lundi 30 mars 2015

Hugo Cabret



Réalisation : Martin Scorsese
Scénario : John Logan
d'après l'oeuvre de Brian Selznick
Durée : 2 h 05
Interprétation : Asa Butterfield, Sacha Baron Cohen, Ben Kingsley, Chloe Grace Moretz...
Genre : Enchanteur

Synopsis :

Dans le Paris des années 30, Hugo est un orphelin de douze ans qui vit dans une gare. Son passé est un mystère, son destin une énigme. De son père il ne lui reste qu'un étrange automate dont il cherche la clé, en forme de cœur, qui pourrait le faire fonctionner. En rencontrant Isabelle, il a peut-être retrouvé la clé, mais ce n'est que le début de l'aventure.

Comme pour beaucoup de monde, l'annonce que le prochain film de Martin Scorsese serait un film destinés pour les enfants m'avait sur le coup assez déstabilisé et troublé. Quand j'ai su qu'Hugo Cabret n'était pas une commande et destiné en grande partie pour la petite fille du cinéaste (oui il a le luxe de pouvoir faire ça Marty), j'étais rassuré. De toute manière même en commande le cinéaste s'en tire toujours pour rendre un produit intéressant et bien fait ( La couleur de l'argent, Les nerfs à vifs ou encore Aviator). Lors des multiples visionnages d'Hugo Cabret j'ai été transporté, hypnotisé et envoûté dans un fabuleux voyage magique et cinématographique oscillant entre le fantastique et l'hommage aux origines du cinéma. Le tout avec une magnifique 3D, Hugo Cabret est un film merveilleux dans tous les sens du terme de et sur le cinéma. Il est réalisé par le plus grand et talentueux des cinéphiles contemporains qui signe une déclaration d'amour au septième art sur tous les plans. Sa passion pour le cinéma a été communicative pour ma part dans ce grand film destinés à tous les publics.

L'intrigue est celle d'un conte moderne initiatique classique. Un genre d'Oliver Twist  dans lequel se glisse un peu de merveilleux et de féerie mais gardant un peu de noirceur. Le cinéaste conte avec amour et finesse un scénario respectueux et minutieux, comme une horloge avec le temps, sur l'ensemble des thèmes qu'il aborde. L'écriture et la mise en scène, toutes les deux sobres et précises, sont complémentaires l'une de l'autre comme dans les chefs d'œuvres. On y trouve une grande panoplie de thèmes aussi nouveaux qu'anciens pour le cinéaste. Tout est aussi léger que dense, aussi intense que sensible, porté par une grande beauté visuelle. Le cinéaste greffe son style avec une tendresse et une délicatesse qui lui est assez inédite à un scénario très bien écrit. Tout en fluidité, intelligence, force de l'image, du montage, le cinéaste utilise la 3D avec une grande aisance. Cette dernière n'est pas utilisée comme un gadget, elle accompagne l'esthétique ainsi que l'action et le vocabulaire du film comme jamais il n'a été fait jusqu'à maintenant. Mieux encore que celle pourtant réussite de Steven Spielberg de Tintin. Quand ce sont des grands cinéastes la technique de la 3D est tout de suite plus saisissante et celle de Scorsese est certainement la mieux exploitée de toute. Tout le travail du cinéaste est une nouvelle fois sobre, surprenant et comme toujours au service de l'histoire et du spectacle. Un parfait équilibre technique qui laisse l'imaginaire et la féerie prendre quand même le dessus. Rien dans le cinéma de Scorsese n'est démonstratif et ici non plus même si le film est soufflant de technique. Le scénario est une enquête initiatique assez étirée qui prend le temps d'avancer. Cela peut ennuyer les fans de films d'actions purs et durs, les autres seront conquis par ce que nous tisse le cinéaste des Infiltrés.

Hugo Cabret est un conte simple destinés aux enfants mais aussi aux grands. Ce serait mal connaître le cinéaste de penser qu'il n'y glisse pas des thèmes bien moins enfantins. Il dépeint à travers cette histoire une multitude de petites scénettes rendant hommage au cinéma muet et plus moderne. Tout est brillant, à commencer par un humour beaucoup plus classique mais tout aussi bien placé que dans ses autres films. L'émotion et l'action fonctionnent ainsi que les nombreux flash-backs car Scorsese a su rendre une atmosphère où l'on se sent bien et entièrement transporté. Avec un scénario si classique le film aurait pu être un vieux mélo poussiéreux si le cinéaste n'avait pas autant de talent et de sincérité dans sa démarche. Comme toujours la technique, le montage et la musique s'accordent parfaitement et nous avons droit a un casting de premier choix. Ben Kingsley et Christopher Lee apportent la sagesse au film face au duo attachant Butterfield et Moretz. On notera un Sacha Baron Cohen un peu comme Martin Scorsese dans un tout autre registre mais surprenant et brillant. Jude Law et Ray Winstone refont un petit tour devant la caméra du cinéaste pour appuyer des seconds rôles forts et qui restent dans la rétine du spectateur.

Scorsese fait du Georges Méliés et prouve qu'il peut faire rêver lui aussi. Il se glisse également dans la peau d'Hugo et c'est communicatif. Le film commence d'ailleurs par un grand plan séquence qui se termine sur les yeux à travers une horloge du jeune Hugo. On rentre directement dans le point de vue, le monde et l'univers d'Hugo. Alliant la technique et l'audace, c'est d'une virtuosité rare que seul Scorsese peut signer de nos jours et réussir. Hugo Cabret est un peu un film à la Tim Burton filmé par le plus grand réalisateur contemporain et un des plus grands du cinéma. Il prouve une nouvelle fois qu'il est doué dans tous les genres et domaines par son cinéma si passionné et passionnant, loin des niaiseries et capable de créer un véritable univers. Si c'est terre à terre, le film n'oublie pas de nous faire rêver, profitant de l'hommage à Méliés pour faire une mise en abîme du septième art pour nous faire rêver. Si la forme et le contenu sont plus éloignés des films qui font la renommée du cinéaste, il en reste comme dans chacune de ses œuvres les plus réussies une toute aussi fascinante plongée dans un univers traité avec une même maestria. On retrouve un cinéaste qui ne se répète pas et qui innove tout en restant en avance sur son temps. Comme pour Shutter Island le style du cinéaste allie le moderne et l'ancien, entre l'hommage respectueux et celui plus visionnaire. Comme du Billy Wilder, Scorsese signe des films intemporels et Hugo Cabret suit cette magnifique démarche. C'est une nouvelle fois du très grand Scorsese même si c'est un film à part dans sa filmographie comme A tombeau Ouvert, La valse des pantins ou Le temps de l'innocence. Ces derniers films sont hélas mineurs et sous estimés et sont tout aussi bons que ses plus grands films comme Raging Bull, Les affranchis ou Casino

Hugo Cabret a profité de la notoriété et de la maturité actuelle du cinéaste pour être plus reconnu et n'a pas volé ses nominations. Ce petit chef d'oeuvre aurait mérité d'avoir eu l'oscar du meilleur film devant The Artist. Il sera quand même considéré à tort comme un film mineur du cinéaste alors que c'est pourtant dans le genre ce qu'il se fait de mieux. C'est un spectacle enchanteur comme on en voit quasiment jamais, un film a très grand budget qui se paye en plus le luxe de rendre la monnaie de la pièce sur le travail de Georges Méliés qui en réalité a un destin bien plus tragique que dans le film. Cette parenthèse scorsesienne est à ne pas rater pour tous les passionnés de cinéma. C'est le plus beau film de l'année 2011 ainsi qu'un des meilleurs films sur le cinéma. Plus réussi que des films sympathiques comme Panic sur Florida Beach de Joe Dante en tant qu'hommage au cinéma. Les plus réfractaires aux films pour enfants, pour la 3D c'est un exemple à suivre, c'est le must. Pour ma part c'est un des meilleurs films pour la jeunesse de tous les temps ainsi qu'un des dix meilleurs films de la grande filmographie du cinéaste.


Note : 10 / 10

La dévédéthèque parfaite

Ed Wood de Tim Burton, Ratatouille de Brad Bird. 

vendredi 27 mars 2015

Music Box



Réalisation : Costa Gavras
Scénario : Joel Eszterhas
Durée : 2 h
Interprétation : Jessica Lange, Armin Mueller-Stahl, Frederic Forest, Michael Rooker...
Genre : Palpitant

Synopsis :

Ann Talbot, brillante avocate de Chicago, est amenée à défendre son père, poursuivi pour crimes de guerre. Michael Lazlo a fui la Hongrie après la Seconde Guerre mondiale et s'est réfugié aux Etats-Unis. Après quarante cinq ans de vie paisible et honnête, il est convoqué par le bureau des enquêtes spéciales. Des preuves accablantes ont été retenues contre lui et de nombreux témoins auraient reconnu en lui un tortionnaire nazi. Pour Ann il s'agit d'un traquenard politique mais l'affaire se révèle bien plus complexe que prévu.

Music Box est sans doute un des meilleurs films de Costa Gavras, tout du moins dans sa période américaine. Le cinéaste signe un drame familial sous la forme d'un polar et d'un prétoire aussi captivant que bouleversant. Le spectateur est transporté dans une enquête policière et familiale entre l'espoir et la désillusion du début à la fin, une nouvelle fois auprès d'une formidable Jessica Lange.

L'intrigue en elle-même n'est pas très originale. Elle est même assez classique dans une première partie du film. Cependant le scénario est très bien écrit, rythmé et n'entre jamais dans le too much. L'affaire est à l'image du jeu de Mueller Stahl : particulièrement troublant. Les rouages du scénario établissent un suspense très efficace qui grimpe de manière progressive et viscérale jusqu'au final absolument sublime. L'écriture est parfaitement maîtrisée entre émotion et la violence, le spectateur est vite prit à la gorge par la situation d'Ann. Le partage dans le côté familial l'amour et les secrets de familles opposés à celui de la justice est formidablement traité. Sans révéler la fin (car il faut absolument voir le film !) le cinéaste signe une mise en scène sensible et juste pour préparer son final bouleversant.

Tout en nuance, densité et subtilité, Costa Gavras dose habilement et avec une grande audace ses différents ressorts, intrigues et portraits pour mieux mettre en relief et à vif les différents sentiments. Sans être virtuose pour autant, le réalisateur prend le temps de donner de la grandeur aux acteurs et à l'intrigue. Ce qui donne une atmosphère assez particulière entre le drame, le polar, le film émotionnel et le film documentaire. Accompagné par une bonne musique de Philippe Sarde et une technique sans fioritures, le cinéaste met en avant une Jessica Lange sensationnelle qui porte une grande partie de l'émotion du scénario. Elle est touchante et captivante dans le rôle de cette femme de conviction assez moderne. Ce qui rend un film assez féministe, ce qui est une grande particularité également et loin d'être le cas de beaucoup de films dans le genre.

Des films de procès il y en a une si longue liste qu'il serait impossible de les énumérer. Music Box se démarque de cette dernière pour la simple et bonne raison qu'il traite le thème de la famille dedans. Il est également peut-être un des plus grands films du genre avec 12 hommes en Colère de Sidney Lumet auquel le spectateur s'identifie autant au personnage principal. Même s'il est vrai que les formes sont classiques et le film par moment romancé, le fond est d'une redoutable force historique, politique et humaine, digne des grands films du cinéaste. Gavras est ici dans son meilleur savoir faire en livrant un produit aux formes hollywoodiennes mais avec un scénario qui ne l'est absolument pas. Du cinéma trop rare. 

Jessica Lange y trouve ici un de ses meilleurs rôles dans peut-être son meilleur film. Je n'irai pas à dire que c'est un chef d'œuvre mais un film grandiose qui nous procure beaucoup d'émotions. Music Box captive, émeut et possède une terrible et unique force émotionnelle. Alors qu'il passe trop rarement à la télévision (guettez Arte si vous le souhaitez) il est quand même facile à se procurer car il est à posséder auprès des meilleurs films du cinéaste et du genre. Une bonne idée de cadeau à faire (re)découvrir autour de vous car c'est un grand moment de cinéma comme on en voit pas si souvent que je vous recommande fortement. 


Note : 9 / 10

La dévédèthèque parfaite

12 hommes en colère de Sidney Lumet, Z de Costa Gavras, L'affaire Von Bulow de Barbet Schroeder

mardi 24 mars 2015

Un homme idéal



Réalisation : Yann Gozlan
Scénario : Yann Gozlan, Guillaume Lemans et Grégoire Vigneron
Durée : 1 h 35
Interprétation : Pierre Niney, Ana Girardot, André Marcon...
Genre : Le talentueux Mr Niney

Synopsis

Mathieu a 25 ans et veut devenir auteur. Il fait déménageur pour métier alimentaire et trouve un jour un manuscrit d'un ancien combattant de la Guerre d'Algérie recemment décédé. Il décide de s'approprier l'oeuvre à son nom. Le succès est immédiat, les critiques dithyrambiques il est même devenu le grand auteur du moment. Seulement un corbeau ne va pas tarder à le faire chanter et réclamer de l'argent contre son secret. De son côté Mathieu a la pression pour écrire son second livre. 

Yann Gozlan se frotte au genre du thriller avec les thèmes de la fausse identité et des fausses apparences dans un polar dans l'ambiance Plein Soleil de René Clément ou Le talentueux Mr Ripley d'Anthony Minghella. Le cinéaste a beau admirer Polanski ou Chabrol, il en oublie d'être personnel et haletant. Seul l'interprétation impeccable de Pierre Niney et Ana Girardot donne un peu de vie et d’intérêt a ce petit polar.

Tout va vite pour Mathieu une fois qu'il a volé le manuscrit, la notoriété et la place d'un ancien combattant de la Guerre d'Algérie. Le film avait un sujet vraiment intéressant, il pouvait partir sur une multitude de pistes autour de ce personnage torturé mais il ne fait hélas rien du tout. Le scénario se contente de seulement accumuler les problèmes, la pression et les maladresses du début à la fin. On sent bien la patte de Guillaume Lemans, le scénariste de Fred Cavayé, qui donne à l'ensemble un thriller très banal. Si c'est très respectueux du genre, c'est mou, ça manque de force et d'originalité. A trois scénaristes ils en ont tirés un script trop peu convaincant. Toute l'intrigue et la tension s'enlisent dans des clichés bien filmés mais sans charme. Du coup ça rend un scénario bien fait par son rythme, sobre au niveau des grosses ficelles utilisées, mais au fond creux, sans âme et sans aucune habileté. 

Côté mise en scène c'est du travail bien fait là aussi mais sans une once de personnalité. Musique assez redondante et pas vraiment efficace car le montage et le scénario ne décolle jamais. Yann Gozlan fait un thriller à l'ancienne mais ne se contente que d'une technique de base et à souvent du mal a contourner les clichés et les ficelles. Les clins d'oeil fusent, sa mise en scène reste quant à elle trop plate pour déceler un style ou un ton. Jamais n'est mis en avant la psychologie du personnage principal sauf une fois sa paranoïa avec la scène du sang à table. Jamais on ne verra la piste du thriller propre et efficace. Jamais on ne verra un film qui a quelque chose à vendre ou du souffle. Le cinéaste reste le cul entre deux chaises ne donnant aucun intérêt à son film. Il s'attache qu'à la plate illustration de son scénario déjà peu inspiré à la base avec autant de respect que de sérieux. Seulement il en oublie parfois d'en être cohérent et distrayant. L'impression de patiner dans le semoule se ressent ainsi que de regarder un polar des années 60 coupé à l'eau.


Heureusement l'interprétation de Pierre Niney est impeccable une nouvelle fois et donne un peu de sens à tout cela. A lui seul il donne un peu de saveurs par ses expressions et son jeu toujours fin et très élégant. A ses côtés Ana Girardot est une nouvelle fois surprenante, elle est également une jeune actrice pleine de talent. Autour d'eux l'interprétation reste bancale mais pas non plus horrible. L'impression de film raté plane. Au niveau de son idée de départ toutes les pistes et la mise en scène restent trop frustrantes et laissent un goût d'amertume trop désagréable pour en faire un divertissement soigné. Sans être un navet, ni un bon film, Un Homme idéal n'est rien de plus ni moins qu'un petit polar. 

Note : 4 / 10

lundi 23 mars 2015

Still Alice



Réalisation et scénario : Richard Glatzer et Wash Westmoreland
d'après le roman L'envol du papillon de Lisa Genova
Durée : 1 h 35
Interprétation : Julianne Moore, Kristen Stewart, Alec Baldwin...
Genre : Oubliable

Synopsis :

Professeur de linguistique renommée, mariée et mère de trois grands enfants, Alice commence à oublier les mots. On lui diagnostique rapidement les premiers signes de la maladie d'Alzheimer précoce. Son combat pour rester elle même commence.

Après le sida avec Dallas Buyer Club, c'est au tour de la maladie d'Alzheimer qui a droit a son film. Pas (encore) d'appels aux dons demandés explicitement mais encore une fois on a droit à une démarche documentaire où tout est essentiellement porté par l'interprétation du personnage principal. Julianne Moore mérite enfin son oscar et porte le film intégralement sur ses épaules. Hélas tout ce qui gravite autour d'elle n'est pas à la hauteur et manque trop d'approfondissement pour convaincre. Le tout est illustré par une mise en scène fantomatique.

On a pas le temps de s'ennuyer car le film est court, le sujet intéressant et encore très peu traité au cinéma. Je dirai même essentiel à voir. Julianne Moore rend bouleversant son personnage et donne toute l'émotion possible à ce film à l'intérêt cinématographique nul. La mise en scène est fade et se contente d'illustrer platement un scénario qui ne joue que sur les effets de la maladie niveau pour susciter l'émotion. Tout le reste n'est que vain et trop superficiel. L'écriture manque de fraîcheur, de subtilité, d'originalité, de ton, de force et ne compte que sur l'actrice investie pour faire tourner le tout. Si cette dernière est au sommet de son talent elle réussit effectivement à rendre le message principal touchant. Malgré le talent de l'actrice, Still Alice ne dégage finalement rien d'autre qu'un film d'interprétation. Malgré tout le talent de Julianne Moore qu'on lui connaît, le film manque avant tout d'un cinéaste aux commandes pour le rendre intéressant. Still Alice n'a pas de prise de risque, de point de vue dans son écriture et sa mise en scène. Si la niaiserie est heureusement contournée ou bien négociée, il manque un regard sur le personnage, l'entourage, la maladie qui est vraiment frustrant.

Si la franchise des cinéastes est là et la prétention absente, Still Alice reste qu'un petit film car il est au point mort dans toutes les pistes essentielles pour traiter un sujet, une maladie aussi délicate que celle çie. Chaque fois qu'on pense au film c'est uniquement pour la performance de l'actrice qui transcende et surclasse son entourage. Julianne Moore est le seul intérêt du film par son interprétation magistrale. Ce qui est tout le contraire d'un film comme Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel où l'interprétation est au niveau de la qualité du scénario et de la mise en scène. Les trois notes de musiques monotones et clichées en guise de bande son n'aideront pas à faire oublier la platitude générale, au contraire. Elles montrent et scellent les limites du film du début à la fin, à l'image des deux pauvres tentatives de mise en scène ratées. Très rapidement le film s'enferme dans le gentil pensum et prise de conscience de la maladie. Il est certain qu'il en touchera plus d'un car la maladie en elle même est assez horrible pour la personne comme pour son entourage. Si Still Alice est un film essentiel et sincère on ne vous en voudra pas si vous l'oubliez, et encore moins si vous l'oubliez complètement. Ce n'est pas un signe de la maladie, sortez en néanmoins assurés.

Note : 4,5 / 10



mardi 17 mars 2015

Big Eyes



Réalisation : Tim Burton
Scénario : Scott Alexander et Larry Karaszewski
Durée : 1 h 40
Interprétation : Christoph Waltz, Amy Adams, Jason Schwartzman, Terence Stamp...
Genre : Tisane de Tim

Synopsis :

A la fin des années 50 et au début des années 60, le peintre Walter Keane a connu un succès phénoménal et à révolutionné le commerce de l'art grâce à ses énigmatiques tableaux représentant des enfants malheureux aux yeux immenses. La surprenante et choquante vérité a cependant fini par éclater : ces toiles n'avaient pas été peintes par Walter mais par sa femme, Margaret.

Tim Burton revient enfin avec les deux scénaristes d'Ed Wood et toujours Danny Elfman à la musique. Sans être un chef-d'œuvre ce dernier Tim Burton est certainement un de ses meilleurs. L'univers du cinéaste est peut-être moins marqué visuellement mais on y retrouve ses thèmes et son grand savoir faire. Ici producteur Burton signe une réalisation classique entre vieille école et style bien personnel, il est virtuose. En tête d'affiche Amy Adams est parfaite et ajoute une touche dramatique réussie face à un Christoph Waltz monstrueux dans tous les sens du terme.

C'est un changement qui fait du bien au cinéma de Tim Burton. D'abord c'est un tout petit budget, incroyablement tenu. Reconstitution soignée avec une esthétique très colorée proche de Big Fish et une écriture fine proche d'Ed Wood. C'est à dire que sans profondeurs et talents ce ne serait qu'un téléfilm de l'après midi. Ajouté à cela un casting impeccable et savoureux. Danny Elfman ne répète pas les mêmes thèmes que depuis quelques années, il compose une bande originale soignée et qui colle bien au film. On retrouve bien sûr une bande rock bien réussie. Tim Burton se penche sur les années 50 et 60 sur un ton de comédie qui serait proche des frères Coen (Le grand Saut) dans une peinture brillante du monde de l'art, de la mode et de la société. Ce ton est émaillé d'une partie plus dramatique très réussie sur la condition de la femme dans la société mais également dans le domaine de l'art. Tim Burton ajoute même un peu d'horreur et une petite pincée de fantastique tous les deux bienvenus, rendant l'ensemble de sa toile bien plus sérieux qu'il n'y paraît.

Un an après The Best Offer de Giuseppe Tornatore, Big Eyes s'impose un peu dans la même veine : le thriller, le drame sentimental et arnaqueur dans le domaine l'art. Chez Tim Burton la comédie prend souvent le dessus pour mieux faire ressortir le drame et l'horreur de sa peinture. C'est fait avec maestria et avec l'aide d'une incroyable composition de Christoph Waltz. Contrairement aux films de Tarantino il n'est pas le seul à meubler, il est drôle, effrayant et pathétique à la fois, digne d'un des plus grands ploucs détestables du cinéma. Amy Adams apporte de son côté la sensibilité, le drame, la frustration adéquate et permet de dresser un tableau réussit de la condition sociale de la femme durant ces années. Seulement il serait bien dommage de s'en arrêter là car les scénaristes de Man on The Moon sont bien plus intelligents et subtils que ça. Tim Burton capte avec autant de force que de subtilité cette peinture aux allures simples mais intensément riche et profonde pour en faire une formidable mise en abîme sur le monde artistique. On remplace facilement la place de femme par celle du réalisateur et celle de l'homme par le producteur : le falsificateur. C'est tout simplement jouissif.

J'ai pris beaucoup de plaisir à savourer ce film au final très personnel. Le grand savoir faire de Burton oscille entre le cinéma de Billy Wilder et des frères Coen le tout avec des délicieuses pointes de son style. Le scénario et les dialogues sont très bons et il faut avouer que les acteurs insufflent l'énergie des différents ressorts et messages avec brio. Le montage est d'une grande minutie également. On retrouve la patte du cinéaste qui ne trompe pas dès le générique mais beaucoup plus Old School que d'habitude, comme l'ensemble de son film. Bruno Delbonnel à la photographie réussit son meilleur travail depuis Amélie Poulain. D'ailleurs Big Eyes est le film du cinéaste qui vieillira le moins avec Ed Wood. Avant de signer son premier succès au cinéma avec Beetlejuice, Tim Burton était d'ailleurs sur le film After Hours, une comédie simple et sobre que finalement Martin Scorsese a réalisé. Peut-être si le cinéaste avait réalisé After Hours on aurait un autre a priori sur son cinéma, un cinéma qui ne serait pas composé que de fantastique. 

Tim Burton n'est pas qu'un cinéaste imaginaire qui tente des effets spéciaux séduisants, c'est un grand cinéaste tout simplement capable de faire des grands films. Il n'y a qu'a voir Big Eyes qui est d'une maîtrise absolue, sans baisse de rythme et d'une profondeur particulièrement réjouissante. Tout en restant très distrayant, le cinéaste reste quand même très amer, critique et fait une peinture au vitriol de l'art en général. Finalement c'est un concentré sobre du meilleur du cinéma de Tim Burton au diapason. Depuis Sleepy Hollow ou encore Charlie et La Chocolaterie pour avoir réussit à collé l'univers de Roald Dahl au sien, je n'avais pas retrouvé le cinéaste si novateur et enchanteur de ses meilleurs films. Me voilà enfin servi avec Big Eyes même si la forme est très vieille école. Dommage que le film n'a pas vraiment marché aux États-Unis, espérons qu'en France ce sera mieux, il le mérite amplement. Ce film agit sur nous comme une bonne tisane de grand mère, il détoxe et fait digérer ses derniers films. Un grand film de Tim Burton à ne pas rater. 



Note : 8,5 / 10

dimanche 15 mars 2015

Top 50 des films en Noir et Blanc



Le noir et blanc a son charme, son cachet bien particulier. Bien souvent avec le travail, les jeux d'ombres et de lumières, ses différentes surimpressions, l’atmosphère et l'écriture les films étaient différents des films en couleurs. De plus nous ne réceptionnons pas de la même façon un film en couleurs et en noir et blanc. L’atmosphère peut-être tout de suite beaucoup plus lourde, sensible ou au contraire onirique et féerique. Le travail du cadre et de l'éclairage était bien plus écrits et composés, du moins cela est bien plus voyant car les yeux du spectateur n'ont qu'à se concentrer que sur deux couleurs principales. On perçoit toujours mieux le travail de l'image en noir et blanc qu'après l'arrivée de la couleur. Il est toujours bon de rappeler que l'image était bien plus plus écrite avant l'arrivée du parlant car le muet l'exigeait. L'image était la narratrice et le dialogue du film, son travail était indispensable pour suivre l'ensemble de l'histoire.

Des grands cinéastes comme Alfred Hitchcock se servait du simple noir et blanc pour y glisser des indices par de simples effets de mise en scène. Pour faire réfléchir, laisser imaginer le plan suivant, ou le plan, la révélation qui viendra à la fin (ou pas). Que serait Psychose, Les enchaînés ou pire encore La maison du Docteur Edwardes et L'inconnu du Nord Express en couleur ? Souvent le simple noir et blanc est au service de la grammaire des films. Fritz Lang, Charlie Chaplin et Alfred Hitchcock font partis des cinéastes qui ont su faire la transition avec brio entre le muet et le parlant. Leur mise en scène mêlent la force de l'image du cinéma muet et la force du son et des dialogues. Même si évidemment tous les films n'ont pas très bien vieillis, beaucoup restent d'une richesse exemplaire par de leur mise en scène. L'arrivée de la couleur a donc fait changer bien des choses dans le langage de l'image, on peut même parler d'une grammaire complètement différente.

Très peu de cinéastes utilisent le noir et blanc de nos jours car le public ne veut plus voir de films en noir et blanc. Même Jim Jarmusch l'a abandonné après des années d'exploitation. C'est même dommage car avec les effets de la 3D on pourrait en tirer un potentiel bien sympathique comme le démontre l'introduction du magicien d'Oz de Sam Raimi. Sinon des cinéastes comme Steven Spielberg avec La liste de Schindler, Martin Scorsese avec Raging Bull ou encore David Lynch dans Elephant Man l'ont exploités avec intelligence, force et beauté. A leur manière différente, le noir et blanc reste dans la mémoire. Les frères Coen ou encore Steven Soderbergh l'ont également utilisés avec un certain brio. Ensuite comme cela donne un certain cachet à l'ancienne on a du coup droit à de nombreuses séquences en noir et blanc dans les films. Dans Kill Bill la censure a contraint Tarantino de faire une séquence en noir et blanc, et c'est plutôt une bonne contrainte car c'est une des meilleures trouvailles du film. Dernièrement The Artist de Michel Hazanavicius et Le ruban blanc de Michael Haneke sont les films en noir et blanc qui ont eu du succès et les plus reconnus, et pourtant ne l'exploitent pas assez à mon goût. Souvent le noir et blanc était pour faire des économies de tournages, comme l'on pouvait en voir comme l'oppressant 13 Tzameti de Gela Balbuani ou C'est arrivé près de chez vous de Belvaux, Bonzel et Poelvoorde. Ils ont su en tirer la force et le rendre cohérent au vu leurs atmosphères. Maintenant on ne les imaginerait certainement pas en couleurs. 

Il y en vraiment beaucoup de films en noir et blanc qui valent la peine d'être visionnés. Que ce soit du classique qui neutralise et met en force son sujet comme chez Sidney Lumet ou Joseph Losey ou beaucoup plus féerique comme chez Ernst Lubitsch. Des Nerfs à vifs de Jack Lee Thomson à La haine de Mathieu Kassovitz en passant par les biopics Lenny de Bob Fosse ou Portrait d'une enfant déchue de Jerry Schatzberg, on retrouve des oeuvres de toutes beautés. Murnau, Lubitsch, Lang font partis des cinéastes qui travaillent le plus le noir et blanc et aujourd'hui pas mal de leurs films restent intemporels. Si jamais vous avez du mal avec les films en noir et blanc, c'est uniquement parce que le film est vieillot et pas vraiment travaillé dessus, soit c'est juste un premier a priori que l'on se fait. On y trouve vraiment des trouvailles d'une modernité incroyable qu'il serait dommage de ne pas savourer. 

Voici dans le désordre une sélection de 50 de mes films préférés qui sont en noir et blanc



La dernière Séance de Peter Bogdanovich
La nuit du chasseur de Charles Laughton
Le trou de Jean Becker
Les tueurs de la lune de Miel de Leonard Kastle
Sur les quais d'Elia Kazan
Le dictateur de Charles Chaplin
Johnny s'en va en guerre de Dalton Trumbo
Freaks de Tod Browning
L'aurore de Frederich Wilhem Murnau
L'aventure de Mme Muir d'Alexander Mankiewicz



L'inconnu du Nord Express d'Alfred Hitchcock
Eve d'Alexander Mankiewicz 
La maison du diable de Robert Wise
Raging Bull de Martin Scorsese
Elephant Man de David Lynch
Répulsion de Roman Polanski
12 hommes en colère de Sidney Lumet
Les désaxés de John Huston
Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick 
La colline des hommes perdus de Sidney Lumet



Seconds l'opération diabolique de John Frankenheimer
De sang froid de Richard Brooks 
L'invasion des profanateurs de sépultures de Don Siegel
Boulevard du crépuscule de Billy Wilder
Psychose d'Alfred Hitchcock 
Les temps modernes de Charles Chaplin 
The Kid de Charles Chaplin 
En quatrième vitesse de Robert Aldrich
Qu'est il arrivé a Baby Jane ? de Robert Aldrich 
Le train sifflera trois fois de Fred Zinnemann



Metropolis de Fritz Lang
To be or not to be d'Ernst Lubitsch
Down by law de Jim Jarmusch
Kafka de Steven Soderbergh 
La liste de Schindler de Steven Spielberg 
Le roman de Mildred Pierce de Michael Curtiz
M Le Maudit de Fritz Lang
Mary and Max d'Adam Elliot
Ed Wood de Tim Burton
L'arnaqueur de Robert Rossen



C'est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde
Assurance sur la mort de Billy Wilder
Autopsie d'un meurtre d'Otto Preminger
Faust de Friederich Whilem Murnau 
Furie De Fritz Lang
Le salaire de la peur d'Henry-Georges Clouzot
Les diaboliques d'Henry-Georges Clouzot
Citizen Kane d'Orson Welles
Le faucon maltais de John Huston
Le grand sommeil d'Howard Hawks


Et bien d'autres évidemment ...  

jeudi 12 mars 2015

Chappie



Réalisation et scénario : Neill Blomkamp
Durée : 1 h 50
Interprétation : Sharlto Copley, Dev Patel, Yo-Landi Visser, Hugh Jackman, Sigourney Weaver...
Genre : Intelligence trop artificielle

Synopsis :

Dans un futur proche, la population, opprimée par une police entièrement robotisée, commence à se rebeller. Chappie, l'un des ses droïdes policiers, est kidnappé. Seulement il est le test d'une nouvelle sorte de robot qui a une conscience. Son créateur va essayer qu'il ne penche pas dans le mal. La partie est loin d'être gagnée...

Chappie est un mélange (assumé ?) des deux précédents films du cinéaste. C'est tellement flagrant que cela pourrait être des films qui se suivent ou se croisent. C'est trop facile niveau créativité tellement on peut voir des points communs au niveau de l'intrigue, du scénario, de l'univers, des psychologies, des enjeux et même des lieux entre les films. C'est quand même assez désolant de voir un tel copié collé, on pourrait même penser à une arnaque. Seulement non, ce n'en est pas une car Chappie est juste son meilleur film actuellement, sans être pour autant une réussite.

On a un peu la désagréable impression devant la projection que les deux précédents films de Blomkamp n'étaient que des brouillons et que celui-ci est son premier « vrai » film. Ce n'est pas tout à fait vrai mais presque. Ne nous emballons pas trop vite car le film possède encore les défauts et la frustration qui sont propres au « style ( si on peut appeler cela ainsi) du cinéaste. Si le cinéaste réussit beaucoup mieux à concilier et exploiter ses idées les unes avec les autres qu'auparavant, il pêche une nouvelle fois dans l'écriture. Sa plume manque encore de subtilité, de force , de développement psychologique et surtout de vrais personnages. Le script a une intrigue intéressante mais le spectaculaire et l'action prime toujours sur le reste. Il est bien dommage de retrouver toujours ses mêmes thèmes déjà exploités auparavant de manière peu habiles. Effectivement si on remplace les robots par les extra terrestres on a district 9. Si Chappie est plus fun dans tous les sens du terme, les méchants qui deviennent gentils à la fin, les combats musclés et violents et la race humaine horrible qui ne souhaite posséder le pouvoir sont de nouveau de la partie. Une nouvelle fois rien est subtil même cela reste assez prenant et distrayant.

Désolé, je dois juger sans comparer avec les autres films. Dans la forme, Chappie a du rythme, un peu d'humour (plus ou moins bien), pas mal de ressorts dramatiques et un souffle prenant du début à la fin. Ce qui me gêne le plus, c'est d'avoir des idées pertinentes mais qui sont collées les une derrières les autres sans être vraiment exploitées. Toutes restent uniquement en toile de fond du film, ne servent que de décors. En avant on a un film d'action maîtrisé (on a même Hugh Jackman en enflure c'est plutôt cool) appuyé lourdement par un Hans Zimmer gonflé à bloc, revisitant les sonorités de Terminator à sa manière. C'est assez épuisant je dois avouer. Recette du blockbuster classique. Dommage que le scénario ne saisissent pas plus donc ses idées de bases et la mise en scène fasse grimper une atmosphère, une tension. Ce pot pourri de S-F est sympathique mais ne fait que reprendre le film de Jake Schreier Robot and Frank à la sauce blockbuster d'anticipation.

Chappie a des qualités dont celle de ne pas être niais et de ne pas posséder de ficelles trop réchauffées. La fin est aussi surprenante qu'improbable. Il reste bien dommage que tous les personnages ne soient pas développés et si grossièrement dépeints. L'interprétation est d'ailleurs toujours très tiède. Seul Chappie est attachant mais ça reste quand même assez anecdotique. Neill Blomkamp a un univers et des idées mais il n'est pas un très bon metteur en scène, ni scénariste et encore moins un bon directeur d'acteurs. Tout manque de virtuosité, de densité et surtout d'incandescence dans son travail. Il ne se démarque de la masse que dans ses idées. Le reste est fade. C'est un peu un James Cameron avec des meilleures idées mais qui a du mal à en tirer le dizième de leur potentiel. Frustrant non ? En plus qu'il a la tremblote à en donner le mal de mer et l'action elle même n'est pas vraiment d'une innovation débordante. Chappie est pour moi bien loin d'être un bon film de Science Fiction. C'est un agréable divertissement qui est toujours plus recommandable et mieux construit que ses deux précédents films. L'effet deux en un n'a jamais été aussi efficace que pour le cas du futur réalisateur d'Alien 5. Même si je pense que le cinéaste a du travail pour arriver à signer un bon opus de la fameuse saga, le choix s'avère cohérent. Affaire à suivre.


Note : 5,5 / 10

The Voices



Réalisation : Marjane Satrapi
Scénario : Michael R Perry
Durée : 1 h 50
Interprétation : Ryan Reynolds, Gemma Arterton, Anna Kendrick,
Genre : Very bad Tom

Synopsis :

Jerry vit à Milton, une ville paisible et travaille dans une usine de baignoire. Il est célibataire mais pas complètement seul, il s'entend très bien avec son chat, Mr Moustache et son chien, Bosco. Jerry voit régulièrement un psy et lui révèle qu'il apprécie de plus en plus Fiona, une fille de la compta qui travaille à l'usine. Tout se passe bien pour Jerry tant qu'il prend ces médicaments...

J'avoue que la bande annonce était alléchante. Peut-être trop car au final le dernier film de Marjane Satrapi est une déception. The Voices est un exercice de style fade qui manque cruellement de reliefs et d'inventivités. Si on apprécie le geste de la part de la réalisatrice et du scénariste de faire un film original et de faire un mélange des genres, hélas rien ne fonctionne. La composition réussie et surprenante de Ryan Reynolds reste le seul point positif de ce film à la qualité cinématographique particulièrement terne.

Le film n'est pas ennuyeux, il est plutôt bien monté et rythmé. Seulement il n'est bon et ne se démarque à aucun moment dans la comédie ou le genre horrifique. Si le travail du son au montage est particulièrement bien travaillé, le reste manque vraiment de cachet, de personnalité et d'audace. Effectivement une mise en scène bien peu inspirée accompagne et illustre une intrigue trop sage et finalement bien plus convenue qu'espérée. Étant donné que ce n'est pas une parodie, l'ensemble est beaucoup trop faible pour convaincre. Le scénario enchaîne de manière plate des idées, des dialogues et des gags qui sont soit plats, soit trop vulgaires. A l'image de la mise en scène, il n'y aura jamais de moteur, une osmose et de l'intelligence entre les genres. Le film n'est rien de plus qu'une idée tenant sur une ligne platement exploitée pendant presque deux heures.

Tout manque cruellement d'alchimie, de touche personnelle, de fraîcheur et d'inventivité dans cet exercice de style plus raté que taré. Si la forme est assez distrayante, les ressorts ne fonctionnent pas. Toutes les trouvailles sont dans la bande annonce, c'est à dire l'idée principale, la seule qui nous est vendue. Comme si le scénario et sa réalisatrice se contentaient seulement de cette idée et du gentil décalage du début à la fin, sans se préoccuper d'aller plus loin et d'en faire plus. Cette erreur est frustrante faisant tomber le film plutôt comme un gentil ratage qu'autre chose. Heureusement le jeu des acteurs tient plus le cap. Même si c'est dans le registre plus dramatique et romantique que comique que l'interprétation marche mieux, c'est surtout Ryan Reynolds qui y est surprenant, sans être pour autant magistral et ambigu. On ne peut pas lui reprocher, il est bon et bien investit. 

Le plus regrettable reste quand même le manque d'approfondissement dans tous les chemins empruntés. Que ce soit les différents clichés sur la maladie, les relations, le fantastique, la psychologie ou encore le traumatisme : absolument rien est développé, tout reste superficiel et plat à l'image de la trame du film. Soit le film est trop déjanté et pas assez subtil pour être intéressant, soit il est pas assez fou pour mettre en relief, en valeur son idée principale. Dans les deux cas, The Voices est finalement un peu comme si on regardait un film de Sam Raimi coupé à l'eau à 95 %, c'est à dire sans saveurs et sans intérêt.

Note : 3,5 / 10



dimanche 8 mars 2015

La Maison du diable ( The Haunting )



Réalisation : Robert Wise
Scénario : Nelson Gidding
D'après le roman de Shirley Jackson
Durée : 1 h 50
Interprétation : Julie Harris, Claire Bloom, Richard Johnson, Russ Tamblyn...
Genre : Angoisse totale

Synopsis

Le Dr Markway qui effectue des recherches dans le domaine de la parapsychologie, tente une expérience de perception extrasensorielle avec un groupe de personnes réunies dans Hill House, un manoir réputé hanté. Des bruits insolites terrorisent les habitants de la demeure...

Robert Wise signe avec La maison du diable une pièce maîtresse du genre et par la même occasion un véritable chef d'œuvre du cinéma. A contrario de la plupart des films du film d'horreur, toute la force du film est dans la suggestion. L'horreur vient avec subtilité, ambiguïté et avec crescendo. Cette dernière est d'une diablerie tour à tour déstabilisante, perturbante pour devenir effrayante pour le spectateur. Un chef d'œuvre d'ingéniosité et de terreur qui reste dans les mémoires du spectateur.

J'avoue que la plupart des films qui me font le plus peur sont ceux qui prennent le chemin de la suggestion. J'ai été particulièrement servi ici tant le film de Robert Wise est écrit et fondé exclusivement là dessus. Par où commencer ? Il y a tellement de choses à dire mais aussi pas grand chose car c'est une expérience à vivre. On se retrouve un peu dans un univers à la Agatha Christie avec deux hommes et deux femmes dans une maison soi dite hantée par l'entourage et son passé. Tous les personnages ont des psychologies et des personnalités différentes avec des portraits ambigus et passionnants. On y trouve des longues séquences de dialogues extrêmement bien écrites qui peuvent paraître pour des longueurs pour ceux qui s'attendent à un film d'horreur classique. Au contraire, ces « longueurs » et tous ces portraits, ces détails dépeints par petites touches permettent d'instaurer avec génie l'horreur et l'ambiguïté qui va suivre. L'écriture rend lentement nos repères de plus en plus incertains jusqu'à les faire rompre à la fin, tout comme nos nerfs. Le scénario est à l'image de la maison : à l'architecture tordue et déstabilisante, on peut s'y perdre juste après regarder un plan. La peur est amenée de manière tellement subtile et crédible que l'horreur de base se créée à partir de l'environnement simple, du quotidien complètement remis en cause. 

Les trois premiers quart d'heure du film plantent le décors de manière incroyable. La mise en scène du cinéaste crée comme rarement une angoisse montante rien que dans les dialogues et les pistes que le scénario nous offre. De plus que l'on se pose toujours sur le pourquoi du comment des choses tant tout reste et restera aussi expliqué que totalement abstrait. Tout d'abord, l'introduction dépeint avec une grande rigueur et modernité l'Histoire de cette maison, qui est l’héroïne du film. Ensuite c'est la psychologie et l'hypothèse de la folie qui prend part avec le personnage d'Éléonore. Cela fait penser un peu à Psychose d'Hitchcock mêlé à un autre classique, Les Innocents de Jack Clayton. Le côté schizophrénique de ce personnage féminin ajoute un doute sur l'ensemble de la lecture du film d'ailleurs. On retrouve du coup la force de la trilogie de l'appartement de Roman Polanski parfois même la terreur des films de Cronenberg et de Lynch. Le doute s'installe d'autant plus ensuite chez le spectateur sur le pourquoi du comment de l'expérience qui ne sont pas vraiment développés et expliqués. Les effets parapsychologiques sont développés eux aussi par dessus tout ça de manière également assez intrigante et douteuse. Les barrières, les repères de l'intrigue classique sont tous tombés pour perdre et mettre le spectateur dans la plus profonde des confusions. La note de fantastique est donc lancée mais pas à l'écran. Elle est juste imprégnée dans notre inconscient. Le fantastique et la terreur n'est pas matérialisée, elle est pour nous comme celle des personnages : dans notre tête. Ce qui commençait comme un policier paranormal glisse lentement vers la terreur psychologique intense et la paranoïa de plus en plus fiévreuse. Tout est progressivement tourné dans la suggestion, avec des effets surnaturels, exactement comme le schéma de la paranoïa. Toute la tension et les clés de la terreur grimpent avec un léger crescendo de plus en plus bouillonnant avec des effets visuels très subtils qui titillent directement notre paranoïa. Des détails tout simple comme une porte qui claque, des bruits à l'extérieur, une poignée qui bouge ou des coups de vents autour des statues rendent des scènes d'horreurs absolues. L'écriture est d'une intelligence et d'une force époustouflante toujours de nos jours étant donné que c'est notre peur primale qui est touchée ici à vif.

Je n'irai pas fouiller plus loin au niveau du scénario car il est d'une richesse et d'une ingéniosité magistrale. Un exemple pour tous les scénaristes. Pour la forme, la mise en scène de Robert Wise est d'une modernité et d'une maîtrise technique incroyable elle aussi. Un montage à la fois fluide et efficace nous plonge rapidement dans l'atmosphère. Tous les plans sont savamment composés pour rendre la terreur intrigante et de plus en plus grande. L'image est en plus d'un sublime noir et blanc, le meilleur d'un produit de la Hammer. Le cinéaste réussit avec l'aide d'effets spéciaux très légers, un travail du son exemplaire et un montage d'une finesse absolue à créer une vraie leçon de cinéma. C'est d'une économie de moyen au service de la plus grande terreur qu'il soit. Intelligence des mouvements de caméra, utilisation de la superbe musique d'Humphrey Searle avec parcimonie et surtout un travail sur le hors champs extraordinaire. On remarquera une direction d'acteur également en concordance avec l'ambiguïté du scénario d'une habileté déstabilisante elle aussi. Le cinéaste joue avec virtuosité avec les nerfs du spectateur, il ne donnera que très peu de clés tout le long du film ainsi qu'à la toute fin. Même si le film a un dénouement, tragique forcément, toutes les interprétations restent possibles. 

Je n'ai pas lu le livre original mais je me permet de le rapprocher avec un autre que j'ai lu : La maison des damnés de Richard Matheson. Alors que Matheson avait voulu faire le scénario de l'adaptation de son livre à l'écran, cela avait rendu à un film plat et loupé. D'autant que le metteur en scène n'était pas un David Cronenberg hélas, le résultat est un téléfilm nul et vieillot. Ici Robert Wise a une base qui a le même potentiel que le bouquin de Matheson et a reprit son scénariste de la Hammer, Nelson Gidding pour adapter le livre de Shirley Jackson. Résultat c'est diablement mieux quand un scénariste se penche sur l'horreur et cela fait toute la différence. Je pense encore au film Les Innocents de Jack Clayton en comparaison qui est un bon film dans le genre, mais le fait que ce soit Truman Capote lui même au scénario empêche de rendre le produit aussi bon cinématographiquement que La maison du diable. Quand les auteurs de livre se frottent au cinéma et au scénario, généralement le résultat est beaucoup plus (et trop) écrit que cinématographiquement palpitant. La maison du diable a donc cette grande force d'être écrit par deux personnes venant du cinéma et qui assemblent le meilleur de leur savoir faire avec la création, l'innovation d'une forme de terreur rarement égalée. L'essence principale est due a une économie de moyen spectaculaire et à l'écriture à tous les étages impressionnante. Le résultat est d'une angoisse et d'une ambiguïté absolue faisant La maison du diable un des films les plus flippant que j'ai eu l'occasion de voir mais aussi un des plus grands. Avec le recul, il n'a pas fini de trotter dans ma tête. Une leçon de cinéma et d'audace terrifiante qui a choqué toute une génération de cinéphile (Martin Scorsese le considère comme le plus effrayant) et qui continuera bien longtemps à faire son effet.  

Note : 10 / 10

La dévédéthèque parfaite :

Répulsion, Rosemary's Baby, Le locataire de Roman Polanski, M Le Maudit de Fritz lang, Les innocents de Jack Clayton et L'exorciste de William Friedkin.