mardi 19 février 2013

Leptis Magna




En 2013 après Jésus-Christ, toute la France est envahie par la variète. Toute ? Non ! Un groupe d'irréductibles rockeurs résiste encore au vibrato et à la niaiserie : Deja vu. Le groupe Lyonnais sort son nouvel album intitulé Leptis Magna le 18 mars prochain. Un troisième album très réussi que j'ai pu découvrir en avant-première.

Cet album « concept » raconte l'histoire d'un jeune homme blasé du monde dans lequel il vit. Pensant que l'herbe est plus verte chez le voisin, il décide alors de partir pour Leptis Magna, une cité lointaine qui aurait la particularité d'offrir une vie de bonheur, tel un eldorado des temps modernes. Malheureusement, après l'excitation que cette cité lui procure dans un premier temps, la désillusion s'installe peu à peu dans l'esprit de notre héros...

Tout en traitant un sujet assez universel, Deja vu reste fidèle à son principe : faire de la bonne musique avec des paroles en français. Beaucoup moins tubesque que les précédents albums, Leptis Magna est plus mature, plus instrumentalisé et d'un psychédélisme charmant. On y découvre un cachet unique et une grande richesse musicale. Les paroles, jamais niaises, sont prenantes et nous transportent tout au long de cette critique amère de la société. Sans jamais être provoquant de manière gratuite et vulgaire, c'est une immersion subtile à la fois sobre et personnelle. Un équilibre très harmonieux.

Mais que les fans du groupe se rassurent, il y a bien des morceaux qui transpirent les deux albums précédents, notamment On délègue on élague. On découvre dans cet album une vraie panoplie de tons, de styles et de rythmes, le tout dans une même atmosphère. Que ce soit par l'introduction progressive de l'Homme invisible, le tube Red Light District Romance, la surprenante Timeline, l'effet dynamite de Cauchemar climatisé ou encore l'apesanteur finale de Derniers pas sur la Lune, c'est une véritable odyssée auditive qui ne peut vous laisser indifférent. Savoureux.



Cet album a également la particularité d'être accompagné d'un DVD qui comporte un ensemble de courts métrages et clips. Ces derniers traitent huit morceaux de l'album par sept réalisateurs. La carte blanche qui leur a été donnée rend chaque film unique et différent du suivant, sans que l'ensemble ne soit complètement décousu. Un projet audiovisuel qui vaut le coup d'œil.

Leptis Magna est un excellent album de rock indépendant, comparable aux meilleurs, que l'on a pourtant plus l'habitude d'entendre chez nos amis anglophones. Deja vu persiste et signe une nouvelle fois car c'est à mon avis un des rares groupes français actuels qui ne nous propose pas de la soupe. Il est hélas trop peu médiatisé, c'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle je vous en parle car ce groupe mérite largement d'être plus reconnu.

N'hésitez donc pas à vous procurer cet album (sur le site officiel, Amazon, iTunes,etc...), vous ne serez pas déçus !





Toutes les infos sur le site officiel : www.dejavurock.fr


vendredi 15 février 2013

L'Odyssée de Pi (Life of Pi)







Réalisation : Ang Lee
Scénario : David Magee
Durée : 2h
Distribution : Suraj Sharma, Irrfan Khan, Adil Hussein...

Genre : Odyssée visuelle



Synopsis : Après une enfance passée à Pondichéry en Inde, Pi Patel, 17 ans, embarque avec sa famille pour le Canada où l’attend une nouvelle vie. Mais son destin est bouleversé par le naufrage spectaculaire du cargo en pleine mer. Il se retrouve seul survivant à bord d'un canot de sauvetage. Seul, ou presque... Richard Parker, splendide et féroce tigre du Bengale est aussi du voyage. L’instinct de survie des deux naufragés leur fera vivre une odyssée hors du commun au cours de laquelle Pi devra développer son ingéniosité et faire preuve d’un courage insoupçonné pour survivre à cette aventure incroyable.



Je l'avoue, après une bande annonce un peu trop teintée de kitch Bollywoodien, L'odyssée de Pi ne m'inspirait pas plus que ça. Mais même s'il n'est jamais garanti qu'un film d'Ang Lee soit réussi, c'est indéniablement un des grands cinéastes contemporains. Le conte peut parfois être assez irrégulier, aussi bien dans la forme que dans le fond, mais grâce à une technique au sommet de la modernité et certains vrais moments de cinéma, je n'ai pas regretté le prix de ma place.

Le film est visuellement bluffant. C'est en voyant des films de ce genre que l'on comprend l'intérêt de la 3D, qui peut être intelligemment utilisée. C'est grâce à de grands cinéastes comme Ang Lee que le spectacle visuel d'un film en 3D peut prendre une telle ampleur. Ici, elle au service d'une mise en scène qui jongle parfaitement entre l'épique et la sensibilité nécessaire à nous embarquer.

En effet, les reconstitutions, les animaux, ou encore le naufrage sont d'un réalisme et d'une telle précision que le spectateur vit une pure immersion visuelle. On savoure dans cette mise en scène un montage harmonieux et des plans magnifiques. Le ton est un vrai délice d'équilibre entre onirisme et parcours initiatique cruel mais enchanteur. 

Le scénario quant à lui est le point négatif du film. Autant la mise en scène est grandiose, autant le scénario à mon goût manque de lucidité. Le problème avec l'écriture des contes est un peu le même que pour les comédies sentimentales : on connaît le début et la fin. C'est dans le traitement de l'intrigue que l'on peut trouver l'originalité. Pas d'exception ici. Même si elle est très agréable à suivre, cette introduction est digne d'une adaptation ligne par ligne d'un roman, trop volumineuse. Nous avons une longue présentation du personnage de Pi , de sa vie, de son nom, ses questions, sa famille... et ne laisse au final plus assez de place à l'imagination. Enfin, cela finit par rendre plutôt insipide toute la morale et la psychologie des personnages. 

Cependant, L'odyssée de Pi porte très bien son titre. C'est dans l'odyssée même que le film s'en sort le mieux. Ce passage est le plus intéressant, le plus spectaculaire grâce à une mise en scène parlante. Ce milieu de film est un fabuleux voyage, un peu comme Seul au Monde de Robert Zemeckis, mais avec un tigre (plutôt hostile) à la place de Wilson (qui était, il faut l'avouer, un ballon sympa). Pour ma part je n'ai pas décroché, j'ai même beaucoup aimé. On suit cette aventure sans en lâcher une miette. Quant à la fin, elle est une peu longue et attendue, comme automatique, et comme pour l'introduction, trop bavarde. Dommage.

L'interprétation est également très bonne de manière générale. On retrouve même notre Gégé national dans un rôle qui lui va comme un gant. L'odyssée de Pi est un magnifique condensé du cinéma d'Ang Lee, alliant sa culture Hollywoodienne et sa culture asiatique de manière habile et virtuose. Dommage que le début et la fin du scénario aseptise le tout. Ce film reste cependant un fabuleux voyage en mer, pour notre plus grand plaisir intérieur et visuel.



Note : 7/10

lundi 11 février 2013

Sugar man






Réalisation : Malik Bendjelloul
Année : 2012

Distribution : Sixto Diaz Rodriguez, Stephen Segerman, Dennis Coffey...

Durée : 1 h 25

Genre : Histoire folle


Synopsis : Au début des années 70, Sixto Rodriguez enregistre deux albums sur un label de Motown. C'est un échec, à tel point qu’on raconte qu’il se serait suicidé sur scène. Plus personne n’entendit parler de Rodriguez. Sauf en Afrique du Sud où, sans qu’il le sache, son disque devint un symbole de la lutte contre l’Apartheid. Des années plus tard, deux fans du Cap partent à la recherche du mystérieux musicien.



Il est assez difficile de juger un film dont le sujet est aussi passionnant. Ce dernier, tellement génial, pourrait nous intéresser même si la manière dont il est traité était digne d'un reportage de France Télévision. 

L'écriture, suivant l'ordre chronologique de l'histoire, est très linéaire du début à la fin. Pourtant, Bendjelloul réussi à nous tenir en haleine grâce à la direction policière qu'il a donné à l'intrigue. Sans témoignages inutiles, l'ensemble est monté d'une manière assez élégante et sobre. Sixto Rodriguez n'est dévoilé qu'au fur et à mesure de l'enquête, nous permettant de découvrir des bribes du personnage et ainsi le penser comme une sorte de légende inaccessible. On peut alors fantasmer Rodriguez, jusqu'à ce qu'il soit retrouvé. A ce moment de « l'enquête », le film nous dévoile alors un homme d'une totale sagesse et d'une modestie excessivement exemplaire. Suivant la découverte de Sixto, on prend plaisir à l'écouter témoigner de sa vie d'ouvrier. Rien de sa vie personnelle n'est trop dévoilée, on ne sait de lui que son travail et ses trois filles, préservant ainsi le mystère. Sixto Rodriguez est un artiste au talent et à la dignité à l'état brut comme il est rare de rencontrer. 

Ce documentaire est réalisé de façon très classique, mais judicieuse ; le public n'est à aucun moment pris pour un idiot. La volonté du réalisateur n'est pas de faire pleurer dans les chaumières, ou même de plaindre Rodriguez. Ne s'éparpillant pas sur des sujets périphériques, on suit facilement le fil de l'histoire du musicien. Grâce à cette simplicité, on peut alors se laisser submerger par les émotions que cette histoire hors du commun peut nous faire ressentir. La bande son, uniquement composée des morceaux de Rodriguez est également facteur de ces fameuses émotions.

Son flop est un vrai mystère, pourquoi n'est-il pas aussi reconnu que d'autres musiciens moins talentueux ? Beaucoup d'hypothèses sont posées dans les témoignages, notamment en ce qui concerne l'import du premier album en Afrique du Sud ou encore l'origine des rumeurs de la mort du chanteur. Ces questions sans réponses le rendent d'autant plus légendaire.

Comme quoi, il n'y a pas que chez Disney que tout se termine bien ! Je suis pour ma part tombé amoureux de sa musique, qui selon moi est grandiose. Un film à ne surtout pas rater !


PS : D'après Télérama, « le documentariste Malik Bendjelloul n'a fait qu'une entorse à la réalité : avant sa « résurrection » en Afrique du Sud, Rodriguez avait déjà joué en Australie, en 1979 et 1981 ». 



Note : 8 /10

samedi 9 février 2013

Top 5 films 2012


Bien que j'ai manqué pas mal de films de l'an dernier, voici un petit top 5 de mes préférés :





1 - Take shelter de Jeff Nichols.


Après Shotgun Stories, le jeune cinéaste nous livre une nouvelle fois une oeuvre virtuose et d'une grande intensité. Un film majeur de ces dernières années à ne louper sous aucun prétexte.







2 - Looper de Ryan Johnson.


En rendant hommage au genre et à l'aide d'un scénario aussi original qu'habile, Ryan Johnson signe avec Looper un petit régal qui arrive à la cheville de ses modèles, voir même parfois les dépasse. La classe.







3 - Les pirates bons à rien mauvais en tout de Peter Lord.


Les créateurs de Wallace et Gromit sont de retour pour une histoire toute aussi créative que Chicken Run, drôle et riche de trouvailles et de gags jubilatoires. Un nouveau délire des studios Aardman pour notre plus grand plaisir.







4 - Dans la maison de François Ozon.


Dur de voir un film français dans un top mais celui là le mérite. Magistralement écrit et interprété, nous sommes dans un exercice de style virtuose digne d'un très bon De Palma, Hitchock ou encore Haneke. Dérangeant, drôle, intelligent et très mature, Dans la maison est le meilleur François Ozon, le meilleur film de l'hexagone hors comédie depuis des années.







5 - Argo de Ben Affleck.


Ben Affleck signe un film de suspense et d'espionnage Hollywoodien du style des années soixante dix. C'est de manière générale plutôt réussi et élégant, appréciable dans la mode actuelle du surdécoupage.

jeudi 7 février 2013

Six feet under (intégrale)




Synopsis : La vie des membres de la famille Fisher bascule lorsque le père meurt dans un accident, laissant ainsi la direction de la société de pompes funèbres qu'il a fondée à ses deux fils.

Genre : Mortel

Alors que la plupart des séries se focalisent essentiellement sur l'action, les intrigues classiques souvent trop alambiquées ou des adaptations plus ou moins intéressantes et novatrices, Six Feet Under prend le contre pied total en ne misant que sur le côté humain. Pari risqué mais remporté haut la main car cette série est une pure réussite.

En effet, la série créée par Alan Ball est extrêmement humaine grâce notamment aux erreurs de parcours et à la vulnérabilité des personnages qui ne nous laissent pas insensibles. Le scénario crédibilise et rend attachante cette famille atypique, dans laquelle les différents membres diffèrent les uns des autres. C'est une peinture de vie au réalisme captivant brillamment écrite. Rien n'échappe aux scénaristes.

Dans le quotidien de cette famille américaine, les personnages quelques peu déprimés, sont animés par leurs souvenirs, leurs traumatismes, leurs regrets, leurs envies, leurs pulsions, les imprévus de la vie, les obstacles sociaux, politiques ou sentimentaux ou encore leurs remises en questions. Tout y est magistralement construit. Le tout est teinté efficacement de suspense, d'émotions, de satyre et d'humour noir. Il y a du rythme et de la surprise, rien n'est téléphoné, et les dialogues sont savoureux.

Si Nate Fisher est le personnage principal, on ne peut mettre de côté le reste de la famille. En effet, malgré le fait que chacun mène sa propre vie, l'entreprise familiale se situant dans la maison familiale permet de les réunir tous les jours. Tous se ressemblent, sans pour autant être des copies conformes.
La galerie de personnages périphériques est également réussie. Tous ont une véritables personnalité, malgré des intrigues secondaires plus ou moins intéressantes (je pense notamment au personnage de Rico). Si les passages de certains personnages ne sont que très brefs, ils restent pourtant bien en tête. Nous nous attachons à eux, qu'ils soient plutôt classiques ou plutôt cinglés (plus fréquent). On nous offre de manière très équilibrée différents points de vue : celui des Fisher en plus du classique point de vue omniscient. L'écriture de cette série est digne des plus grands.

Les différents tons, subtil, cynique et noir se complètent harmonieusement et permet ainsi d'éviter toute niaiserie.
Malgré tout, tous les personnages présents dans la série étant un peu fous voir parodiques (par exemple les étudiants en arts, les psys...), les Fisher apparaissent à nos yeux moins hallucinés que s'ils existaient dans la réalité.
L'introduction de chaque épisode, nous proposant à chaque fois une mort différente plus ou moins insolite, nous permet pour notre plus grand plaisir de faire appel à notre imagination. En effet, cette mort nous annonce pour la plupart du temps le thème ou un élément de l'épisode.
Le tout est ponctué d'une touche de fantastique grâce aux différents défunts présentés en introduction qui hantent l'imaginaire des personnages, leur servant de purgatoire ou au contraire confirmant leurs inquiétudes, interrogations.
Le temps écoulé entre les épisodes (qui peut varier de quelques heures à plusieurs mois) est une autre particularité propre à cette série. Cela permet au spectateur de rentrer encore plus en immersion dans l'histoire, et donne un cachet supplémentaire à l'évolution des personnages. Le spectateur prend plaisir à découvrir les petits détails qui ont changés. De plus, pas mal de choses sont suggérées, suffisamment pour ne pas être pris pour des idiots (remarquable pour la télévision) sans pour autant que l'on se retrouve largués en cours de route. Nous restons proches de l'histoire des Fisher sans pour autant être enfermés dans leur quotidien. C'est un des grands charmes de la série.

Dans une série qui repose (presque) uniquement sur les personnages, il est impossible de passer à côté de la performance des acteurs. Tous campent sans exception leur personnage de manière atypique et charismatique, et portent ainsi le scénario à merveille. L'interprétation folle de Frances Conroy et le double jeu mi sobre, mi vulnérable de Michael C. Hall restent pour ma part les deux prestations les plus mémorables, même si tous les acteurs sont brillants.

La mise en scène, quant à elle, est extrêmement sobre et aussi incisive qu'une lame de rasoir. A mi chemin entre le cinéma de Robert Altman et des Frères Coen, un mélange subtil de film noir et d'humour illustre avec virtuosité la mécanique du scénario. Le découpage millimétré et le montage fluide et implacable donnent une mise en scène au cordeau, charismatique et élégante. On peut remarquer cependant que les épisodes réalisés et écrits par Alan Ball sont un brin plus fluides et déjantés.
Effectivement le scénariste d'American Beauty s'est chargés de certains épisodes, dont l'ultime, émouvant et virtuose. Finalement la série se rapproche du personnage de David, extrêmement sobre à la surface mais sensible et humaine dans le fond.

De manière générale, les cinq saisons sont toutes excellentes même s'il y a un petit coup de mou dans la quatrième. Cependant, c'est aussi dans cette saison qu'il y a un des meilleurs épisodes, « That's my dog » qui reste en tête car beaucoup plus dramatique, ne laissant pour la première fois aucune place à l'humour. Un grand moment.

A la fois originale, humaine et poignante, Six feet under a le cachet d'une grande œuvre cinématographique. Les cinq saisons se suivent sans fausse note. Cette série, dans laquelle la vie et la mort sont présentes du début à la fin, possède une âme merveilleuse qu'il serait dommage de ne pas découvrir. Une série culte au statut mérité, à voir avant de se retrouver « six pieds sous terre ».



Note : 10 /10

lundi 4 février 2013

Django unchained







Réalisation et scénario : Quentin Tarantino
Année : 2013
Durée : 2 h 45
Distribution : Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio...
Genre : Le bon la brute et Tarantino

Synopsis : Dans le sud des États-Unis, deux ans avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django, un esclave qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves… Lorsque Django et Schultz arrivent dans l’immense plantation du puissant Calvin Candie, ils éveillent les soupçons de Stephen, un esclave qui sert Candie et a toute sa confiance. Le moindre de leurs mouvements est désormais épié par une dangereuse organisation de plus en plus proche… Si Django et Schultz veulent espérer s’enfuir avec Broomhilda, ils vont devoir choisir entre l’indépendance et la solidarité, entre le sacrifice et la survie…

Après Inglorious Basterds que je n'avais pas trouvé très réussi malgré une bonne introduction et une véritable révélation (Christoph Waltz), je suis hélas ressorti de Django unchained avec la même déception. Si la mise en scène du cinéaste est moins tape à l'œil, le scénario loin des ses copiés - collés habituels, le film ne vaut hélas que pour son casting et deux ou trois bonnes trouvailles qui méritent d'être soulignées. Tarantino signe une caricature fade de son cinéma plus ennuyeuse et vide que pêchue et fraîche qu'à l'accoutumée. 

On peut penser que Quentin Tarantino voulait signer avec Django unchained son plus grand film. Disons son plus personnel, le plus ambitieux et complet. Pour moi j'ai trouvé qu'il voulait tout faire mais qu'il n'arrivait à rien. Le cinéaste veut déranger, critiquer et bousculer les codes tout en restant divertissant, restant moderne dans sa forme et dans son style bien à lui. Le tout en faisant hommage une nouvelle fois au genre du western. Le réalisateur de Pulp Fiction tente ici de nous faire ressentir tout cela, sans pour autant réussir à nous toucher car il tire à blanc une nouvelle fois : un comble pour un western. En effet, Django unchained n'est pas un film aussi virtuose que ce à quoi Tarantino nous a habitué auparavant. Son éternel schéma (longs dialogues – fusillades - séquence musicale, puis re dialogue - re fusillade etc) est ici trop dominant et gâche donc tout effet de surprise, tout effet de fraîcheur. Ce schéma qui faisait pourtant le charme des films de Tarantino empèse le tout, surcharge ce très long film au fond très creux. Malheureusement, l'abus de cette recette nous donne l'impression d'être face à une caricature de ses propres films, au point que cela en devient dès la scène d'introduction lassant. Il prive son western de tout charme et sa volonté de démystifier les codes du genre. 

Les dialogues, qui sont les plus grandes marques personnelles du style du cinéaste, sont abusivement longs et surtout loin d'être aussi loufoques et subtils qu'auparavant. La moitié sont inutiles mêmes, comme si le cinéaste meuble comme il peut en faisant parler ses personnages sans cesse. Comme pour Inglorious Basterds on a effectivement une nouvelle fois droit à des diarrhées verbales sans fins qui désamorcent de ce fait la tension et aussi la crédibilité de l'intrigue et des scènes. Tout devient lourd et ennuyeux et surtout très fade. Heureusement le choix du casting est une nouvelle fois judicieux. Les acteurs permettent de nous captiver malgré tout jusqu'à la fin même si le réalisateur de Reservoir dogs à la chance de pouvoir s'offrir des acteurs de luxe. Je parle ici bien sûr du trio Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio et Samuel L.Jackson. Car non seulement ce sont leurs personnages qui sont les mieux écrits mais également les seuls moteurs du film. C'est quand ils sont ensemble que le film est le plus intéressant, le plus tendus et le plus dense en charisme.

Dans tout ça notre héros Django (Jamie Foxx) ainsi que sa femme Hilda (Kerry Washington) sont clairement figurants si ce n'est pas dire fantomatiques. Le personnage (tout comme l'intrigue) de Django reste toujours au second plan comme mis à part, presque en tant que tapisserie et complètement effacé derrière les personnages secondaires bien mieux écrits. Comme dans son précédent film, on n'a d'yeux que pour le docteur King Schultz qui représente dans ce film tout ce qu'il y a d'humain, de subtil et d'intéressant. Une seconde fois chez Tarantino Waltz assure le spectacle, et il est vrai que c'est une recette qui marche car il est formidable. Le rôle de Calvin est bien interprété par Leonardo DiCaprio mais assez anecdotique car finalement c'est une ordure comme une autre. Il est bon comme d'habitude mais victime d'une démarche trop scolaire, à l'image du scénario. Lui aussi est victime de trop de dialogues et de facilités pour être détestable comme il aurait pu l'être. Le personnage de Stephen il démontre une nouvelle fois que Samuel L.Jackson n'est pas mieux ailleurs que chez Tarantino. En effet, ce personnage est pour moi la meilleure idée du film. Dérangeant par son cynisme et magistral à la fois, il est le grand point positif de ce film bien long.

Le second degré du film est lourd et complètement raté.L'abondance des dialogues et l'immense place occupée par le docteur Schultz ne laissent que trop peu de place à l'action et aux autres personnages. Django passe trop vite du gentil esclave voulant retrouver sa femme à l'antipathique faux négrier, tout ça pour finir limite super héros (avec un charisme fantomatique). On sait que le cinéaste à le don de nous régaler malgré des scénariis qui tiennent sur un timbre poste. Une nouvelle fois donc, le cinéaste revient sur ce qu'il ne copie nulle part ailleurs : les dialogues. Seulement comme je le disais auparavant, ces derniers sont toujours fluides mais inutilement allongés. Beaucoup trop allongés. Au point qu'ils n'ont vite plus aucune saveur, comme un café trop plein d'eau. Ce n'est plus dix phrases à la place de trois comme dans les films plus classiques, mais plus d'une vingtaine. Les tensions voulues, le climax et l'effet de surprise n'arriveront toujours pas, sans cesse désamorcés par ces cabotinages interminables et narcissiques pourtant agréablement écrits et interprétés par les acteurs. Une vraie catastrophe pour moi qui suit fan pourtant du cinéaste. 

Cousu de fil blanc, le problème du scénario reste cependant sa facilité. Pour donner quelques exemples, je pense notamment à Jamie Foxx qui lance un « J'aime ta façon de mourir » ou même à la démonstration du crâne des noirs avec les aires différentes de celles des blancs. On a droit uniquement à un défoulement, toujours patchwork, qui dans le fond est totalement insipide et creux. J'ajouterais comme ultime exemple de facilité, les images de l'esclave dévoré par les chiens qui resurgissent dans la tête de Schultz comme un cheveu sur la soupe pour justifier bien entendu une nouvelle fusillade : là aussi un prétexte pour réaliser une fin en roue libre, digne d'un Tarantino. Cette dernière demie heure en roue libre totale et complètement ridicule, le cinéaste fait clairement un clin d'oeil à Peckinpah (en particulier La horde sauvage) ou à des films comme Bulitt de Peter Yates) mais en version Kill Bill. On est loin du compte. Quand je vois la fin j'en viens même à penser que le cinéaste regretterai de ne pas avoir pu réaliser le remake de Shaft avec son ami Samuel L Jackson, et se rattrape ici. Seul le flash back hommage aux Monty Python est plutôt réussi car il contraste du ton général du film. C'est ce qu'il y a de plus simple mais le décalage est tellement grand qu'on a la finalement la scène la plus drôle du film.

Au niveau du montage, Tarantino ne nous propose ici rien de transcendant. Il illustre simplement son scénario scolaire et loin d'être aussi virtuose que Kill Bill. Il a même un effet assez laxatif, le ton est bien emmerdant et mou. Il faudrait remonter à la scène de l'accident de voiture de Death Proof ou plus récemment à l'introduction d'Inglorious basterds (inspirée de Sergio Leone) pour retrouver un vrai moment de cinéma tarantinesque dans le montage. La mise en scène manque de souffle et même d'atmosphère de manière générale. Rien n'est novateur mis à part une bande son trop hasardeuse pour un western. Pour le coup ce n'est pas du tout harmonieux et ne donne aucune classe au film. Sii la mise en scène et moins référencée, elle est paradoxalement moins brillante, plus lisse et grand public comme en pilotage automatique. La beauté des paysages n'y changeront rien, le déjà vu et le blabla (digne parfois de Woody Allen) fait de Django unchained une sorte de mélasse sans style enfermé dans la caricature du cinéma de Tarantino. Le cinéphile cinéaste se retrouve plus calculateur et anecdotique en se reposant sur ses acteurs, un peu comme un certain Christopher Nolan. Parfois cela peut faire mouche mais pas ici. Pour la première fois, Tarantino ne nous offre pas une once d'âme malgré un sens de la technique certain et une écriture aussi virtuose que narcissique. Le spectacle est fatiguant et insupportable.

Avec le recul on peut penser à un concert de Tarantino qui envoie la sauce. Seulement le résultat n'a rien à voir avec un album construit et organisé et l'euphorie de ce show excentrique et vide peut être communicatif ou pas. De mon côté je suis resté dans les loges et sur ma faim. Je peux concevoir que ce soit un divertissement mais loin d'être un bon film et encore moins un chef d'oeuvre. Pour moi la caricature du cinéma tarantinesque prive de charme et d'âme ce film. De plus je trouve que le film n'a pas de fond et les démarches dans sa forme ne sont que du tape à l'oeil pour adolescents et du narcissisme de la part du cinéaste. Il est vrai que c'est assez inédit et osé dans le genre mais on est plus proche du fiasco que du délire maîtrisé.Le plus grave c'est que son cinéma n'a aucun relief, il devient un pot pourri à la violence complaisante pour grand public. Tant mieux pour lui car ça fonctionne, ce film est encensé. Django Unchained est un concentré de savoir-faire du cinéaste sans surprises et bien loin des westerns qui démystifie le genre brillament comme La Horde Sauvage de Sam Peckinpah, John Mc Cabe de Robert Altman ou encore Missouri Breaks d'Arthur Penn. Ces films sont remarquables autant dans le fond que dans la forme, plus drôle, plus violent, plus classe et surtout absolument pas insipide contrairement aux goûts cinématographiques de Quentin Tarantino. 


Note : 3 /10