samedi 24 septembre 2016

Le Festival Lumière fera t-il peau (De)neuve ?











De plus en plus attendu par de nombreux passionnés de cinéma, voilà le retour du Festival Lumière à Lyon du 8 au 16 octobre. Le Prix Lumière sera cette année décerné à la célèbre actrice française Catherine Deneuve. La grande qualité de ce festival reste l'absence de compétition entre les films et se déroule sous la bonne étoile de l'hommage. Après Gérard Depardieu, le festival décide donc une nouvelle fois de mettre à l'honneur le métier d'acteur plutôt que celui du cinéaste. Je trouve ça dommage car je pense fortement que les réalisateurs méritent d'être plus mis en "Lumière" que les acteurs. On retiendra avant tout que Catherine Deneuve sera la première femme primée. Pour l'occasion, un cycle consacré aux actrices est programmé : La cité des femmes (Les actrices d'Hollywood de 1930 à 1950).

Non le Festival Lumière ne fait pas peau neuve. Sans pour autant avoir un mauvais programme, il reste dans la lignée de ce que propose la Cinémathèque Française et l'Institut Lumière tout au long de l'année. Ce qui est très décevant finalement. Beaucoup de bons films sont diffusés mais ce sera dur d'en trouver au dessus des années 70. Heureusement que Quentin Tarantino nous a préparé une sélection spéciale films 70's. Cette année des conférences deviennent payantes et comme les années précédentes les billets de cérémonie de clôture partent comme des petits pains pour être revendus le triple sur internet quelques temps après. Tout n'est pas au point c'est vrai mais vous me direz tant que la bonne ambiance est là, c'est l'essentiel. Le festival Lumière devient de plus en plus prisé et devient un peu comme celui des Nuits de Fourvière. Le problème reste que le festival est vendu par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier depuis le départ comme accessible à tous. J'ai bien peur qu'il ne le soit plus si de grandes personnalités comme Woody Allen ou Steven Spielberg débarquent.

Je ne vais pas vous conseiller d'aller voir quoique ce soit car il y en a pour tous les goûts. La nuit Bande de Potes est décevante, je ne comprends pas du tout l’intérêt ni le choix de ces films, si ce n'est satisfaire toutes les décennies avec des produits purement générationnels. La seule véritable surprise reste la venue de Walter Hill, un réalisateur de série B, qui a réalisé Les Guerriers de la Nuit (The Warriors). Ce sera le maigre lot de consolation quand on voit la petite sélection de films avec Catherine Deneuve. Une grande déception également car on a quelques films mais pas de véritable redécouverte, excepté peut-être Tristana de Luis Bunuel. Tout cela est bien maigre.



Roman Polanski : « Travailler avec elle est comme danser le tango avec une cavalière farouche. »

Et Catherine Deneuve dans tout ça ? Même si je ne suis pas non plus un grand fan de cette actrice, il est indéniable qu'elle a marqué le cinéma français. Elle est l'icône absolue du cinéma français des années 70 à aujourd'hui, tout comme Gérard Depardieu. Ces deux monstres vont d'ailleurs se retrouver en tête à tête une dixième fois prochainement dans Bonne Pomme de Florence Quentin. Leurs retrouvailles sont toujours sympathiques à l'écran. Catherine Deneuve commence sa carrière un peu comme une compétition avec sa sœur Françoise Dorléac, soit toutes les deux dans les premiers essais cinématographiques de Roman Polanski. Catherine Deneuve joue donc dans Répulsion (photo ci dessus) et y trouve le rôle qui a véritablement lancé sa carrière. Parfaitement dirigée, elle est impressionnante à l'image du film. Le réalisateur de Chinatown joue avec la beauté plastique et la diction particulière de l'actrice pour en tirer un personnage décalé, borderline et à la folie envoûtante. Le jeu de l'actrice, déjà assez maniéré, participe à ce voyage dans la folie particulièrement troublant. Cinquante ans après sa sortie, nous ne sortons toujours pas indemne de ce grand film à ne pas rater. Le principal défaut dans la suite de la carrière de l'actrice sera d'imposer rapidement son jeu à ses personnages et de ne pas avoir un metteur en scène suffisamment imaginatif et doué pour l'utiliser à bon escient. Le classique de Luis Bunuel Belle de Jour reste également remarquable sur bien des points. L'actrice reste du début à la fin d'une froideur absolue et laisse une psychologie et un message ambiguë sur le sadomasochisme et le sexe. Une nouvelle fois l'actrice contribue à la force du message et du style du film. Pour le reste, presque chaque fois que je vois un film avec Catherine Deneuve je n'arrive pas à voir un autre personnage que Catherine Deneuve. Ces reproches n'ont rien à voir avec ses prestations et encore moins ses choix de carrière mais souvent je trouve ses rôles trop sur mesure. Après ce n'est pas très objectif et je sais que c'est une question de goût. J'avoue juste que la plupart de ses rôles et compositions me laissent indifférent.

Je reste persuadé que sans la disparition prématurée de Françoise Dorléac, Catherine Deneuve n'aurait pas aujourd'hui une telle notoriété. Quand on revoit Cul de Sac de Roman Polanski, il y a des grandes chances que la grande Catherine soit passée dans l'ombre de sa sœur Françoise. Ce film complètement fou est porté par un scénario et ses deux acteurs incroyables (Donald Pleasance, acteur souvent oublié) et une Françoise Dorléac impressionnante du début à la fin. Cette dernière possédait à 24 ans seulement un jeu époustouflant capable de passer dans tous les registres en un claquement de doigt. Un peu ce que l'on retrouve dans le dernier film du cinéaste La Vénus à la fourrure. D'ailleurs je suis d'ailleurs assez déçu que Cul de sac ne soit pas dans la sélection des films choisis par Deneuve. Elle qui doit tant à ce réalisateur et rend souvent hommage à sa sœur (elle a écrit trois livres sur sa disparition), c'était une occasion de le diffuser. N'enlevons tout de même pas le talent de Catherine Deneuve car elle en a, avec un charisme et charme certain. Cependant je trouve que c'est encore dans la comédie que son style correspond le mieux. François Ozon avec Huit femmes et Potiche l'a bien compris ainsi qu'auparavant Jean-Paul Rappeneau avec ses films La vie de château et Le sauvage. L'actrice a joué dans de nombreux films et aujourd'hui encore beaucoup ne sont pas disponibles en support. C'est pour cela qu'il est bien dommage que le festival ne nous propose pas d'en redécouvrir des introuvables.





Dino Risi "J'ai failli devenir psychiatre et puis j'ai compris, après avoir passé six mois dans un asile de fous que ce n'était pas pour moi. Je suis certes resté dans un asile de fous, mais celui-ci est plus amusant : Le cinéma"

Je vais finir par vous parler d'un film de Dino Risi à redécouvrir absolument car on y trouve notamment une excellente Catherine Deneuve. Il s'agit d'Ames perdues, une rareté dont j'estime que le Festival Lumière se devait de projeter au moins une fois. Tino est un étudiant en Art à Venise qui se fait héberger par son oncle et sa tante qu'il ne connaît pas. Dans l'immense demeure, des bruits étranges l'inquiète de temps à autre. Il se rend compte que quelqu'un vit dans le grenier. Son oncle et sa tante lui disent alors que c'est un membre de la famille subitement devenu fou et qui s'y retrouve enfermé pour leur sécurité et la sienne. Tino va donc essayer d'en savoir un peu plus, à commencer par le passé de ce couple étrange. Pourquoi ne pas envoyer cet homme dans un asile ? Pourquoi ce couple cherche à cacher cet homme ?

Réalisateur de comédies comme Le Fanfaron et à sketchs Les Monstres, Dino Risi était voué à devenir psychiatre mais il est finalement devenu cinéaste. Parmi ses nombreux films, Ames perdues est celui qui parle le plus directement de la psychologie et de la psychanalyse. Sorti de son succès critique Parfum de femme, le cinéaste reprend son acteur fétiche Vittorio Gassman et nous plonge cette fois dans une Venise ténébreuse. La ville inondée et le couple sont filmés comme les vestiges détruits et hantés par le deuil et le déni. Avec l’hôpital psychiatrique en toile de fond, les décors et le sujet rendent une atmosphère anxiogène jusqu'au dénouement final, d'une grande force émotionnelle. Le cinéaste peut compter sur ses brillants dialogues et ses acteurs époustouflants pour emporter le public dans les secrets de ce couple mystérieux et envoûtant. 

Comme dans Parfum de femme, Vittorio Gassman est une nouvelle fois impressionnant avec un jeu tout en nuance, entre puissance et finesse psychologique donnant une dimension pour le moins particulière au film. En face de lui, il y a la belle Catherine Deneuve, aussi angélique que paumée. Détruite, humiliée en permanence par son mari, cette belle blonde se laisse vivre et écraser à cause d'un terrible secret qu'elle nous cache et renie totalement. Est-elle coupable ou victime ? Tout comme le vrai du faux, la frontière reste mince. Ce couple a perdu leur fille unique, il y a quelques années et le thème du deuil est traité de manière plus ou moins frontale. Ecrit de manière pudique et avec une grande élégance, le scénario nous installe tranquillement une intrigue à tiroir à la manière des grands thrillers psychologiques. Le suspense et le voile se lève progressivement jusqu'au magnifique final poignant.


Ames perdues est un film remarquable par son interprétation subtile et intense de l'ensemble de ses comédiens. Catherine Deneuve y est merveilleuse et particulièrement ambiguë. Rarement elle a été aussi bien dirigée et dans un personnage si bien écrit. Il serait dommage de se priver d'un scénario aussi passionnant et de son rythme précis et fluvial. Il est à montrer dans toutes les écoles de cinéma. Quant au travail de Dino Risi il est tout simplement fabuleux. Le cinéaste réalise ici esthétiquement son plus beau film. Les plans, le montage et la musique sont tous en symbiose avec l’atmosphère pour former un bijou de cinéma. Le film fête ses quarante ans cette année et ne vieillit absolument pas, contrairement à par exemple Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg également dans le même registre. Ce grand film se range dans les films psychologiques des années 70's avec le Giallo culte de Dario Argento Les frissons de l'angoisse, d'ailleurs c'est le même scénariste. Il fait parti des nombreux films inspirés par Psychose et Pas de printemps pour Marnie d'Alfred Hitchcock avant le fameux Pulsions de Brian De Palma. Le dvd est disponible sur Amazon assez facilement et vaut vraiment l'investissement. Non seulement le festival Lumière ne fait pas peau neuve mais il mérite un véritable bonnet d'âne de nous priver de la ressortie de cette pépite.

Bon festival à tous ! 



     

dimanche 18 septembre 2016

Frantz




Réalisation et scénario : François Ozon
Durée : 1 h 50
Interprétation : Paula Beer, Pierre Niney, Anton Von Lucke, Ernst Stotzner...
Genre : Qui va à la Guerre, perd sa mégère

Synopsis

Au lendemain de la Grande Guerre, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le Front. Mais ce jour-là, un français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. 


Presque dix ans après Angel, Frantz annonce le retour de François Ozon dans une production européenne. Cette fois c'est un remake d'un film d'Ernst Lubitch Broken Lullaby qui permet au cinéaste de se replonger dans les reconstitutions d'époques et la romance. Le résultat est beaucoup plus classique et académique que les derniers essais du cinéaste mais très référencé et élégant. Une réussite qui n'atteint pas la grâce d'un film comme Carol sorti en début d'année.  

Cet académisme met autant en valeur les points forts du scénario qu'il le dessert. Tout reste propre, très beau et maîtrisé mais le trouble, les différentes passions ou mensonges restent dans l'ensemble trop en retenue pour flamboyer comme dans les grands Kazan Polanski ou récemment Todd Haynes. Je reproche à François Ozon d'être trop respectueux et de manquer de personnalité, ne laissant presque que la part belle à l'interprétation. Pierre Niney et Paula Beer véhiculent toutes les émotions, ils sont incontestablement beaux et excellents. Le cinéaste se contente de s'accrocher à ses eux deux au point d'en oublier presque tout le lyrisme de sa mise en scène. Heureusement le scénario est bien écrit, les dialogues sobres et subtils, le noir et blanc et la belle partition de Rombi (quand ce n'est pas Chopin) nous offrent une forme de qualité. C'est très beau mais l'ensemble manque de personnalité et de cachet. Un grand fossé avec les essais précédents du cinéaste qui fusent et parfois même débordent de tentatives au point de dérouter le grand public.

De manière générale je trouve d'assez regrettable que le cinéaste ne s'approprie pas plus les thèmes du deuil, de l'absence, de l'amour impossible et surtout le trouble que le cinéaste connaît et exerce si bien. Un peu comme si Ozon n'était pas maître de son film, la mise en scène suit sagement et sobrement un scénario classique. Le ressenti du film à Césars, Oscars se ressent mais l'hommage est plus sincère et subtil que par exemple The Artist. Ce dernier dans son genre n'est pas vraiment brillant contrairement à Frantz dans le drame romantique qui se défend bien. On peut reprocher au cinéaste de ne pas souvent aller au bout des choses parce qu'il nous transporte souvent de belle manière. Avec Frantz le cinéaste c'est l'inverse, il nous ballade gentiment mais ne va pas non plus au bout des choses, cette fois dans les émotions ce qui est un comble pour un drame sentimental. Le film reste quand même un produit de qualité que je recommande, surtout pour la rareté de son contexte historique. 

Note : 7 / 10