des influences, des origines et même des tourments du cinéaste.

Compter une bonne heure quarante-cinq ou deux heures pour prendre le temps de bien lire et visionner l'ensemble de l'exposition qui traite plus ou moins l'ensemble de ses films. On peut regretter que La Valse des Pantins, A tombeau Ouvert, Who's That Knocking At My Door, Alice n'est plus iciThe Last Waltz et Bertha Boxcar soient peu présents. Cependant, Le temps de l'innocence, Kundun et La dernière tentation du Christ qui sont des projets que Scorsese tenaient absolument à réaliser sont souvent abordés. L'exposition donne envie de les découvrir pour ceux qui ne les ont déjà pas vu, les redécouvrir pour les autres. 

Dans une petite salle, on peut savourer sa pub de Champagne qui reprend avec beaucoup d'humour et virtuose le cinéma d'Hitchcock, The Key to Reserva. On retrouve également un extrait de son documentaire Mon voyage en Italie. Arte ressort d'ailleurs un coffret de ses deux documentaires qui valent vraiment le coup : Voyage à travers le cinéma américain et Mon voyage en Italie. Deux documentaires fascinants de quatre heures commandés par la BBC pour les cent ans du cinéma. Longtemps en rupture de stock, cette réédition est la bienvenue. Par contre pour les coffrets des films de Scorsese, je maintiens des réserves dessus, car tous ne sont pas encore restaurés et les prix du coup sont à mon goût un peu trop élevés. 

Pour résumer, cette exposition est riche et bien faite. Elle vaut le coup d’œil pour en connaître plus sur le cinéaste mais aussi pour comprendre et saisir une des plus impressionnantes filmographies des cinéastes du Cinéma. Cinéphiles Parisiens ou simplement de passage, allez y !

Le plus : Découvrez le story-board de Marty fait à dix ans, avec un détail du dessin et déjà une grande vision de la mise en scène : bluffant, tout simplement.